De Dubrovnik en Croatie à Dobrota au Monténégro, Google maps indiquait 1h40 de route. En partant à midi, je pensais donc être large en indiquant 16h à notre nouvel hôte : le temps d'une pause déjeuner sur une ville de la côte après la frontière. La route commence bien. Nous jetons un dernier regard à la vieille ville puis continuons vers le sud est. Sur notre gauche, de hautes collines se dessèchent sous le soleil, tandis qu'à droite, nous admirons les dernières îles de Dalmatie sur la mer Adriatique. Quelques kilomètres avant la frontière, cependant, nous voilà arrêtés. C'est le début d'un long, long embouteillage pour pouvoir passer "de l'autre côté".

Nous patientons de très longs moments complètement immobiles dans l'interminable file de voitures. Puis de temps en temps, oh victoire, nous avançons d'une dizaine de mètres. Notre seule occupation est d'observer le petit feu de forêt qui brûle de l'autre côté de la vallée. De hautes fumées s'échappent de la colline et des canadairs tournoient dans le ciel et lâchent leurs nuages d'eau vaporeuses. La petite est persuadée que c'est eux qui mettent le feu et ne veut pas écouter nos explications.

Nous avons détaché les ceintures; le bébé escalade les passagers de l'arrière. Heureusement, la voiture est climatisée et nous ne manquons pas d'eau ce qui fait que l'attente ne se transforme pas en calvaire. La faim commence à se manifester et nous grignotons les chips et sucreries qu'il nous reste. Au bout de 2h, nous sommes encore à 1km de la frontière. Certains décident de braver la chaleur et de partir à pied : par ennui, par raz-le-bol, pour se changer les idées et se dégourdir les jambes. La lente avancée continue, les piétons arrivent avant les voitures. Enfin voilà le premier poste frontière : nous crions victoire tandis que nous quittons la Croatie. Quelques kilomètres plus loin (mais cette fois, on roule), voilà le passage au Monténégro. Le garde frontière ne s'intéresse que très vaguement aux passagers de la voiture et tamponne les passeports d'un air distrait. Tout ça pour ça. Nous conseillons à tous ceux qui souhaitent rétablir les frontières dans l'espace Schengen de passer 3h dans une voiture entre la Croatie et le Monténégro.

Enfin sortis de cette galère, nous roulons encore quelques minutes jusqu'à la ville voisine de Herzeg Novi. Nous voilà hébétés et affamés dans les rues de la jolie cité balnéaire. Dans une boulangerie, nous trouvons des pains feuilletés fourrés à la feta que nous dévorons dans un parc ombragé. La petite se rue sur les toboggans et balançoires. Il est déjà plus de 16h. Plus tard, nous sommes installés à la terrasse d'un café. La vue sur la mer, les jus de citron et les glaces, la douceur ombragée de l'air, voilà pour nous faire oublier les heures pénibles de la frontière. Rafraîchis et revigorés, nous pouvons repartir. Il est presque 18h, j'ai prévenu notre hôte que nous ne serions pas là avant 19h.

La fin de la route se passe sans problème. Nous longeons la baie de Kotor. Malgré la fatigue, malgré le sommeil qui guette les passagers, nous admirons la beauté du paysage. La baie se découpe, turquoise, sur les hautes et belles collines. Bientôt on ne distingue plus l'embouchure. Tout semble un enchevêtrement de terres et d'eau coupé de charmants villages rouges sous le soleil. La route passe très près de l'eau qui nous nargue de sa fraîcheur transparente.

Enfin, nous rejoignons Dobrota, à quelques kilomètres de Kotor où nous allons loger ces prochains jours. Devant le luxueux hôtel Forza Mare, nous retrouvons une vieille dame qui nous conduit jusqu'à la maison. Elle ne parle que monténégrin et les échanges se font à travers sa fille par téléphone interposé. Cependant, quand elle s'extasie devant les enfants, pas besoin de traduction.

Nous voilà enfin installés dans notre charmant appartement. De nos fenêtres, nous pouvons admirer la baie dans le crépuscule. Puis nous marchons au bord de l'eau dans la nuit pour trouver un restaurant qui sert du poisson grillé.