La petite ville de Fort Portal est au centre d'un carrefour touristique dont elle a su bien profiter. Le centre ville est beaucoup moins chaotique que celui de Kampala. On y trouve un petit super marché où l'on fait quelques courses : principalement de l'eau et quelques vagues victuailles en réserve. Puis nous prenons la route de Kibale, l'un des parcs nationaux que nous traverserons. Seule la rue principale était goudronnée. Nous roulons maintenant sur une route de terre où chaque véhicule laisse derrière lui une longue traînée de poussière. Au sortir de la ville, nous croisons plusieurs jolies petites maisons, très bien entretenues : cela me confirme dans l'idée que Fort Portal est une ville plutôt riche. Puis viennent les immenses plantations de thé et les nombreux villages. Je scrute la route à la recherche d'un certain embranchement. En vérifiant sur le GPS (sur nos téléphones, avec SIM card locale) je découvre qu'on l'a loupé. Tant pis, il y a un autre chemin, il faut tourner à droite maintenant... Ce n'est plus vraiment ce qu'on peut appeler une route, plutôt une vague piste. On bondit sur les cailloux et crevasses bon gré mal gré avec le 4x4. Autour de nous : les bananeraies, les petits villages, les chèvres, etc. Quand nous croisons des enfants (et nous en croisons beaucoup), ils lèvent la tête tout sourire et crient tous en boucle « How are you ! How are you ! How are you ! » ce qui chez les plus jeunes se transforme souvent en « hoayou hoayou ».

Au final, notre chemin de terre nous mène à une « route » un petit peu plus grande. En dehors de la route principale que nous avons quittée il y a un moment, on trouve tout un réseau de petites pistes à travers les champs assez densément peuplées. Nous essayons de nous y repérer à coup de GPS avec comme but un certain camping que nous avons sélectionné pour la nuit. Nous sommes dans la région des « crater lakes » : tout un tas de petits lacs formés dans des cratères, entourés de belles collines verdoyantes. Parfois au détour d'un chemin, on s’arrête devant ce paysage magnifique dans son halo de brume. On trouve sans trop de mal le fameux camping « Eco lodge ». C'est une simple maison, nous sommes accueillis par un jeune femme entourée d'enfants, de chiens, de chèvres et de poules. Elle nous montre un petit terrain où nous pouvons planter notre tente. Ils proposent aussi quelques huttes à la la location. L'endroit est magnifique, au sommet d'une crête avec vue sur le lac en contre bas. On installe notre tente, puis on se repose à l'ombre en grignotant des crakers et des loukoums (les loukoums sont le résultat de la récente étape de Seb à Istanbul).

Le but de l'après-midi est d'aller faire la « balade de la cascade ». Pour cela, le camping nous propose un jeune guide qui monte dans la voiture avec nous pour nous indiquer le chemin. On se gare dans un village (ou plutôt, devant un ensemble de trois maisons en terre cuite), c'est le guide qui s'occupe de tracter avec les habitants. Puis nous partons à pied à travers les bananiers. Le jeune guide est « étudiant guide », il a 16 ans et effectue une sorte de stage d'été dans le camping où nous logeons. Il prend son travail très au sérieux et nous donne de nombreuses explications, principalement botanique. En plus des bananes (dont il y a plusieurs sorte), nous voyons divers petits champs : cacahuètes, citrouilles, kassaves, patates douces. Parfois aussi quelques buissons, ou plantes sauvages qu'il nous désigne. C'est la première fois que je vois du piment pousser : on peut cueillir les petits fruits rouges directement sur l'arbuste. Plus tard, je testerai en croquant juste un tout petit peu que ça pique bien ! Au bout d'un certain temps, on atteint le bord d'une ravine et le chemin descend à pic vers la rivière. On s'aide de bâtons, on y va doucement. Je pense surtout à la montée qui va être pénible pour moi. Enfin, nous atteignons la cascade : une eau bouillonnante, qui bondit en torrent sur les rochers, créant chutes et bassins plein d'écume. Le clou de la balade est de se baigner dans ces petites baignoires naturelles, doucher par l'eau de la rivière. C'est visiblement, le moment que préfère le jeune guide (et moi aussi) bien que dans son amusement, il garde son professionnalisme : nous montrer le meilleur passage, nous empêcher de glisser sur les rochers... La remontée est moins pénible que je ne craignais : le soleil n'est plus si chaud et la fraîcheur de la cascade est encore là. Sur le chemin du retour, nous croisons des orphelins qui sortent de l'école. Nous roulons très lentement et pendant de longues minutes, ils poursuivent la voiture en poussant des cris joyeux. C'est un jeu pour eux mais pour Seb qui conduit, c'est un peu compliqué.

De retour au camping, nous attendons l'heure de dîner, tranquillement installés près de notre tente. Dans un arbre, je repère un petit singe ! C'est un « red tailed monkey », singe à queue rouge. Plus la soirée avance, plus le vent souffle. Bientôt je me mets mon gilet en plus de ma veste. Pour le repas, nous nous installons dans un petit bâtiment à l’abri du vent. Nous partageons la table (et l'unique lampe) avec l'autre couple qui loge ici ce soir. Lui est Néerlandais, elle Sud-Africaine (blanche), tous les deux étudient la médecine aux Pays-Bas. Ses parents à elle viennent de s'installer en Ouganda et elle prévoit d'y faire un stage ce qui explique leur voyage. On se donne quelques infos sur le pays (où va-t-on après ? Ou étions-nous avant ? Combien de temps ? Quel budget ? Comment avons nous trouvé le camping ?) tout en partageant les plats locaux préparés par la famille.

Le soir, nous nous installons dans notre petite tente. Presque immédiatement, l'orage qui menaçait depuis quelques heures éclate : la pluie, le vent, les éclairs, le tonnerre, tout ça en live depuis notre igloo en plastique qui semble une protection bien minime. Je m'enroule dans mon sac de couchage et m'endors malgré tout. Vers minuit, l'averse est passée et Seb veut se lever. C'est là qu'on découvrira qu'un bout de tente était mal fermé et qu'une partie de nos vêtements a subit une lessive à l'eau de pluie sns essorage. Il y aura beaucoup de choses à sécher à l'arrière de la voiture le lendemain... Enfin bon, la nuit se passe tout de même et relativement au sec. Le lendemain, le soleil brille de nouveau. On se lave dans une petite cabane en bambou. La famille a fait chauffer l'eau de la douche pour nous. On range toutes nos affaires, on replie notre tente. On dit au revoir à tout le monde : le jeune père de famille Noa qui gère tout le petit lieu, sa jeune femme et ses jeunes enfants, les néerlandais, le jeune guide, les poules, le coq qui braille, les chèvres et les chiens.