J'arrive à Montréal le samedi soir, je vais rester deux semaines ici mais en vérité, je n'aurai que peu de temps pour visiter étant donné que je viens pour travailler. Mais voilà longtemps que j'avais envie de voir cette ville et je suis impatiente de la découvrir ! Mon hôtel est juste à côté du centre et le bus de l'aéroport me dépose à 5 minutes. Déjà, en tirant mon gros sac, je repère l'animation joyeuse de la rue Saint-Denis. Pour dîner, je vais rue du Prince Edward comme me l'a conseillé l'hôtel et m'installe dans un restaurant coréen pour manger un bibimbab. Un restaurant coréen et des maisons en briques : j'ai l'impression d'être à Dublin. Je suis épuisée par le décalage horaire et rentre me coucher à l'hôtel, demain, j'attaque la ville !

A neuf heures, je suis dehors. Il fait frais mais pas trop froid et avec mon beau manteau d'hiver et mon béret, je suis équipée comme il faut. Dimanche matin, la ville dort encore et les rues sont vides. A part quelques voitures, je n'entends que le cri strident des mouettes. Je croise un écureuil sur un trottoir : je suis bien en Amérique. Dans la rue Saint-Denis, les restaurants sont encore fermés et le vent balaie les feuilles sur le béton. Je tourne dans la rue Sainte-Catherine. Elle mène jusqu'à la place des arts et foisonne de théâtres et de salles de spectacle diverses. Et voilà la place des arts, moderne et spacieuse. Derrière le musée d'art cotemporain, un bâtiment de l'UQAM (Université du Québec à Montréal) où je vais aller travailler à partir de demain. Il y aussi la salle de concert symphonique ainsi que l'opéra : en tout, 5 salles de spectacles et plus de 6000 places, nous sommes vraiment au centre-ville de la culture. Je dépasse la place et continue vers le centre économique. Mon guide indiquait une bonne pâtisserie à la gare mais elle est fermée le dimanche. Je me rabats sur un self spécial petit-déjeuner et peux ainsi compléter celui, très succin, que j'ai pris à l'hôtel. Je ne me prive pas : pain perdu au sirop d'érable, thé, jus de fruit, etc. Il me faut des forces pour affronter la ville !

Je repars et me voilà bientôt au milieu des hauts buildings et des banques. Nous sommes dimanche et le quartier est vide, presque fantomatique. Ses seuls habitants sont les indignés montréalais qui se réveillent dans leurs tentes et partagent leurs idées révolutionnaires et leurs cafés. Ils sont installés devant le centre de commerce mondial. Ce bâtiment a une architecture très particulière : entre deux vieux édifices de la ville, une allée de verre très moderne qui transforme cette ancienne ruelle en magnifique oeuvre contemporaine, une belle réussite de rénovation. Les boutiques sont fermées et la foule est absente. Je me promène seule sur ses balcons et passerelles pouvant admirer pleinement l'architecture. Je continue ma visite avec le palais des congrès, lui aussi bel exemple d’architecture contemporaine. Sa façade vitrée est colorée de rose et bleu, depuis l'intérieur, on voit les arbres d'automne sous des couleurs encore plus incroyables. Il y a d'ailleurs des arbres à l'intérieur même du bâtiment : mais ils ne sont que des troncs et sont peints en rose bonbons. On trouve une allée entière de ces faux arbres, oeuvre d'art moderne qui fait l'identité du bâtiment.

Je continue vers le sud entrant dans le vieux Montréal et visite un autre bâtiment coloré mais de façon très différente : la basilique Notre-Dame.  C'est une église du XIXème siècle en plein dans le néo-gothique dont l'intérieur est décoré de dorures et peintures à en avoir mal aux yeux. Pour visiter, il me faut attendre la fin de la messe qui est en train d'être dite. Les voix des choeurs s'élèvent religieusement au son de l'orgue. Signe du bilinguisme de la ville, la messe est dite d'abord en français puis traduite en grande partie en anglais et le prêtre passe sans arrêt d'une langue à l'autre  (les prières, cependant, ne sont dites qu'une seule fois !). Je sors de la basilique et marche un peu le long de la rue Saint-Paul : cette fois, les boutiques sont ouvertes et l'animation est là, nous sommes dans la partie touristique de la ville. Le vieux Montréal est agréable, un petit côté européen avec son sol pavé et ses vieilles maisons. Je rejoins le vieux port. Il ne ressemble pas du tout à l'image qu'on se fait d'un "vieux port" en Europe mais ne manque pas de charme. Montréal a su rénover l'endroit tout en conservant l'aspect industriel. Une longue balade s'étend sur les rives du Saint-Laurent avec des pistes cyclables, des bancs et des tables de pique-nique dans la verdure. Mais les anciens docks n'ont pas été détruits, il reste encore des hangars et de vieux bâtiments industriels. Certains ont été transformé, on trouve par exemple un labyrinthe à travers d'anciens hangars. D'autres sont en attente de leur destin.  C'est le cas du silo numéro 5 : cette immense bâtisse s'élève au dessus du fleuve et nous toise de sa beauté rouillée, témoignage d'un passé industriel révolu. Des parcs ont été installés là où, autrefois, on chargeait les marchandises et les arbres rouges brillent dans le ciel gris.

Je quitte bientôt le port pour retourner vers la ville et je me retrouve au marché du Bonsecours. Ici a lieu aujourd'hui une grande braderie : des tas de stylistes québécois vendent leurs créations à prix cassés. Dans les longues salles, des centaines d'étals de vêtements se succèdent. Je ne résiste pas et me promène longuement, admirant parfois des oeuvres textiles bien au dessus de mes moyens mais trouvant aussi de belles occasions de dépenser mes dollars canadiens ! Je continue à travers le vieux Montréal et me rend au musée du château de Ramezay en face du bel hôtel de ville. Ce n'est pas vraiment un château, plutôt une belle maison, une des plus anciennes de la ville, qui servit de demeure aux gouverneurs. A l'intérieur, on trouve un musée qui retrace l'histoire du Québec : je suis particulièrement ignorante dans ce domaine et cela me permet donc de comprendre un tout petit peu les différents enjeux qui ont été ceux de la province. Ce qu'on retient, c'est que les francophones se sont battus becs et ongles pour conserver le droit de pratiquer leur langue et leur culture et ils sont d'ailleurs les seuls en Amérique à y être parvenus.

Je marche depuis ce matin et en sortant du musée, je sens que mon corps réclame une pause. Je m'effondre donc dans un café où lovée dans un confortable fauteuil je laisse mes jambes se reposer en buvant un chai latte. Puis courageusement, je remonte le boulevard Saint-Laurent : artère principale de la ville qui marque la frontière entre l'est et l'ouest. Je traverse le petit quartier chinois : petit carré au milieu de la ville délimité par de grandes portes décorées. Puis me voilà rue Sainte-Catherine et bientôt Place des arts, la rue est beaucoup plus animée que ce matin et les boutiques sont ouvertes. Je me dirige droit vers le musée d'art contemporain. Il abrite surtout des expositions temporaires dédiées à des artistes québécois. Fatiguée par ma longue balade, je m'affale devant les installations vidéos, prenant le temps d'apprécier chaque oeuvre, ce que l'on fait rarement habituellement. Je retiens les tableaux vivants de Claudie Gagnon, à la fois absurdes et beaux et L'Etuve de Olivia Boudreau où des femmes lasses apparaissent dans la fumée d'un hammam.

Ma journée touche à sa fin. Je mange un léger sandwich dans un café de la rue Sainte-Catherine et me rend dans un petit théâtre pour un match d'impro. Ce type de performance a été inventé à Montréal et il serait dommage de ne pas en profiter. Détail insolite : le spectacle a lieu en anglais. Les comédiens portent des numéros, il sont appelés sur scène où ils doivent improviser une saynète selon certaines contraintes souvent assez burlesques. Ensuite, le public note à coup d'applaudissement ce qu'il vient de voir ce qui permet d'éliminer  une partie des comédiens, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que deux qui s'affrontent dans un duel absurde de vol de chapeau. L'ambiance est agréable et l'on rit beaucoup. A savoir que la troupe propose aussi des cours d'impros gratuit plus tôt dans la journée et que si l'on est assez assidu et doué, on peut espérer les rejoindre sur scène : voilà qui me donnerait presque envie de m'installer ici !

Il est 22h quand je retourne à mon hôtel, épuisée et comblée par ma journée. J'ai été séduite par la ville et après avoir arpenté les rues, je m 'y sens presque chez moi. Demain, je commence mon travail à l'université, j'aurai moins le temps de visiter mais tout le loisir d'apprécier...