Samedi matin, la neige a enfin arrêté de tomber, au moins momentanément. Le soleil perce même à travers les nuages, éclairant les forêts alentour scintillantes sous leur manteau blanc. Il ne fait pas assez froid pour que le lac gèle, il brille comme une tache d'huile sombre. Magnifique paysage hivernal que les festivaliers prennent tous en photo tandis qu'ils marchent vers le cinéma.

Première séance de la journée : le film en compétition It Follows. Il est très attendu, on en a entendu beaucoup de bien. Il doit "révolutionner le genre" disent certains. En tout cas, il aura convaincu le jury car c'est lui qui gagnera le Grand Prix dimanche. Pour ma part, j'en attendais sans doute un peu trop et j'ai été un peu déçue. Oui, il est bien, mais il ne m'apporte pas "le truc", "la claque", ce qui fait que je m'obstine à regarder des films fantastiques et d'horreurs malgré les déceptions. Il a tout de même de belles qualités : de bons acteurs et une ambiance angoissante. Le "monstre" est un personnage intrigant, inquiétant, qui suit ses victimes d'un pas lent et décidé. Cependant, je n'ai pas été complètement convaincue. Le scénario ne me semble pas toujours très cohérent (bon, ça encore, ça arrive souvent) mais il n'y a pas que ça. L'idée de départ est une malédiction qui se transmet sexuellement, c'est original. Mais il aurait dû en résulter un malaise, quelque chose. Au final, le film reste assez prude, il n'est pas allé au bout de son idée : il lui manque quelque chose de véritablement dérangeant (je veux dire, en dehors de l'horrible truc atroce qui suit les héros partout). Bon il n'empêche que je note quand même le réalisateur, David Robert Mitchell et que ça me donne envie de découvrir son premier film The Myth of the American Sleepover.

En attendant, je vais voir les courts métrages. Seulement 5 films en compétition cette année mais tous de très bonne qualité. C'est Habana qui remportera le prix,  image étrange qu'un Cuba dévasté envahi par les forces américaines. La maîtrise technique est parfaite : futur long métrage pour le jeune réalisateur Édouard Salier ? Les autres n'ont rien eu mais tous étaient à la hauteur. Mon préféré est peut-être L'art du Geste de Ivan Radkine car j'aime l'humour et la cruauté...

L'après-midi continue avec l'excellent Réalité de Quentn Dupieux. Je préviens tout de suite : ce film n'est pas pour tout le monde. L'univers de Quentin Dupieux est très particulier, c'est un peu comme du David Lynch mais en beaucoup moins chiant (même si j'aime bien David Lynch) et beaucoup plus drôle.  Ou, pour une référence plus littéraire, c'est dans la lignée du théâtre de l'absurde et des pièces de Ionesco. Quand on entre dans le délire, on adore. Sinon, on reste à côté, on ne comprend rien (c'est normal) et on s'ennuie. Moi je ris du début à la fin. Tout est très drôle, complètement décalé. Rien ne fait de sens mais tout est cohérent. Le rôle principal est tenu par Alain Chabat, parfait dans cet univers absurde. C'est clairement un des films que j'ai préféré cette année. Il était hors compet, ce qui se comprend, il est un peu trop "hors sujet", un peu trop bizarre pour entrer dans la compétition officielle.

Et justement, on revient à cette fameuse compétition avec les deux films suivants. Tout d'abord These Final Hours, film de fin du monde australien. En gros la fin du monde est arrivée partout sauf en Australie qui attend patiemment son heure, ou pour être plus précis 12 heures, que le cataclysme arrive.  (C'est marrant, Le Dernier Rivage de 1959 racontait à peu près la même chose). L'histoire se tient, le personnage central est intéressant, l'ambiance de fin du monde imminente donne un aspect surréaliste à cette petite ville de banlieue. Bon, après, ça tourne un peu en rond et puis, comme d'habitude dans ce genre de truc, ça finit sur des bons sentiments mais  ça reste correct.

Le dernier film de la journée est Ex-Machina. Un film sur l'intelligence artificielle avec un super robot humanoïde super intelligent. J'ai un peu l'impression que chaque année, on a le droit à un truc là dessus, plus ou moins bon. Cette année, il est plutôt bon, très bien réalisé et très beau. La réflexion sur l'intelligence artificielle est intéressante, les personnages assez troublants et originaux, les références scientifiques pas trop débiles avec un petit clin d'oeil à Google assez bien venu. Même si bon évidemment, le fameux machin est toujours l'oeuvre d'un super top génie qui a tout fait tout seul (on y croit). Et, comme d'habitude , le top génie est un mec et sa création une femme. Je ne peux m'empêcher de voir dans ces créatures féminines parfaites (et inquiétantes) crées par l'homme un fantasme, d'ailleurs plus ou moins assumé dans le film, mais qui me gène un peu. Et puis au final, j'ai du mal à m'attacher à un film où le seul personnage féminin est un robot ! (Même si elle est cool, j'avoue).

Et voilà, après une nuit trop courte, c'est le dimanche matin et le dernier film du festival pour nous : Honeymoon, histoire classique d'un couple en lune de miel dans la forêt pour qui tout ne va pas bien. Décidément, cette année, les forêts, ça craint (il y avait déjà eu Cub et The Pool). En tout cas, pour nos deux héros, c'était visiblement pas le bon plan. Le film est tout à fait correct, pas de gros monstres, ni de gros effets sanglants, simplement une ambiance étrange qui s'installe petit à petit entre les protagonistes. La jeune femme semble glisser peu à peu, s'éloigner de son mari qui essaie de la retenir. Rien de révolutionnaire mais un beau film pour cette fin de festival.

On quitte donc satisfaits la petite ville sous la neige. Une bonne sélection 2015, avec peu de "ratés". Le seul (très) mauvais film que j'ai vu est Ouija mais c'était hors compét. Et puis, il y a eu 3 très bonnes séances : The Voices, What we do in the shadows et Réalité.  Et puis sur le plan technique, le nouveau système de réservation était parfait ! Au final, je ne regrette pas tant que ça les attentes interminables dans le froid (avec parfois à la prime des séances loupées) de ces 10 dernières années. A l'année prochaine ?