Mardi 27 juillet

Lundi soir, nous ne mangeons pas avec la famille comme je l'avais pensé. D'après le chauffeur, leur repas ne conviendrait pas à nos fragiles estomac d'européens. Comme je l'ai dit, c'est une famille assez pauvre, ils n'ont sans doute pas de mets très raffinés à nous proposer. Il n'y a que deux yourtes, dans la première vivent un couple, la grand mère et leurs deux fils. Dans la seconde vit le jeune frère du mari avec sa femme et ses filles. Après le repas, nous assistons au retour des bêtes : chèvres et moutons. Il faut rentrer certaines chèvres dans un enclos pour la traite qui aura lieu demain et attraper les petits chevreaux au passage. Nous passons la fin de la soirée à jouer avec plusieurs membre de la famille. Avec l'aide d'Erica, ils nous ont appris un jeu à base d'osselets de moutons. C'est un mélange entre dès et billes : on doit faire se toucher des osselets qui sont tombés sur la même face. Nous avons bien compris le principe et pouvons participer pleinement au jeu.

Le soir, nous dormons dans la yourte avec Erica tandis que la famille dort à la belle étoile. Ils auraient pu aller dans l'autre yourte (un peu petite pour tout ce monde) mais apprécient de dormir dehors dans la nuit très douce. Nous avons un peu l'impression de les jeter hors de chez eux mais ils sont en fait contents de pouvoir nous accueillir. J'ai l'impression que l'excitation de nous avoir parmi eux les a fait veiller plus tard que d'habitude. Baira, le chauffeur, est lui parti dormir ailleurs avec la voiture. Le lit est sommaire, dans mon cas, c'est une sorte de banc en bois sur lequel est posé un fin matelas. Il ne fait pas froid ce soir, le sac de couchage me sert plutôt de lit que de couverture. Nous nous levons tôt le lendemain matin mais la traite est déjà terminée et le troupeau s'en va. Des bébés chèvres sont restés dans l'enclos et crient après leurs mères qui s'en vont. Nous repérons l'une d'entre elles qui suit à contre cœur le troupeau, se retournant régulièrement pour appeler ses petits. Voilà l'heure du petit déjeuner,  la mère de famille nous sert du  thé au lait avec des gâteaux. Puis, nous nous décidons à essayer de monter à cheval. La famille possède un petit troupeaux de chevaux mais nous ne les avons pas vu. Un seul est resté là qui leur sert à s'occuper des chèvres et des moutons. C'est sur celui là que nous montons tour à tour aidés par Erica et le chef de famille. Ils savent que nous n'avons pas l'habitude et sont très prudents. Notre chauffeur est revenu, accompagné d'un autre homme. Il nous sert un nouveau petit déjeuner pour compléter celui assez léger que nous avons pris tout à l'heure. L'homme est très bavard, c'est lui qui connait l'agence avec elle laquelle vous voyageons. Nous aurions dû aller dans son camp à lui mais il a déjà touristes. Il nous montre une petite bouteille en pierre polie qui contient une sorte de tabac. La coutume veut que l'on se passe cette bouteille pour y renifler le tabac. Nous avons un peu de mal à comprendre la procédure mais bientôt le rituel se propage à toute la famille. Avec Erica comme interprète, nous pouvons discuter avec tout le monde. Nous apprenons ainsi que la vieille grand-mère a eu 12 enfants et a reçu deux médailles "de mère" du temps communiste. Pour une femme de cet age et qui a eu tant d'enfants, elle est encore assez en forme et apprécie beaucoup notre présence. La famille insiste pour que nous essayions  les vêtements traditionnels mongols. Eux, les porte assez régulièrement, ils les avaient hier pour nous accueillir. Les femmes sont obligée de desserrer la ceinture au maximum pour qu'elle puisse faire le tour de ma taille : elles sont toutes plus petites et plus fluettes que moi. Seb aussi est plus costaud que la moyenne et dans son grand manteau bleu, ils l'appellent "sumo". Nous faisons plusieurs photos et rions beaucoup. Il a été décidé que nous irons passer la prochaine nuit chez une autre famille : celle de l'homme qui est venu avec le chauffeur. Comme il y a déjà des touristes dans la yourtes, nous planterons notre tente. Nous devons donc ranger nos affaires. Alors que nous sommes dans la yourte à terminer nos sacs, l'homme de ce matin effectue un rite sur la grand-mère. Elle est un peu malade et il essaie de nettoyer son aura et ses chakras pour lui rendre la santé. Pendant que je range mes affaires, la petite fille m'observe avec curiosité. Tout à l'heure, Erica m'a traduit ce qu'elle me disait : "Pourquoi parles-tu comme ça ? On ne comprend pas ce que tu dis ! Comment fais-tu pour parler si personne ne te comprends ?". Elle a été un peu timide au début mais est en fait assez casse cou. Le chat de la maison lui sert de poupée, elle le porte partout, le retourne, lui parle. L'animal est très complaisant et se plaint juste de temps en temps par quelques miaulements. La petite fille a vu les cadeaux que je préparais et regarde avec envie les crayons de couleurs et les fruits secs. Elle me parle mais, évidemment, je ne comprend pas. Nous quittons la famille avec beaucoup d'émotion. La grand-mère nous embrasse plusieurs fois et pleure même un peu, à la fois de joie de nous avoir accueillis et de tristesse de nous voir partir. Pour nous aussi l'émotion est au rendez vous : pour deux citadins européens comme nous, quelle rencontre improbable que cette vieille femme qui a passé sa vie dans la steppe. Nous étions les premiers touristes que cette familles recevaient et ils étaient les premiers nomades que nous rencontrions, nous garderons tous ce souvenir en mémoire. Plus tard, la grand-mère demandera à l'homme de l'agence de lui ramener d'autres "jeunes touristes étrangers" comme nous.