Deuxième jour, la neige est mouillée par la pluie. Nous sommes au Cinéma du Casino pour voir le film Zoo hors compétition. Imaginez : votre couple bat de l'aile, au point que vous avez du mal à rester ensemble dans une même pièce, sans parler d'échanger plus de quelques mots. En fait, ça va tellement mal que vous commencez à songer sérieusement au divorce. Mais voilà que la fin du monde arrive sous la forme d'une apocalypse zombie et que vous êtes obligés de rester confiner dans votre appartement à vous regarder dans le blanc des yeux. Par ailleurs, la perspective de la destruction de l'humanité vous pousse à relativiser un peu et vous commencez à retrouver une certaine complicité avec votre ancienne âme sœur, même si ça passe par des piques de cruauté partagée, contre vos anciens voisins par exemple. Le film de zombies intimiste avait déjà été traité dans *La Nuit a dévoré le monde * par exemple. Il est très bien fait ici, mélange de vie quotidienne sur fond de fin du monde où le couple se reconstruit tandis que l'humanité disparaît. L'humour grinçant se mêle parfois à l'émotion (voire la sentimentalité) et ça donne quelque chose de plutôt sympa.

Après le déjeuner, nous voilà au Paradiso où nous découvrons Await further instructions. Le film commence très bien. On est dans une banlieue londonienne. Un fils retrouve sa famille pour Noël avec laquelle il a visiblement pris ses distances. Il leur présente sa petite amie d'origine indienne. Le grand-père est ouvertement raciste, les autres, à peine moins. Le père est un personnage autoritaire et intransigeant. Le malaise s'installe. Dès le lendemain, les tourtereaux souhaitent s'enfuir à l'aube. Mais voilà toute la maison bouclée sous une coque métallique. Sur la télévision, un message énigmatique s'affiche "Stay indoors and await further instructions". Très vite, les messages deviennent plus inquiétants, les incitant à jeter toute la nourriture où à se frotter avec de la javel. Le père, chantre de l'autorité veut tout suivre à la lettre sans en questionner la source. Très vite, la tension monte dans la famille déjà dysfonctionnelle. Jusque là, en tant que spectatrice, je suis complètement prise dans l'histoire. Mais ensuite, les choix scénaristiques me perdent peu à peu jusqu'à la fin grand guignol qui me laisse complètement à côté. Dommage.

Nous enchaînons avec un autre film en compétition Escape Game, production américaine grand public dont j'ai déjà entendu parler. Le film se voudrait un nouveau Cube mais n'en n'a pas l'audace. Si certaines scènes sont bien conçues, les personnages restent jusqu'au bout caricaturaux et prévisibles. Au final bien peu de surprises par ici.

Après une courte pause, nous sommes de retour à l'espace Lac pour l'hommage à Eli Roth suivi du film en compétition The Unthinkable. Jusqu'à présent, c'est peut-être la surprise la plus intéressante du festival même s'il n'a pas suscité chez moi un enthousiasme démesuré. Il est produit et réalisé par un collectif suédois, Crazy Pictures, qui signe collectivement le film et s'occupe de l'ensemble de la création de la production au montage avec un budget très modeste (ce qui ne se ressent pas du tout). Cela donne une œuvre originale et poétique qui s'éloigne des sentiers battus. Le film commence comme un drame social sur un jeune adolescent en opposition frontale avec son père autoritaire et colérique. Puis, des années plus tard, la Suède se retrouve attaquée et plongée dans le chaos. Le jeune homme est de retour dans son village, face à son père et à son passé. Alors au milieu des hélicoptères qui explosent et des pluies toxiques, ressortent les regrets et les non-dits. Il y a certes des défauts, quelques longueurs sur la fin mais ça reste un beau film. On lui souhaite du succès et une belle carrière pour le jeune collectif suédois.

La journée n'est pas encore terminée. On reste pour le début de la nuit Ozploitation sur le cinéma australien. Le présentateur nous explique d'abord la renaissance des productions australiennes dans les années 60 qui avaient complètement disparu, avalées par le cinéma américain. À cette époque, le gouvernement décide de financer un peu tout et n'importe quoi pour relancer son industrie et sa culture. Naissent alors tout un tas de films de seconde zone, parfois complètement décalés. C'est dans la suite de cette mouvance qu'on trouve le premier film de la soirée, Night of Fear, qui devait être le premier épisode d'une série. Quand il fut terminé, les producteurs horrifiés décidèrent qu'il n'y aurait non seulement pas de série mais qu'il ne passerait jamais à la télévision. D'ailleurs il fut pendant un temps carrément interdit. Le film est basé sur un concept simple : un tueur psychopathe poursuit une jeune femme pour la massacrer. Il n'y a pas d'explications, d'ailleurs il n'y a pas de paroles, seulement une musique angoissante et psychédélique tandis que la victime s'enfuit à travers les bois. Les images dérangeantes et étranges inspirèrent plus tard des films tels que Massacre à la Tronçonneuse et sont précurseurs du gore (bien qu'il y ait très peu de sang). Aujourd'hui, le film a pas mal vieilli et tourne assez vite au ridicule mais reste un objet cinématographique insolite.