World Books Challenge : Argentine, Le Lieu Perdu

Le Lieu Perdu de Norma Huidobro

J'ai acheté ce livre un peu par hasard, en me baladant dans les rayons de la fnac. J'ai été attirée par la couverture : le ciel bleu, la ruelle ensoleillée, un sentiment estival de poussière et de chaleur.

La couverture est particulièrement bien choisie car l'on retrouve ces mêmes sensations à la lecture. Une ruelle est ainsi décrite de façon récurrente à travers la vision et la mémoire d'un des personnage et c'est celle là même qui semble, en couverture, nous inviter à lire le livre.

On plonge avec mélancolie dans ce village oublié d'Argentine. Tout est décrit par la sensation : chaleur, transpiration, soleil, eau, pierre. On ressent l'oubli, le départ, la séparation qui hantent les personnages. Tout n'est qu'attente, presque ennui, et une ombre triste semble planer tout a long du roman. L'auteur sait nous faire comprendre beaucoup en nous disant peu.  Tout est dessiné de quelques traits et une forme à peine esquissée s'échappe : la mère aigrie qui a fait fuir sa fille, l'amie restée seule au village, la mère aimante dont le fils est parti... L'intrigue avance cependant dans cet univers descriptif et la tension monte chargée de violence. Un très beau roman qui m'a donné envie d'aller me perdre en Argentine pour manger des tamales.

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World Books Challenge : Allemagne, Hongrie, Inde

Allemagne : Tambours dans la nuit de Bertolt Bretch

Tambours dans la nuit est plus qu'une lecture pour moi. Brecht est un grand auteur de théâtre sur lequel j'ai travaillé souvent lors de mes cours au conservatoire. En particulier, nous avions monté un spectacle il y a quelques années, La Lune Rouge, dans lequel nous avions joué plusieurs extraits de ses pièces. J'avais alors participé à Baal et à Tambours dans la nuit. Nous avions joué cette scène chorale où alors qu'une famille fête les fiançailles de leur fille, son premier amant, disparu à la guerre, revient et se confronte au nouveau fiancé. Ce n'avait pas été une mince affaire car il est toujours difficile de travailler des longues scènes avec beaucoup de personnages. Mais je me souviens de la tension qui montait petit à petit, de l'étrangeté de cette scène, de la lune rouge évoquée qui avait donné le nom du spectacle...

Hongrie : Le Grand Cahier d'Agota Kristof

Le Grand Cahier est le premier d'une trilogie très troublante de cette auteur hongroise. Une écriture hachée, très froide. Le premier livre semble raconté par un enfant, ou plutôt par deux enfants : deux jumeaux. Beaucoup de cruautés dans cette description d'un village à la frontière hongroise à l'heure de la seconde guerre mondiale. On se laisse vite entrainé dans l'étrange jeu des enfants, fascinés par le monde inquiétant qui décrit leurs esprits. Mais la curiosité nous pousse à lire les autres livres où le mystère s'épaissit petit à petit. Quelle est la frontière avec la réalité ? Quelle est  la force de l'imagination ? Des livres bien particuliers qui ne peuvent pas laisser indifférents.

Inde : Le Seigneur de Bombay de Vikram Chandra

J'ai déjà évoqué ce livre lors de la rétrospective de mes lectures 2009. Comme je l'ai dit, c'est un livre à travers lequel on découvre l'Inde. Les chapitres sautent d'un personnage à l'autre, d'une époque à l'autre et on vivra les émeutes, l'indépendance du Pakistan, les tensions, la vie des faubourgs. On sentira surtout vivre Bombay sous la plume de l'auteur...

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Challenge adaptations : L'Adversaire

Toujours dans le cadre du challenge proposé par Happy Few, voilà une nouvelle critique d'un livre et de son adaptation. Je vais parler ici de L'Adversaire qui est à la fois un livre d'Emmanuel Carrère (2000) et un film de Nicole Garcia (2002).  J'ai d'abord vu le film avant de lire le livre et, pour une fois, je dois dire qu'il est difficile de choisir lequel est meilleur car les deux sont assez différents et ont leurs spécificités.

Je vais d'abord parler du film car c'est avec lui que j'ai découvert cette glaçante histoire. Car en effet, L'Adversaire est tirée de l'histoire vraie de Jean-Claude Roman qui fit croire pendant des années à sa famille qu'il était médecin avant de tuer femmes et enfants de peur que son secret ne soit découvert.

Dans le film, Jean-Claude Roman est magistralement interprété par Daniel Auteuil qui fait ressentir tout le mystère et toute la froideur du personnage. L'histoire est racontée sous forme de témoignages et flash-back nous rapprochant petit à petit de l'issue fatale mais jamais de l'explication, nous restons dans le doute et l'incompréhension. Je me souviens surtout des longs plans sur Jean-Claude Roman passant ses journées sur des aires de repos alors que sa femme le croit au travail.

Ces journées à ne rien faire, ou plutôt, ces journées où personne ne sut jamais ce qu'il faisait ont aussi beaucoup intrigué Emmanuel Carrère. L'élément principal, occulté du film, qui m'a surpris en lisant le livre est la présence voulue de l'auteur dans son récit. L'Adversaire d'Emmanuel Carrère ressemble plus à un témoignage qu'à un roman. On y découvre la rencontre entre l'auteur et son personnage, sa quête de compréhension, son enquête personnelle. On apprend beaucoup sur le passé de Jean-Claude Roman : comment il a pu "faire croire" qu'il était médecin, comment tout a dérapé le jour où il n'est pas allé à un examen. Mais apprendre n'est pas comprendre et on se perd, comme l'auteur, chez cet être insondable tiraillé entre l'horreur et la banalité.

En conclusion, c'est à la fois un très bon livre et un très bon film et on pourra profiter des deux sans redondances ni déceptions. Emmanuel Carrère a su nous entrainer dans son histoire, nous faire "ressentir" Jean-Claude Roman, nous placer devant l'incompréhension. Quant à Nicole Garcia, en s'inspirant du livre, elle a créé une œuvre à part entière. Traduisant par l'image les sentiments qui découlaient de la lecture, elle a retrouvé l'esprit de l'enquête par la forme du film sans pour autant ne réaliser qu'une pâle copie du livre. Deux œuvres différentes et complémentaires qui questionnent sur l'identité, le basculement, l'horreur et la vie.

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