Depuis que nous avons atteint Kegaska et la fin de la route 138, nous sommes de fait sur la route du retour. Mais ce n'est que quand nous quittons Mingan que nous avons vraiment l'impression de repartir vers Montréal. Et si la côte nord est belle, elle nous apparaît surtout bien longue. Nous pensions faire une étape puis passer deux nuits en camping à Tadoussac pour aller voir les baleines, mais la météo s'en mêle. Ce matin, alors que nous replions la tente dans le vent, il fait un magnifique soleil. Demain, il fera aussi beau mais pas le jour suivant où nous avions prévu d'être à Tadoussac. Je propose donc de réserver l'excursion aux baleines directement pour demain. Cela suppose, non pas de rejoindre Tadoussac ce soir, mais de s'en rapprocher assez pour pouvoir prendre le bateau à 13h.

Nous rejoignons d'abord Sept-Îles où nous nous arrêtons déjeuner. Nous profitons du brunch de l'hôtel qui donne sur la baie puis laissons l'enfant s'amuser dans les jeux avant de repartir. Malheureusement pour nous, l'enfant a déjà dormi ce matin entre Mingan et Sept-Îles et n'a pas l'intention de faire de nouveau la sieste. C'est donc, pour lui comme pour nous, un très long trajet. On écoute les "histoires de loup", on joue au "rat des villes et rat des champs", on joue aussi à lister les choses : les animaux, les objets de la voiture, les couleurs, les gens, les fruits, les légumes... Mais la fatigue, l'impatience, la lassitude s'installent. Lorsque nous atteignons Baie-Comeau, nous sommes déjà épuisés mais nous souhaitons rouler encore une heure jusqu'à Forestville. Enfin, nous y voilà. Le premier motel est plein mais heureusement pas le second. On ressort immédiatement pour aller manger à la "Cantine La Bonne Franquette". C'est un simple stand de vente à emporter installé le long de la route avec quelques jeux pour enfants. J'ai l'impression d'attendre une éternité ma "guedille au poulet", éternité d'autant plus désagréable qu'il y a des moustiques.

L'avantage d'avoir rouler si longtemps est que le lendemain, nous n'avons plus qu'une heure jusqu'à Tadoussac. Nous réalisons d'ailleurs avec soulagement que notre retour n'implique plus d'étapes aussi longue. Comme prévu, il fait un temps magnifique et la ville de Tadoussac est en pleine effervescence touristique ce qui change beaucoup par rapport au calme de la côte nord. On récupère nos billets puis on se rend sur le quai pour prendre le bateau qu'on attend en grignotant quelques tranches de pain au jambon.

Il y a deux types d'excursions à Tadoussac : on peut prendre les zodiacs, grosses barques à moteur comme celles de Sept-Îles et Mingan, ou le grand bateau de tourisme comme à Saguenay. Beaucoup privilégient les zodiacs : on est moins nombreux, il y a plus de flexibilité pour se déplacer, on voit sans doute mieux les animaux. Mais l'excursion dure 3h et avec l'enfant, cela semble compliqué et dangereux. D'ailleurs, il n'est possible de réserver un billet que pour les 6 ans et plus. Donc nous prenons le grand bateau qui est celui des familles et des cars de tourisme. L'enfant, qui n'a pas encore fait sa sieste, n'est donc pas le seul à être agité. Il y a des bébés qui pleurent, tout un tas d'enfants que les parents cherchent constamment à empêcher de courir et grimper sur les chaises. Ça parle dans toutes les langues et tout le monde se rue en pointant du doigt dès qu'une baleine est aperçue. C'est compliqué avec l'enfant car l'observation des baleines demande une patience et une concentration qu'il n'a pas du tout à son âge. Il arrive tout de même à apercevoir un bout de queue noire plongeant dans l'eau d'une baleine particulièrement accommodante en début de balade. Ensuite, il y a surtout beaucoup de frustration. De nous, car nous ne pouvons pas regarder tranquilles les animaux ni même écouter les explications de la guide, de lui car il est fatigué, ne peut pas faire ce qu'il veut et n'a pas notre pleine attention. Après une ultime crise de larme lorsque je décide de sortir sur le pont voir les marsouins, il finit par s'endormir dans sa poussette et nous pouvons admirer dans le calme une très amusante colonie de phoques. Par ailleurs, l'expérience est amusante sans être aussi impressionnante que lorsque nous étions à Monterey il y a quelques années. Nous ne voyons pas de grandes baleines bleues, très rares dans ce coin, ni de baleines à bosse et nous loupons même les bélugas qui passent près du bateau. Nous voyons les phoques, les marsouins et les baleines petit rorqual. Par ailleurs, la promenade que ce soit dans la baie ou dans le fjord que nous remontons un peu est très belle.

L'enfant dort sur toute la seconde moitié de l'excursion et ne se réveille qu'une fois sorti du bateau alors que nous remontons tranquillement vers la petite ville. Après un goûter dans un café, nous reprenons la route. Vu la météo maussade du lendemain, nous avons décidé de continuer un peu après Tadoussac pour notre dernière étape. Nous traversons donc de nouveau le fjord sur le bac et nous voilà de l'autre côté, dans la région de Charlevoix qui est d'après la guide du bateau "la plus jolie du Québec". Il est vrai que la route longeant le fleuve est particulièrement belle. Nous roulons à peu près une heure avant d'arriver au camping que j'ai réservé le long de la rivière Malbaie.

Ce sont nos deux dernières nuits de camping. Après le long voyage sur la côte nord, j'ai envie d'un peu de repos. J'ai donc choisi ce camping familial et tranquille, pas aussi saisissant que les lieux où nous nous sommes arrêtés d'autre fois mais qui respire une douce atmosphère de vacances. Notre emplacement est juste en face d'une grande aire de jeux avec un château gonflable, un trampoline géant et même une mini ferme avec des poules et des chevaux un peu plus loin. La route 138 que l'on voit et entend n'est pas accessible pour l'enfant et il peut en fait gambader librement dans tout cet espace sans danger. La rivière Malbaie coule derrière quelques buissons à quelques mètres de notre emplacement, très tranquille et peu profonde (l'enfant est d'ailleurs tellement accaparé par les jeux qu'il ne remarque même pas la rivière).

Mon choix stratégique a bien fonctionné. L'enfant est ravi et disparaît immédiatement dans les jeux. Une fois la tente installée, je peux me poser sur ma chaise et me reposer. Quand vient l'heure du repas, nous préparons des pâtes. L'enfant réapparaît car il a faim puis retourne sauter sur le trampoline tandis que nous restons au coin du feu. À 21h, il est encore à bondir dans la nuit noire quand la gérante du camping vient fermer le trampoline pour la nuit et arrêter la soufflerie qui l'alimente ainsi que le château.

La première phrase qu'il dit en se réveillant le lendemain est "Maman, je veux aller au parc". Il est cependant un peu déçu car la soufflerie n'a pas encore été rallumée et qu'il n'y a pas les autres enfants si tôt. Ce n'est donc pas trop difficile de le convaincre de se préparer et de venir dans la voiture en lui promettant qu'on reviendra cet après-midi.

Le temps est maussade mais nous avons tout de même décidé de nous rendre au parc national de la Malbaie à environ 1/2 h du camping. C'est une route magnifique à travers des petites montagnes couvertes de forêts. C'est le massif des Laurentides qui s'étend tout le long de la rive nord du Saint-Laurent et dont on connaissait surtout la partie proche de Montréal. Sébastien a repéré deux randonnées qu'on pourrait faire : une depuis l'entrée du parc, une plus loin. En arrivant, on découvre que la deuxième randonnée n'est en fait pas possible pour nous car il faudrait se rendre au point de départ en vélo ou même en canoë. Par contre, on apprend que le parc propose des excursions en bateau sur la rivière. On hésite à réserver celle de 15h car c'est un peu juste avec notre balade. Finalement, on décide de faire immédiatement celle de 11h ce qui suppose de partir maintenant. Il faut prendre un petit bus pour rejoindre le départ du bateau et on arrive de justesse.

Nous voilà donc voguant sur la jolie rivière Malbaie. Elle est plus large sur cette portion car on est juste en amont d'un petit barrage. Il a été installé à l'origine par les bûcherons et le bois coupé était stocké directement flottant dans la rivière. Les troncs étaient ensuite envoyés par paquet, portés par le courant. C'est la guide du parc qui nous raconte tout ça et nous parle de la faune et la flore : les oiseaux, les huttes des castors que l'on voit sur les bords, les magnifiques forêts de bouleaux, érables et sapins, les vallées creusées par les glaciers, etc. Encore une fois, on est à l'heure pré-sieste de l'enfant qui est donc pénible. Mais cela reste supportable. Une pluie fine commence à tomber dans la deuxième partie de la balade. Alors que nous reprenons le bus pour revenir à la voiture, elle se transforme en grosse averse et nous pique-niquons sous un abris. Mais bientôt la pluie s'arrête et nous pouvons faire notre randonnée au sec. C'est environ la même distance que celle de Saguenay mais avec moins de dénivelé. Notre objectif est d'atteindre le "lac sans oreille". Ça monte tout de même assez et cela reste un bel effort. Comme prévu, l'enfant s'endort dans le sac à dos et toute la première partie de la balade est très calme. On arrive au lac, on admire la belle nature sauvage. Seb avait lu qu'on pouvait voir des orignaux mais il aurait fallu être là très tôt le matin et il n'y a pas d'animaux. L'enfant s'est réveillé et nous continuons la boucle qui redescend maintenant vers la vallée. Comme la dernière fois, l'enfant marche un peu tout seul même si ça nous demande aussi beaucoup d'efforts pour l'accompagner pas à pas sur le sentier cabossé. De nouveau dans le sac, le retour nous paraît long car il s'impatiente et nous aussi.

Enfin, nous atteignons la voiture et repartons vers le camping en milieu d'après-midi. Le soleil est revenu et nous profitons bien du lieu. Tandis que l'enfant joue, je vais me baigner dans la rivière. Elle n'est pas très profonde mais je peux m'asseoir dans le courant et me rafraîchir ainsi dans une agréable solitude _ il n'y a personne d'autre, la rivière semble être juste à moi. Plus tard, je joue aussi avec l'enfant sur le trampoline et l'accompagne voir les animaux. Comme la veille, il reste jusqu'à la fermeture et en oublie presque de manger.

Le lendemain, nous replions la tente pour de bon. Il fait beau, sec, sans vent, conditions idéales pour ce dernier rangement. Comme il fait beau et que nous avons le temps, nous restons un peu au camping une fois terminé. Nous arrivons, difficilement, à convaincre l'enfant de venir dans la piscine : il n'y a pas de pataugeoire et il déteste ne pas avoir pied. On joue aussi avec lui sur le trampoline et nous décidons à partir quand la faim commence à se faire sentir.

Nous reprenons la route 138 et déjeunons tranquillement sur un coin d'herbe à côté d'un poulailler et d'un restaurant de burgers. Nous continuons de traverser la région de Charlevoix jusqu'à longer l'île d'Orléans et d'atteindre Québec. Nous nous arrêtons aux chutes Montmorency que nous avions vues cet hiver couvertes de glace et de neige. Puis nous quittons définitivement la route 138, laissons au loin la silhouette de la ville de Québec et rejoignons l'autoroute vers Trois-Rivières. C'est là que nous avions commencé le voyage et c'est là que nous le finissons dans un motel pas trop loin du centre. Le lendemain, nous arrivons à Montréal en fin de matinée, heureux de nous poser après plus de deux semaines d'itinérance. Il nous reste quelques jours pour dire au revoir à la ville avant de nous envoler pour la France.