En novembre et décembre, 12 films !

Polisse de Maiwenn

Le film m'a beaucoup touchée sur le coup. Certaines scènes m'ont simplement coupé le souffle. Après, je lui ai trouvé quelques défauts. Mais chacune des petites anecdotes est racontée avec finesse, l'équipe de police, l'ambiance, sont bien restituées. Le film cloche un peu quand on part dans la fiction, le personnage de Maiwenn ne semble pas à sa place, pas crédible, pas intéressant. L'histoire d'amour est hors sujet...

Mon Pire Cauchemard de Anne Fontaine

Franchement, le scénario ne case pas trois pattes à un canard, d'ailleurs tout est attendu et prévisible, tout en étant tout à fait improbable. Mais ceci étant dit, le film reste agréable et drôle. Cela tient sans doute au talent des acteurs, en particulier à celui de Benoit Poelvoorde. Il arrive à jouer un personnage très lourd sans le devenir ce qui n'est pas évident. Son jeu est toujours empreint de sincérité, d'une détresse authentique et troublante et on arrive presque à croire à l'improbable histoire d'amour avec Isabelle Huppert.

Toutes nos envies de Philippe Lioret

Encore un livre d'Emmanuel Carrère qui se transforme en film, ici c'est l'excellent D'autres Vies que la miennes qui est en partie adapté. D'abord, je vous conseille de lire le livre qui fut une de mes séances de lecture les plus émouvantes. Mais on peut tout de même voir le film. Le réalisateur n'a choisi que deux des axes du roman : le cancer et le sur-endettement. Et encore, l'axe "cancer" est surtout là pour ajouter un peu d'urgence et de drame, il est loin d'être aussi bien traité et aussi troublant que dans le livre. Le sur-endettement est bien montré, la lutte légale contre les compagnies de crédit, le David contre Goliath, tout ça est très bien vu. La relation entre les deux personnages est dessinée avec finesse, le fait d'avoir deux très bons acteurs aide beaucoup. C'est quand le film s'éloigne du roman qu'il se perd le plus : la façon dont la femme mourante "offre" une nouvelle épouse à son mari me parait très peu subtile et un peu larmoyant.

Contagion de Steven Soderbergh

J'aime le point de vue froid et méthodique, presque médical, choisi par le réalisateur pour décrire la propagation de cette maladie. J'apprécie assez le principe du film catastrophe, d'autant plus quand il est bien fait : voir en direct l'effondrement des valeurs de la société a toujours un côté effrayant et agréable. Après, sur le fond même du scénario, on peut se poser quelques questions. Les autorités, si elles sont plutôt incapables, restent toujours très honnêtes avec beaucoup de gentil héros comme Kate Winslet. Ca ne me dérange pas trop mais je trouve dommage que le seul outsider, le blogueur Jude Low, soit si mal traité. Il aurait pu avoir tort tout en étant honnête, sa cupidité donne au film un manichéisme douteux. Dans ce genre de situation, c'est la polyphonie de voix sincères et contradictoires qui pose vraiment question. Surtout que le cynisme de l'économie, de l'état, du reste du monde n'est que légèrement évoqué. A cet égard, il manque toute une partie au film : que se passe-t-il après ? Une fois qu'on a trouvé le vaccin, quels pays y ont accès, qui dirige tout ça ?

L'Ordre et la Morale de Mathieu Kassovitz

Il est agréable de retrouver Mathieu Kassovitz dans un film hors Hollywood et de qualité. Certes, il y a quelques défauts de forme, ça manque parfois de justesse ou de finesse. Mais le film a le grand mérite de porter fièrement son thème et son histoire en nous racontant ce massacre en Nouvelle Calédonie perpétré par l'armée française dans l'indifférence totale. Il questionne aussi sur l'engagement, l'identité, et cette position coloniale de la France dans ces terres d'outre mer que tout le monde oublie.

Drive de Nicolas Winding Refn

Voilà une des révélations de l'année. Quand ma mère m'a dit qu'elle avait aimé ce film bien qu'il parle principalement de voitures et de courses poursuites je me suis dit qu'il y avait quelque chose de spécial. Et je découvre donc Drive. J'ai cherché ce qui faisait la différence et la qualité, on ne retrouve aucune des symboliques habituelles. La première course poursuite est filmée avec un calme effrayant, le conducteur est concentré et méthodique, pas d'adrénaline, pas d'excitation, rien qui rappelle cette symbolique de puissance et de domination. L'acteur principal, excellent, renferme une violence qui n'apparait que par flash mais dont il ne tire aucune fierté, aucun plaisir. Le plaisir d'ailleurs, il ne l'exprime guère, on ne le voit que dans un échange de regard, dans un léger sourire. Il est silencieux, sacrifié, broyé par un monde contre lequel il lutte mais dont la puissance l'achève.

Livide de Julien Maury et Alexandre Bustillo

Voilà le plus mauvais film que j'ai vu cette année. Et c'est bien dommage car j'aurai aimé aimer ce film français fantastique,  il y en a si peu. J'ai donné beaucoup de bonne volonté, j'ai ignoré les faiblesses de jeu visibles dans les premières scènes, j'ai vraiment eu de l'espoir quand le groupe de personnages bringuebalant s'est embarqué dans cette vieille maison hantée. La caméra nocturne, le vieux manoir, une veille femmes encore vivante mais endormie telle un fantôme : les deux réalisateurs avaient réussi à créer quelque chose. Mais je n'ai pas pu adhérer, malgré toute ma bonne volonté. A un moment, mon esprit a dit "stop", cette histoire ne tient pas debout, c'est du grand n'importe quoi, je ne crois plus à rien et la maison qui plane au milieu des étoiles a véritablement donné le coup final...

Carnage de Roman Polanski

Le film est directement tiré de la pièce de Yasmina Reza. On retrouve d'ailleurs cette unité théâtrale du lieu car tout se passe dans le petit espace d'un appartement. C'est un jeu de texte, de parole, d'échanges de plus en plus acerbes. il y a quelque chose de L'Ange Exterminateur dans ces deux couples qui veulent sans arrêt partir et qui pourtant finissent par rester. Le film avance et le verni craque, sous la couche de la cordialité formelle apparaissent bientôt les frustrations, les obsessions, les failles. Comment tout cela peut-il si mal tourner ? Comment peut-on vivre "la pire journée de sa vie", d'après l'aveu d'une protagoniste, avec une simple conversation ? Les quatre acteurs font un sans faute, on saisit toute la subtilité de chacun de leurs personnages, tout le désarroi aussi.  Il manque peut-être une fin, le film semble atteindre un point culminant puis perd petit à petit de son énergie et se termine presque dans la lassitude. Polanski aurait peut-être dû s'éloigner de la pièce et faire "exploser" tout ça d'une façon ou d'une autre.

  Intouchables de Eric Toledano et Olivier Nakache

Et enfin, je vois LE phénomène de l'année et qui est, d'ailleurs, toujours en salle. J'avais assez peur, je dois l'avouer. Mais j'ai été agréablement surprise. On retrouve ici une véritable comédie populaire de qualité et c'est tellement rare que ça fait vraiment plaisir. Le duo comique fonctionne très bien, le film évite les bons sentiments et la facilité et conserve un humour assez subversif. La banlieue et ses problèmes sont évoqués sur le registre comique (alors qu'on ne les voit que dans les films sociaux ou les drames sur la violence) sans en devenir caricatural et sans pour autant minimiser la situation : le personnage d'Omar a fait de la prison, sa mère galère, son frère galère, tous ses potes et lui aussi galèrent. J'aime beaucoup la rapide petite scène dans l'appart encombré de gamin où il essaie de prendre sa douche. Évidemment, c'est un peu conte de fée, mais il est agréable de voir un film qui prône des valeurs positives et dans lesquelles les gens se retrouvent : ouf ! Les français ont aimé (adoré) Intouchables, il ne sont pas tous des aigris, racistes, malheureux !!

Les Neiges du kilimandjaro de Robert Guédiguian

Robert Guédiguian ne touche pas un public aussi large que celui d'intouchables et la fracture qu'il illustre dans son film est peut-être celle dont il souffre lui même : celle qui sépare la vieille garde populaire, les engagés des droits sociaux des premières heures, les vieux communistes, des nouveaux pauvres , de la jeunesse désoeuvrée qui n'a plus de syndicats, plus d'union et qui lutte de petits boulots en petites magouilles pour s'en sortir. La vieille génération est très joliment interprétée par Jean-Pierre Daroussin et Ariane Ascaride, touchant dans leur questionnement profond sur leurs valeurs, leurs luttes communes, la vie qui a été la leur. Le personnage du jeune homme qui représente la nouvelle génération m'a paru plus artificiel, bien joué, mais trop construit par un discours haineux et revendicatif qui ne me semble pas tout à fait à sa place. Le film reste beau et émouvant, un joli moment de cinéma.

Malveillance de Jaume Balaguero

Surtout, n'allez pas voir ce film si vous avez des tendances paranoïaques ! Après ça, vous ne voudrez plus jamais donner vos clés à votre gardien et vous ne vous coucherez plus sans regarder sous votre lit. Le film explore les fantasmes malsains liés à l'inconscient du sommeil, à la crainte enfantine du monstre sous le lit. Mais ici, Jaume Balaguero s'éloigne du fantastique et du film de genre qu'il maitrisait pourtant déjà bien, il va vers le thriller psychologique, vers la subtilité de la perversité purement humaine. En ça, il se rapproche de certains films de Polanski. Il n'égale pas le maître mais il est sur le bon chemin : belle réalisation, bonne tension tout au long du film, scénario bien maitrisé. Il m'avait déjà convaincue avec REC et il confirme son talent !

  A Dangerous Method de David Cronenberg

Je termine avec un grand réalisateur mais malheureusement pas son plus grand film. Je ne comprends pas comment les personnages peuvent tant parler de la psychanalyse et se disputer tout au long du film sans qu'à la fin on en est plus appris sur les tenants et les aboutissants de la chose, la genèse de cette nouvelle méthode, les dissensions entre Jung et Freud... Je sors presque aussi ignorante que je suis rentrée. Le film est trop bavard et n'use pas assez des atouts propres au cinéma pour nous faire véritablement vivre l'évènement. Ce qui est bien vu, en revanche, est la relation patient-soignant. Keira Knightley est excellente dans le rôle de Sabina Spielrein, jeune femme hystérique, soignée par Jung, devenue son amante puis elle même psychanalyste. Le transfert de la folie, de l'attachement, de l'amour entre la patiente et le docteur est parfaitement montré. On aurait aimé plus de choses dans ce goût et moins de parlote pour comprendre la relation qui lie Jung et Freud avant de se déchirer.