L'idée était la suivante : étant donné que nous sommes au sud de la forêt, nous allons prendre la route qui la traverse vers l'ouest et rejoindre la grande artère qui part de Fort Portal vers le sud. Ainsi, nous rejoindrons Kasese où nous feront des réserves puis enfin le parc Queen Elizabeth : notre destination. L'autre solution était de remonter jusqu'à Fort Portal pour descendre ensuite mais cela semble un détour inutile étant donné que la petite route qui traverse la forêt est très clairement marquée sur Google Maps et que nous n'avons eu aucun problème jusqu'ici...

Nous trouvons facilement l'embranchement. Il n'y a rien d'indiqué, mais comme jamais rien n'est indiqué, ça ne signifie pas grand chose. Ce n'est certes pas une grande route mais on a vu pire. On roule à travers la forêt en suivant la ligne à haute tension. Autour de nous, de larges bandes de roseaux et herbes hautes nous séparent des arbres à proprement parler. Il a plu hier et la route est un peu boueuse. La aussi, rien d'inquiétant, on a déjà passé de nombreuses flaques de boues. La piste pour monter au Chimp Nest n'était qu'une longue pente glissante. Cependant voilà, quelques deux kilomètres après l'entrée dans la forêt, on passe dans une flaque et là, ba on avance plus...

Au début, on se dit que ce n'est rien. On essaie encore un coup, vrrrrrrr, rien du tout. En marche arrière, vrrrr, ça ne marche pas mieux Je sors de la voiture, vrrrrrrrrr, toujours rien. De l'extérieur, je comprends un peu mieux le problème. La roue avant droite ainsi que la roue arrière gauche roulent dans le vide, dans l'eau boueuse de deux grosses flaques. Les deux autres roues sont sur du dur mais elles ne s'enclenchent pas (je ne connais pas grand chose au fonctionnement des 4x4). Image fixe sur les visages légèrement inquiets des deux protagonistes, ellipse : une demi heure plus tard, nous voilà Sébastien et moi à quatre pattes dans la boue, vidant l'eau des flaques à l'aide d'écuelles en métal. Les bagages ont été sorti de la voiture, ils gisent abandonnés sur la route. Personne ne passe...

On a commencé par chercher une planche en bois ou un truc du genre, mais les arbres sont trop loin et inaccessibles : on ne trouve rien. Alors on fait avec ce qu'on a. Les petites casseroles en alu nous servent à écoper l'eau et la boue. On essaie sans grand succès de glisser le couvercle en plastique d'une de nos caisses sous la roue avant. Mais à chaque nouvel essai, c'est la déception : les roues continuent de tourner à vide faisant gicler des gerbes de boue à plusieurs mètres.

Bon, pas de raison de paniquer : nous sommes en tout début d'après-midi (la nuit est bien loin), assez proche du début de la route et nous avons du réseau sur nos portables. Après deux heures de galère, je me décide à appeler l'agence de location. C'est déjà un réconfort de savoir que quelqu'un sait où nous sommes. Mais par ailleurs, il n'a que deux contacts « proches » : l'un est à Fort Portal, l'autre à Queen Elizabeth, soit à chaque fois 2 heures de route. Finalement, il nous semble plus efficace de marcher pour aller chercher de l'aide. C'est Seb qui s'y colle, moi je reste à la voiture. Il repart d'où nous sommes venus pour rejoindre le village qu'on a passé il y a quelques kilomètres. Pendant son absence, j'essaie de découper des roseaux au couteau suisse pour les glisser sous les roues mais mes efforts restent vains. Finalement, il m'envoie un SMS et me dit qu'il revient avec du renfort. Alors bon, je m'assois sur la valise, toute couverte de boue (moi, pas la valise) et j'attends, seule avec les papillons.

Seb revient en effet, il est accompagné d'un homme à pied. Je suis un peu déçue, j'espérais une autre voiture qui pourrait nous tracter. Mais bon, il a une espèce de petite pioche qui a l'air plus efficace que nos casseroles et il observe le problème d'un œil attentif. Et puis, trois hommes arrivent derrière lui. A eux 4, ils discutent pas mal de la stratégie à adopter et finalement optent pour une marche arrière avec poussée. On avait essayé de pousser nous aussi mais la voiture ne bougeait pas d'un millimètre. Ils sont 5 à l'avant de la voiture (Seb et les 4 hommes) et moi je suis au volant, je m'occupe de passer la marche arrière. Et là, Oh miracle, ils arrivent à soulever le véhicule et ça recule ! Enfin, on se dégage de ce guêpier. Il ne nous reste plus qu'à ranger nos bagages et repartir.

Entre temps, ils nous ont expliqué qu'on n'était « pas sur la bonne route ». Enfin plutôt on n'aurait pas dû la prendre... C'est la route pour le Chimp Tracking et aujourd'hui, elle est trop boueuse pour être traversée. Ouais enfin bon, ça c'était difficile à deviner... Il semble donc que la seule façon de rejoindre Kasese soit de remonter à Fort Portal, ce qui fait un très gros détour. L'un des hommes (celui qui a une veste verte de garde forestier) nous assure que nous pouvons traverser au nord de la forêt, au niveau des Crater Lakes. Mais je me souviens des routes en question et je ne suis pas sure que ce soit plus rapide. En plus, on a eu un peu notre dose pour aujourd'hui.

Nous quittons les 4 hommes en les remerciant chaleureusement avec un peu plus que des sourires et des merci : au final, ils nous ont vraiment bien tiré de notre galère. Et nous repartons vers le nord... Nous traversons à nouveau la forêt sur la route principale. Seb est fatigué, il s’arrête en chemin et nous grignotons notre « déjeuner » : crakers, amandes, barres de céréales et loukoums. Comme il en a marre, c'est moi qui me décide à prendre le volant pour la première fois. C'est une petite route avec très peu de circulation donc ça fait déjà un problème en moins. Après c'est une question de maîtrise du 4x4 entre les bosses, les cailloux et les flaques de boues dont nous nous méfions à présent. Mais au final, je trouve ça plutôt amusant, je nous conduis jusqu'à Fort Portal. Retour à la case départ, c'est là où nous étions il y a deux jours. Nous retrouvons le même super marché où nous rachetons à peu près la même chose (on change de crakers...). Nous passons à la banque tirer de l'argent et nous reprenons de l'essence. C'est Seb qui reprend le volant, il est presque 16h...

La route vers Kasese est goudronnée et de bonne qualité, ça va plutôt vite. Il est un peu plus de 17h quand nous atteignons la ville, nous avons environ 5h de retard sur notre planning (3h dans la boue et bien 2h de détour). L'idée de départ était de rejoindre directement le parc qui se situe à une heure environ de la ville. Mais là, on commence vraiment à être fatigués, on se voit pas arriver à la tombée de la nuit et monter la tente dans le noir. La ville de Kasese n'a pas d’intérêt particulier : poussiéreuse et chaude, on dirait le début d'un désert. Ca ira tout de même pour la nuit. C'est souvent une ville étape avant d'aller gravir la grande montagne Rwenzori dont nous avons vu la silhouette brumeuse, il y a donc plusieurs hôtels. On en trouve un grand, un peu étrange, à la sortie de la ville. Il se donne des airs de palace mais n'est pas très cher (et pas si palace que ça). La chambre est assez confortable mais la moustiquaire est mal foutue et nous nous feront piquer pour la première fois du voyage.

Je l'ai choisi parce qu'il possède une piscine. Elle se trouve tout en haut de la petite colline sur laquelle est construite l'établissement et elle est payante. Mais bon, on peut bien dépenser quelques euros pour pouvoir nager dans de l'eau fraîche quand on a été couvert de boue toute la journée. En dehors de ça, l'hôtel semble immense et vide. On attend longtemps notre dîner dans le restaurant avec vue panoramique. Détails amusants : les seuls autres occupants sont des militaires français. Nous les avons croisés à la piscine et reconnus à l'écusson aux couleurs nationales qu'ils portaient sur l'épaule. Ils sont aussi assez étonnés de croiser des compatriotes. Ils sont là avec des militaires ougandais sans doute à des fins de formation (mais nous n'avons pas demandé). Ils ont surtout l'air un peu déçus de ne pas avoir le temps de visiter plus le pays : ils ont fait quelques tours dans le parc Queen Elizabeth mais n'ont vu que des antilopes, ils rêvent d'éléphants... Grâce à eux, comme ils arrivent nombreux le matin au petit dej (il n'y a que 2 français, les autres sont ougandais), nous auront le droit à des Samosas et des muffins en plus du buffet un peu succin.

L'aventure de la voiture dans la boue est terminée. Maintenant, on veut rattraper notre retard et rejoindre le parc. Depuis la belle baie vitrée de l'hôtel, nous avons vu ce qui nous attend : la longue plaine, la savane. Derrière nous, la haute montagne du Rwenzori, les forêts et les collines verdoyantes que nous quittons à présent.