Je ne peux pas dire que j’ai vraiment visité Nagoya. J’ai exploré un peu le quartier de Sakae où se trouvait mon hôtel et celui de l’université. J’ai aussi vu le château à travers la fenêtre d’un bus, mais Sébastien m’a dit que l’intérieur de valait pas le coup (c’est un château reconstruit récemment, ils ont même mis un ascenseur !). Ce que je peux dire cependant et que j’ai ressenti assez vite : ce n’est pas Tokyo ! Nagoya est une grande ville mais cela reste raisonnable. On y prend assez vite ses marques, la foule n’est jamais aussi dense que dans la capitale et est tout à fait supportable. En bref, Nagoya est une ville normale où l’on se sent bien. Si je devais m’installer au Japon, je me verrais plus habiter ici qu’à Tokyo. Pourtant, j’aime les grandes villes mais c’est la première fois à Tokyo qu’une ville m’a semblé TROP grande. La semaine est passée vite. Comme tous les autres membres de la conférence je loge à Sakae et fais l’aller-retour tous les jours avec le quartier de l’université de l’autre côté de la ville. Sakae est un peu le centre ville : très animé, beaucoup de restaurants, c’est là que nous mangeons tous les soirs. La spécialité ici sont les brochettes de poulet « yakitori », c’est assez bon mais pas très nourrissant. Le lundi soir, le restaurant que nous choisissons est beaucoup trop cher et nous sommes obligés de nous contenter de trois petits bouts de viande avec du riz : certains compléteront avec de la nourriture achetée au 7-11 « seven - eleven ». Le mardi, nous sommes encore dans un restaurant de yakitoris. Cette fois les prix sont raisonnables mais quand nous sortons, certains de mes collègues ont encore faim et veulent trouver un bar à Sushi. En voilà un qui est annoncé au 5ème étage de l’immeuble devant nous. Nous montons et nous trouvons d’un seul coup dans cet espace confiné et chic où l’on nous accueille avec cérémonie. Installés au comptoir, nous sommes les seuls clients visibles (les autres sont dans des salles privées). Devant nous, les poissons sont exposés comme des oeuvres d’art devant des cuisiniers appliqués. Assez impressionnés par l’environnement, aucun de nous n’ose prendre d’initiative. C’est à ce moment qu’entre dans la pièce un homme, très grand, très classe, en chemise blanche et sourire charmeur et surtout, très noir. Nous sommes subjugués par cette vision insolite (au Japon, je n’ai presque vu aucun noir). L’homme, lui, semble content de son effet. Il nous parle en anglais et nous prend en charge : « Combien voulez-vous dépensez ? » demande-t-il, « Je ne vais pas vous mentir, vous êtes dans un endroit cher ». Au final, on se met d’accord pour 2000 yens (20 euros) par personne pour ceux qui veulent des sushis (personnellement, je me contente d’un cocktail). L’homme donne des instructions en japonais au personnel, c’est amusant de le voir organiser tout ce « petit » monde car tous les employés font au moins une tête de moins que lui. En discutant avec lui, nous découvrons qu’il est ghanéen, vit au Japon depuis 15 ans et possède l’immeuble de restaurants ainsi de d’autres en ville. Qui est-il ? Un chef de la mafia ghanéenne installée au Japon ? Un fils de milliardaire africain ? Un self-made man qui a fait fortune loin de son pays ? En tout cas, pour ce que j’en ai entendu, les sushis étaient délicieux et nous sortons satisfaits et encore sous le coup de l’étonnement face à cette étrange expérience. Une autre expérience culinaire, moins intéressante celle-là, est celle que nous avons faite dès le premier matin au petit-déjeuner de l’hôtel. Quand nous avons vu qu’il était servi dans le restaurant de burgers voisin, nous nous sommes déjà méfiés et à raison ! Le matin, il y a quatre menus : hot-dogs, burger, fish burger et rice burger, à chaque fois avec des frites, du thé vert glacé et un jus de fruit qui ne m’inspire pas trop. Je suis habituée à pas mal de chose au petit-déjeuner mais je trouve que le burger frite est juste une mauvaise interprétation de la culture américaine par les japonais : « worst of both worlds ». Le « rice burger » est le plus mangeable (si vous appréciez les oignons le matin) car il ne contient pas de viande et est formé de deux « tranches de riz ». Enfin, si tous les jours les employés de l’hôtel me donneront gentiment les coupons qui donnent le droit à ce délicieux repas, je m’achèterai systématiquement de quoi manger à la supérette voisine, profitant du frigo de la chambre. Le dernier jour, pour avoir le jus de fruit, nous irons commander le menu et Sébastien aura la bonne idée de donner tous les coupons d’un seul coup à la pauvre serveuse un peu perdue. Pour ce qui est des visites, je me contente de celle organisée par la conférence le mercredi après-midi. Les bus nous attendent devant l’université, tout est parfaitement organisé et minuté. La ponctualité est une valeur phare du Japon, comme ce n’est pas le cas dans les autres pays, j’ai pu apprécier les efforts répétés des organisateurs pour nous inciter à être à l’heure. Ce fut d’ailleurs assez efficace, de toutes les conférences auxquelles j’ai assisté jamais aucune n’a été aussi ponctuelle. Nous devons nous rendre au château d’Inuyama au nord de la ville. Le trajet dure environ une heure 1/2 et nous passons devant le château de Nagoya. La guide nous a accueilli dans le bus, du début à la fin elle nous abreuve d’un flot de parole qui semble ne jamais vouloir s’arrêter. Elle se sent dans l’obligation de commenter chaque bâtiment (même s’il n’a objectivement pas le moindre intérêt) de nous donner tous les détails possibles et imaginables sur la ville de Nagoya et le Japon en général. Elle fait aussi preuve d’un enthousiasme à toute épreuve, s’extasiant de façon similaire devant un magnifique château que devant l’autoroute surélevée qui entoure la ville, ou les écoles primaires sur le bord de la route. Sa manière de faire est sans doute d’un goût plus japonais et produit un effet répulsif chez nous autres européens et américains. Il faut faire preuve d’une grande concentration pour pouvoir extirper de son discours continu les informations réellement intéressantes parmi le monceau d’inepties. La plupart du temps, on se contente de ne plus écouter et même de fuir quand cela est possible. Le château est par ailleurs très joli, c’est avec celui de Matsumoto l’un des seuls qui n’a pas été détruit par une catastrophe ou une guerre quelconque. Depuis sa tour principale, on a une très belle vue sur la région. Mais, paradoxalement, on manque d’informations concrètes à son sujet et passons de salle en salle sans véritablement rien savoir de l’endroit où nous sommes. Le jeudi soir a lieu le banquet organisé par la conférence. Avant le repas, nous assistons à un spectacle de Kyogan, théâtre traditionnel japonais. L’acteur principal nous explique d’abord les différents principes de ce théâtre qui se rapproche assez de la farce avec des choses qui rappellent le clown et le burlesque. Il parle en japonais et c’est un des membres de la conférence, américain et japanophone, qui traduit. La salle même dans laquelle nous assistons au spectacle est particulièrement jolie. C’est un théâtre moderne dans lequel a été reconstituée une pagode traditionnelle qui sert de scène. La pièce dure 20 minutes, elle est en japonais mais l’histoire assez basique nous a déjà été expliquée. Par ailleurs, le texte ne semble pas avoir énormément d’importance et on apprécie grandement le spectacle. On enchaîne avec le repas : un buffet avec tout ce qu’on peut espérer, des mets variés et des spécialités locales comme les sushis ou la tempura. Il y a de la nourriture en quantité suffisante mais elle est avalée en moins d’une demi-heure. Les japonais n’ont sans doute pas l’habitude de nourrir les goinfres que sont les européens et américains. Il ne reste plus qu’à terminer la soirée au clair de lune en jouant au loup-garou ! (C’est un jeu de groupe très populaire dans les assemblées de ce genre) La conférence se termine et nous organisons une soirée Karoke. Dans ce genre événements, on ne sait jamais quand on donne un rendez-vous si l’on sera 4 ou 50. Cette fois-ci on est 25 ! Nous avons le droit à une grande salle et les chansons défilent et se chantent faux mais en groupe. Nous faisons partis des irréductibles qui resteront jusqu’à une heure du matin à brailler en coeur. Samedi matin, nous serons bien fatigués mais il faudra tout de même se lever, adieu Nagoya, bonjour Kyoto !