Caraïbes : les photos

Carnaval Sainte-Lucie

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La Barbade

Nous arrivons à La Barbade dimanche 14 août dans l'après-midi. Nous devons loger la première nuit chez une coach surfeuse que je ne connais pas, je lui ai envoyé les horaires de notre avion mais n'ai pas eu la confirmation qu'elle venait nous chercher. Nous sommes assises, un peu angoissées, dans le hall de l'aéroport quand nous la voyons arriver. C'est une jeune femme de 29 ans, elle nous conduit dans la magnifique maison qu'elle partage avec son mari dans le nord de l'île. La Barbade a ceci de différent des autres îles qu'elle est entièrement plate, par conséquent l'intérieur est moins sauvage qu'ailleurs et recouvert de champs de canne à sucre. C'est eux que j'observe par la fenêtre tandis que nous roulons. La Barbade est aussi une des îles les plus riches. La jeune femme qui nous accueille est originaire de Tobago et bien qu'elle vive à la Barbade depuis des années, qu'elle soit mariée à un barbadien et qu'elle travaille comme avocat, sa demande de nationalité n'aboutit pas. Elle nous dit que malgré les accords entre les îles qui lui ont permis assez facilement de venir s'installer, les barbadiens sont méfiants vis à vis des immigrants de Trinidad et ont tendance à surprotéger leur île qu'ils perçoivent comme un eldorado. Mais notre amie trouve tout ça un peu ridicule : même si les frontières étaient entièrement ouvertes, les Trinidadiens ne viendraient pas tous en masse vers la riche Barbade, ce n'est tout de même pas les Etats-Unis. Ce qui l'ennuie le plus c'est que n'étant pas barbadienne, elle ne peut pas bénéficier du système de santé gratuit, alors qu'elle vit et travaille dans le pays...

Elle et son mari vivent dans une très belle maison dans un quartier chic du nord de l'île. Elle nous sert de l'eau de coco dans son confortable canapé, nous avons notre propre chambre et même notre salle de bain. Son mari est professeur de tennis, quand il rentre, nous ressortons tous les trois pour aller dîner à l'extérieur. Ils nous emmènent à St-Lawrence Gap, c'est là que nous logerons à partir de demain. C'est dans le sud et donc assez loin de chez eux, mais une grande autoroute traverse l'île et les distances sont courtes et se font rapidement. La Barbade reçoit beaucoup plus de touristes que les autres îles, sans doute que sa nature moins sauvage effraie moins. Dans la belle rue de St-Lawrence, les restaurants étalent leurs terrasses dans la lumière des néons, ils se transforment en night club après 22h et la rue s'anime de sa vie nocturne agitée. Les hôtels sont sur le front de mer et les touristes peuvent profiter de leur soirée sans se sentir trop dépaysés : on est bien loin des rues de Port-of-Spain si inquiétantes après la tombée de la nuit. Nos hôtes nous détaillent tous les restaurants, nous donnant de nombreux conseils. Ce soir, nous nous contentons d'un burger acheté à un marchand ambulant, puis nous prenons un verre dans un petit bar encore très calme.

Le lendemain, Damien (c'est son nom) vient nous chercher après ses leçons matinales pour nous déposer à notre hôtel, sa femme est déjà partie travailler. Nous arrivons à Rio Guest House aux alentours de midi et sommes très satisfaites. La vie à La Barbade est assez chère, surtout pour les touristes, mais il existe tout de même beaucoup de possibilités abordables pour se loger en dehors des grands hôtels "All inclusive". Nous ne payons qu'environ  30 euros par nuit pour deux et avons une chambre à l'intérieur d'un joli appartement : nous partageons la cuisine, le salon et la salle de bain avec les quelques autres chambres sans avoir l'impression de nous marcher dessus. Une grande terrasse brûle sous le soleil et nous permet de laver et étendre notre linge. Les restaurants que nous avons vus hier sont à quelques minutes et la plage est au bout de la rue. J'avoue que j'ai du mal à comprendre l'intérêt de payer un prix exorbitant pour loger au même endroit, juste de l'autre côté de la rue, le luxe ne me semble pas nécessaire quand on a le confort.

Nous sortons pour déjeuner, St-Lawrence Gap est bien différent en journée. Tout y semble endormi, la rue se repose, fatiguée de son agitation nocturne. Les touristes sont partis en excursions, quelques vendeurs proposent des bijoux d'un air las. Les terrasses des restaurants sont vides, nous mangeons seules nos burgers et notre riz, face à la mer. Dans l'après midi, nous irons profiter de la belle plage sur laquelle donnent tous les hôtels : l'eau y est tiède et turquoise mais nous y décelons des méduses et sortons apeurées. Le mardi, le soleil brille sur la Barbade. Dès le matin, il nous assomme de sa chaleur éreintante. Voilà bientôt un mois que nous voyageons et nous sommes toutes les deux très fatiguées. Nous n'avons pas la force et l'énergie de luter contre cette puissance démoniaque qu'est le soleil et languissons, fiévreuses, sous le ventilateur. Il est bien 15h30 quand nous nous décidons à sortir, c'est l'heure à laquelle le déclin de l'après-midi est enfin engagé vers la fraicheur du soir.

Nous quittons la réserve à touriste, traversons les rues, pourtant si proche, où des mamies nous regardent depuis leurs petits jardins et où des poules se promènent tranquillement, et rejoignons la grande route pour prendre le bus. Nous allons à la capitale, Bridgetown. La ville est assez différente de celles que j'ai vues jusqu'alors, s'il ne faisait pas si chaud je la trouverais agréable, à mi-chemin entre les caraïbes et les Etats-Unis. La rue principale est large, bordée par des boutiques de luxe. On croise parfois un beau bâtiment de style colonial, avec d'élégantes colonnades colorées. Nous sommes arrivées au sud et rejoignons le second terminal de bus qui se trouve au nord, de là bas, nous pouvons monter vers la côte caraïbe. Nous traversons d'abord des faubourgs plus pauvres de Bridgetown avec de petites maisons très modestes, puis nous arrivons sur la fameuse côte ouest. C'est un enchainement d'hôtels de luxe, c'est ici que l'on vient si l'on est fortuné. La plage est publique mais les hôtels s'arrangent de telle manière qu'ils en bloquent l'accès sur une grande partie de la côte. Descendues un peu n'importe où, nous devons nous faufiler entre deux murs et escalader des rochers pour enfin atteindre le sable. Les terrasses avec piscine jouxtent la mer de si près qu'il ne reste qu'un ou deux mètres de plage pris d'assaut par les transats où s'étalent des Paris Hilton en bikini. Intruses, nous posons nos sacs de pouilleuses dans un coin et allons nous baigner : l'astuce, dis-je à Rébecca, c'est de cacher son maillot et ses affaires pourries dans un sac à main Chanel et de venir à la plage en robe de luxe en passant comme une princesse par l'entrée principale.

De ce côté-ci de l'île, la mer est très calme. Le sol n'est pas tout à fait sablonneux, il semble rocailleux et recouvert de petites algues. Quand nous plongeons avec nos masques, nous découvrons la vie sous-marine. Je n'ai pas besoin de nager bien loin pour profiter d'un des meilleurs lieux de plongée que j'ai eu jusqu'alors : il est étonnant de penser que tous ces poissons coexistent avec tous ces touristes. Ceux qui ne prennent pas le temps d'aller regarder sous l'eau n'ont aucune idée de cette vie incroyable qui est là, à quelques mètres de leur transat-pina-colada. Nous voyons un poisson très amusant : au début on ne le repère pas car il ressemble au rocher, ou alors on croit qu'il est mort. Mais si l'on remue un peu au dessus de lui, alors il se déplace et on le voit enfin. Il est tout plat et toujours de profil, il ne bouge que d'une dizaine de centimètres pour de nouveau se plaquer immobile contre le sol et prendre la couleur de circonstance : brun vert sur les rochers, beige et gris sur le sable, un poisson caméléon !

Nous quittons bientôt la plage et reprenons nos différents bus pour rentrer à l'hôtel. Le soir, nous sortons pour profiter un peu de l'animation. Il y a toutes sortes de restaurants, on trouve un peu de cuisine locale et des choses plus mondialisées comme les burgers, les pâtes ou les pizzas. Nous sommes assises à une terrasse, le bar qui jouxte le restaurant va bientôt se réveiller. Plus loin on entend un karaoke où des amateurs plein d'énergie chantent du Bob Marley. Partout, des soirées sont organisées mais nous sommes souvent trop fatiguée le soir pour avoir envie d'y participer. Il ne faut pas croire que cette vie nocturne est réservée aux touristes, nous croisons de nombreux locaux, en particulier de jeunes filles qui profitent des entrées gratuites souvent offertes par les clubs à la gent féminine. Elles sont habillées de robes à la mode aux coupes extravagantes et souvent beaucoup trop courtes. Tandis qu'une averse soudaine nous inonde, nous nous abritons à l'entrée d'un night club et pouvons voir le défilé de ces jeunes minettes fardées pour la soirée.

Le mercredi, la chaleur est revenue après la pluie et nous n'avons pas plus d'énergie que la veille. Notre état semble même s'être détérioré, nous sommes plus ou moins malades sans avoir une maladie en particulier. J'ai le nez qui coule et Rébecca a mal à la tête. Nous laissons filer le temps mais quand arrive 15h, elle ne se sent pas mieux et je décide de partir seule à l'assaut de l'île : j'ai envie de voir les plages de la côte Atlantique. Sur les conseils Paula, la gérante de l'auberge, je prends un bus qui descend jusqu'à la pointe sud avant de remonter le long de la côte sud est. Le bus roule lentement dans de petites rues bordées de maisons : pas d'hôtels de ce côté ni de grandes villas. Je pensais m'arrêter dès que je verrais la plage, mais nous roulons toujours à une certaine distance de la mer et je ne sais pas quand descendre. Je finis par arriver au terminus mais je me retrouve plus ou moins au milieu de nulle part. Les autres passagers veulent m'aider et se disputent un peu pour savoir quelle est la plage la plus proche, l'un d'eux finit par prendre le dessus et commence à m'indiquer la route. Il fait mieux que ça et m'accompagne sur une partie du chemin, s'assurant plusieurs fois que je saurais retrouver l'arrêt de bus. La plage n'est pas tout près, il faut marcher environ 10 minutes le long de la route principale, puis tourner sur une route plus petite et marcher à nouveau 10 minutes. Je ne suis pas du tout dans une partie touristique de l'île, on parle à peine de ces plages dans les guides et je marche dans des ruelles clames, bordées de maisons fleuries sous le soleil plus doux de l'après-midi. La route se transforme finalement en petit chemin de terre et voilà que j'arrive sur une falaise à pic lisse et sombre. En contrebas, la plage apparait comme comme un morceau de sable oublié par la mer, j'entends déjà le bruit des vagues. Je descend le petit escalier, je n'ai vu presque personne et j'ai un peu peur de me retrouver seule ce qui n'est jamais prudent. Mais non, la plage n'est pas déserte : une ou deux familles de touristes sont installées paisiblement sur les transats loués par les deux vendeurs assis patiemment à l'ombre. Il règne une atmosphère douce, le temps semble arrêté comme sur une vieille carte postale.

Je regarde les vagues et j'ai du mal à me retenir et à ne pas m'y jeter toute habillée. Les rouleaux ont pour moi un charme inexplicable. Oui, j'aime les mers d'huiles, les eaux turquoises dans lesquelles on peut s'allonger et presque s'endormir, mais l'agitation des vagues fait naitre chez moi un désir et un plaisir que je ne retrouve pas ailleurs. Je suis seule et sais qu'il me faut être prudente, les vagues sont puissantes et je ne m'avance pas au delà de la ligne de brisure ne sachant pas quels courants se cachent dans les eaux plus profonde. Je me contente de me battre contre ces montagnes d'eaux qui s'élèvent comme des murs juste devant moi et dans lesquelles je plonge avec délice. Parfois, je me laisse surprendre et emporter comme un cailloux roulant dans le sable et les algues. Cette plage n'a pas la beauté parfaite des longues étendues de sable pleines de palmiers, ni même des petites baies magnifiques de Tobago, mais oh que j'aime son aspect minéral, l'abrupt de ses falaises lissées par les eaux, le rythme régulier et puissant de ses rouleaux et même ses longues trainées d'algues rouges sur le sable et dans l'eau bleue. Après ma baignade, je m'installe sur un tronc de palmier et bois l'eau fraiche d'une noix de coco en regardant la mer. Le vendeur s'est assis à côté de moi et nous discutons. C'est un vieux pêcheur tranquille : sa conversation est très agréable car il n'essaie ni de me vendre quelque chose ni même de me draguer. Il me parle de sa plage et de la vie calme qu'il y mène. Il me dit qu'il a gardé un oeil sur moi alors que je me débattais dans les vagues mais il semble impressionné par cette volonté inflexible que j'ai de me jeter contre elles comme dans une bataille effrénée. Il me rassure cependant : la plage n'est pas particulièrement dangereuse pour qui sait nager, il n'y a pas de courants vicieux pour vous emporter au loin. Il est curieux de savoir ce que je fais ici, seule, sur cette plage lointaine. C'est vrai, quelle jeune touriste prend seule un bus hasardeux vers un lieu inconnu et peu visité, sur la base d'un vague nom sur une carte et de quelques lignes dans un guide qui ne parlait d'ailleurs pas précisément de l'endroit où j'ai atterrit. Cependant, dans le fond, il ne comprend pas très bien ce que quiconque peut faire ailleurs que sur cette plage : le reste de l'île, ses touristes pressés, ses hôtels, ses boutiques lui semblent une folie étrange. Le reste du monde devient vite ridicule aux yeux de quelqu'un qui ne vit que du poisson qu'il pêche depuis la falaise et de quelques bricoles vendues aux touristes hors-circuits qui échouent ici comme moi . Il ne mange que du poisson, me dit-il, la particularité culinaire qui m'accable et veut que je n'en mange jamais lui parait des plus exotiques.

Je dois quitter la plage. Imprudente, plutôt que de suivre scrupuleusement le chemin par lequel je suis arrivée, je marche le long des falaises car le vendeur m'a assuré que c'était plus rapide et qu'on rejoignait l'arrêt de bus. La vue est belle, je découvre d'autres plages cachées au creux de la roche. Mais le chemin se perd dans les herbes au milieu de vaches ébahies. Je retourne sur la route et marche dans la direction qui me semble la bonne. Je finis par demander mon chemin, une jeune femme en voiture avec ses enfants décide de m'accompagner plutôt que de m'expliquer et me dépose à l'arrêt de bus qui était, finalement, tout près. Il me faut maintenant attendre. J'ai plus ou moins l'air d'une extra terrestre à ce terminus devant la petite église blanche où les gens attendent que le bus arrive et fasse demi tour. Les habitants me regardent avec curiosité et me parlent gentiment, je suis au milieu de vieilles mémés qui prennent bien à coeur que je prenne le bon bus. Mais ce bus n'arrive pas. Il devait passer à 18h, mais celui qui arrive à 18h25 me fait signe que non, il ne retourne pas en ville. Ce n'est qu'à 18h40 que je peux enfin monter, et il fait nuit noire depuis longtemps quand j'arrive à l'hôtel. Le soir, nous sortirons à nouveau tester un des restaurant de la rue avant de rentrer nous coucher.

Jeudi est notre dernière journée à la Barbade et nous nous sommes inscrites à un tour organisé, "Island Safari", pour faire le tour de l'île. C'était plus par paresse que par réelle motivation et nous savons à quoi nous attendre. Quand je vois arriver le grand 4x4 qui nous promène sur les bancs de sa plage arrière découverte, je ne suis pas surprise. Assez vite, nous serons cependant déçues : le programme que nous suivons n'est pas celui que nous avions lu sur internet, nous en déduisons alors que le tour que nous voulions faire soi n'existait plus, soi n'était pas disponible. Dans ce nouveau programme, pas le temps de profiter, il faut tout voir. Nous passons la majeure partie de la journée à rouler mais au moins, nous pouvons admirer l'ensemble de l'île. D'abord la côte caraïbe, dont la moindre parcelle coûte des millions de dollars et sur laquelle résistent pourtant quelques petites maisons particulières. Le centre est plus rural, recouvert par les champs de canne à sucre. Puis nous passons par la pointe nord et descendons la côte atlantique. Nous arrivons sur la plage de Bathsheba où sont régulièrement organisées des compétitions de surf. Le temps est maussade, pluvieux même. Les vagues, très longues, semblent moins puissantes que là où j'étais hier et pourtant on dit ces eaux très dangereuses et impropres à la baignade. D'ailleurs, l'eau n'arrive pas sur du sable mais sur de longs rochers plats et rugueux. Ils découpent parfois de petits bassins et c'est le seul endroit où les baigneurs osent s'aventurer. Dans les courants agités, seuls les surfeurs se risquent en pagayant sur leurs planches, se dressant parfois tels des dieux aux dessus des eaux. J'avais hésité à venir ici hier et ne regrette pas mon choix, je ne ressens que la froideur de la pluie et de ses vagues hostiles, je n'aurais pas eu envie de rester.

Le tour continue à travers une forêt, si belle dans l'humidité ambiante. Les panoramas sur l'île encore fraichement mouillée et qui semble s'évaporer et se dissoudre dans l'air sont magnifiques. Quand le 4x4 saute sur les bosses des chemins, les passagers crient et les enfants s'amusent à avoir peur. C'est de la fausse aventure qui nous est vendue pour nous faire croire que ce que nous vivons se rapproche très vaguement d'un véritable safari. Je comprends le père allemand qui y emmène ses enfants, je comprends aussi les deux anglaises, une mère et sa fille, dont je soupçonne qu'elles ont été convaincues comme nous par leur propre paresse. Ceux que je ne comprends pas, c'est ce couple noir américain qui a déjà fait le même tour lors d'un précédent voyage à la Barbade. Espèrent-ils retrouver la joie et la surprise de la première fois ? Et surtout, arrivent-ils à se convaincre eux même que cela est toujours aussi bien ? Nous déjeunons dans un ancienne plantation qui est visiblement spécialisée dans ce genre de chose car il y au moins 6 autres 4x4 "Island Safari" qui s'y arrêtent. Ce qui me dérange le plus dans ces tours organisés est l'infantilisation : il faut s'asseoir où l'on vous dit, revenir à telle heure, ne pas prendre la moindre initiative : vais-je me faire gronder si je reprends du pain à l'ail ? Je le supporte une journée, mais je ne pense pas que je pourrai le faire plus longtemps. Nous retrouvons notre liberté dans l'après midi et dînons le soir avec le couple qui nous a hébergé la première nuit. Ils sont à la fois simples et très sympathiques, curieux de notre expérience de voyageuses, de la situation des antilles françaises et nous même leur posons beaucoup de questions.  J'espère sincèrement que nous garderons contact.

Après avoir fait le tour de l'île, je conclut que la plus belle plage est celle où je me suis promenée (ou peut-être une autre similaire dans la même zone), et cela est étrange car personne ne le dit : un secret bien gardé ? Ce qui est dommage, c'est que cette plage est la seule que j'ai visitée seule et aussi, la seule où j'avais oublié mon appareil photo. Les deux choses sont liées car je suis rarement celle qui pense à prendre des photos. Mais son charme si particulier aurait-il pu transparaitre sur une image fixe et numérique ? Je n'en suis pas sure, le rythme lent et puissant des rouleaux qui frissonnent blanchis sur le sable ne peut pas être capté par l'appareil. La plage restera dans ma mémoire comme une sensation plus que comme une image. Avec le temps, elle perdra son existence matérielle, flottant comme un rêve lointain dans mon esprit. A-t-il vraiment existé, ce lieu que je suis seule à avoir vu ? Je n'ai que mes propres mots comme témoins : la plus belle plage de la Barbade, qui apparait de façon incongrue derrière quelques maisons, en bas d'une falaise, comment retrouver l'escalier qui y mène ? En voulant la chercher, on ne verrait que ces à-pics frappés par les vagues, il n'y aurait plus ni plage, ni rouleaux, seulement cette côte inhospitalière où personne ne va et on dirait : "tu as rêvé".

Le voyage à La Barbade est terminé et c'est aussi le voyage entier qui s'achève. Après plus d'un mois, je suis contente de rentrer, d'abord à Fort-de-France, puis chez moi. Mon sac à dos commence à montrer des signes de faiblesse, mes vêtements me paraissent tous sales, mon corps demande du repos. J'ai visité 15 îles dans 6 pays différents, pris 4 avions et 9 bateaux, me suis baignée sur 30 plages. Je ne compte pas le nombre de poissons volants, ni de pélicans, ni d'ailleurs de tous les autres poissons et oiseaux qui ont égaillés mon voyage. J'ai découvert chacune de ses îles avec curiosité, essayant de déceler leurs similitudes et leurs différences : il y a les grandes îles qui renferment des forêts sauvages et encore pleines de mystères, et les toutes petites, perdues quelque part dans la mer et où le monde semble s'arrêter. Je quitte la sulfureuse caraïbe pour retrouver le climat plus mesuré de l'Europe occidentale. Ma peau est rosie par le soleil, très légèrement brunie par les taches de rousseur, mes cheveux sont encore plein du sable qui trainera pendant encore longtemps dans le fond de mon sac. Je rentre pleine de soleil et de pluie tropicale, comme celle qui tombe aujourd'hui sur Fort-de-France. Mon appétit de voyage est rassasié... pour un moment en tout cas !

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Tobago

Le ferry pour Tobago est beaucoup plus grand que ceux que nous avons pris jusqu'alors. De nombreuses voitures s'entassent dans la cale tandis que nous nous installons dans la grande salle climatisée qui accueille les passagers. Le voyage dure 2h30. Après la chaleur de Port-of-Spain, la fatigue du voyage, le soleil de plomb quand nous descendons au port à Tobago dans la fumée du bateau et des voitures, quel bonheur d'arriver enfin à notre hôtel ! Tobago n'est pas une île très chère, nous avons un petit studio avec cuisine et balcon sur la jolie petite piscine. La plage n'est qu'à 5 minutes à pied et l'on profite du vent frais de l'océan. La climatisation est très froide et ne peut pas être réglée, nous l'utilisons pour rafraichir la chambre mais nous pouvons dormir sans car il ne fait pas trop chaud. A Tobago, la chaleur m'a semblé beaucoup plus supportable que partout ailleurs.

Le premier soir, nous allons voir le restaurant de l'hôtel mais les prix sont à la mode européennes, entre 10 et 20 fois plus cher que nos dîners à Savannah Park. En euros, ça reste raisonnable, mais nous aurions l'impression de dépenser une somme extravagante. Nous préférons chercher un peu plus loin. Visiblement, nous sommes dans une partie chic de l'île. Il y a un resort touristique qui annonce modestement "Welcome to Paradise" et plusieurs belles villas. Un couple mange ce qui semble être de la nourriture à emporter. La femme porte un voile et ils sortent en fait de la petite mosquée qui apparait soudain de façon incongrue. Ils y vendent peut-être des roties mais nous n'avons pas l'audace d'aller fouiner derrière les grilles. De toutes façons, nous trouvons une petite supérette encore ouverte à cette heure tardive. Nous achetons des provisions et rentrons manger nos pâtes sur le balcon dans la nuit fraîche.

Nous avons passé plusieurs journées fatigantes et profitons du confort de notre hôtel pour nous reposer lors de notre premier jour à Tobago. Nous commençons la matinée par une baignade dans la piscine, elle n'est pas grande mais nous pouvons nager un peu et nous relaxer. Nous aurons la chance de ne jamais décider d'aller nous baigner en même temps que les quelques familles avec enfants qui la partagent avec nous. Quand nous en avons assez, nous décidons d'aller à la plage au bout de la rue. Nous ne sommes pas dans au coeur de la zone touristique et notre plage est presque déserte. Elle est très longue, balayée par les vagues de la côte atlantique. Les palmiers jaunis se courbent sous le vent, dans les buissons hostiles trainent quelques bouteilles en plastiques. Les vagues semblent venir de loin et ne jamais se terminer, elles n'ont pas la force des gros rouleaux mais une douce langueur qui les fait durer à l'infini. On peut marcher dans l'écume pendant des dizaines de mètres en ayant toujours pied. Nous sommes seuls, accompagnés seulement de beaux grands pélicans qui se jettent dans l'eau blanche. Je profite longuement des vagues qui me manquent cruellement dans toutes ces plages où l'eau est calme comme un lac.

Nous passerons l'après-midi à ne rien faire sur le balcon puis à organiser la location d'une voiture pour les prochains jours avec la réception. Le verbe exact pour décrire notre journée serait "lime" en langage local, ce qui signifie qu'on ne fait rien de précis mais qu'on profite agréablement du temps qui passe. Le deuxième jour, nous avons la voiture et partons explorer l'île. Tobago m'apparait comme étant un lieu particulièrement charmant. Il s'en dégage une atmosphère de douceur fleurie et de bonne humeur. Nous nous arrêtons visiter un "sanctuaire" pour oiseaux au bout d'une petite route. C'est une ancienne sucrerie détruite par un ouragan et transformée en réserve naturelle. Des gens sont censés nourrir les oiseaux tous les jours et pourtant tout semble abandonné. Personne n'est là pour accueillir les visiteurs et les chemins de promenade sont recouverts de hautes herbes et coupés de bois mort. Nous avançons comme nous pouvons entre les branches,  nous croisons des cabanes écroulées et recouvertes de végétation. Autour de nous, les feuilles bruissent et l'on voit parfois un battement d'aile mais il est difficile d'observer ces petits animaux rapides que sont les oiseaux. J'avance un peu plus loin parmi les bambous, le chemin n'est plus visible et je suis comme dans un autre monde auquel je n'appartiens pas. J'ai l'impression de surprendre cet univers étranger, je le sens qui vit autour de moi sans que je puisse le saisir. Les seuls oiseaux que nous pouvons bien observer sont les cocricos. C'est l'oiseau national de Tobago. Il fait à peu près la taille d'une grosse poule mais est entièrement noir sauf  la tête rouge. Nous les voyons souvent au sol, couchés dans des trous qui doivent être leurs nids, nous voyons même des poussins. Mais malgré leur taille, ils volent aussi dans les arbres et remuent bruyamment de branche en branche.

Nous repartons bientôt et prenons la route qui monte vers le nord sur la côte caraïbe. Pendant longtemps, la mer, pourtant proche, n'est pas visible. Elle est cachée par la végétation dense et par de hautes collines recouvertes de hautes herbes. Mais voilà que nous passons de l'autre côté et que nous longeons des criques bleues et magnifiques où de longues plages sauvages et blanches nous appellent. Nous montons jusqu'à une ville nommée Parlatuvier : quelques maisons  au fond d'une petite baie, des palmiers et du sable. Nous déjeunons à l'ombre d'un cocotier en compagnie de poules et de quelques chiens jaunes qui lorgnent sur nos sandwichs. La mer limpide nous regarde, jonchée de barques paresseuses qui dorment gracieusement au soleil. En remontant une petite rivière pendant à peine 5 minutes, nous arrivons à une jolie chute d'eau et nous pouvons nous baigner dans l'eau douce et fraiche. Puis nous retournons nager à plage et passons l'après-midi dans ce petit paradis.

Pour repartir, nous traversons l'île par la route qui coupe la forêt. Nous quittons les maisons et ne croisons plus que les hauts bambous, les arbres aux racines géantes, la dense végétation de la forêt tropicale. Depuis les hauteurs, nous avons de magnifiques panoramas sur l'ensemble de l'île. Puis nous voilà sur la côte atlantique à descendre vers le sud.  Les plages n'ont plus la beauté paradisiaque des criques de la côte caraïbe, mais j'aime leur aspect désolé, battu par les flots qui viennent lécher les pieds des palmiers fatigués par le vent. Ici, il y a des vagues qui éclatent sur les rochers, de longues étendues de sable brun, une eau houleuse et sombre dans la lumière du soir. La route n'en finit pas, il fait presque nuit quand nous rentrons à l'hôtel pour manger les bananes plantins et l'avocat achetés au marchand de légume en buvant de l'eau de coco.

Troisième jour à Tobago et deuxième jour d'excursion, nous montons vers la pointe nord de l'île. Nous avons pris rendez-vous avec un bateau pour nous rendre à Little Tobago, une toute petite île inhabitée. Elle était possédée par un riche anglais qui se rendit vite compte qu'il ne pouvait rien y faire pousser car elle était trop sèche. Après un voyage en Papouasie, il y installa des oiseaux de paradis et la transforma en réserve. Plus tard, son fils qui s'y ennuyait (on s'y sent vite seul) rendit l'île au gouvernement qui garda la réserve d'oiseaux. Mais les oiseaux de paradis furent décimés par un ouragan en 1963 et comme ils n'étaient pas natifs des caraïbes ils ne furent pas réintroduits. Heureusement, il y a beaucoup d'autres espèces et nous avons aujourd'hui un guide. C'est très pratique car il peut nous montrer les oiseaux que sinon nous n'arriverions pas à voir et nous les nommer. Il imite leur chant et les oiseaux lui répondent. Je vois un Mot Mot, noble et coloré, sur une branche et du haut d'une falaise, nous pouvons voir voler un magnifique oiseau blanc. Il fait la taille d'une mouette mais est beaucoup plus fin et gracieux et possède une très longue queue comme un ruban dans le vent.

Le bateau est une barque à moteur un peu plus grande que les water taxis que nous prenions dans les grenadines et beaucoup plus calme. Dans son fond, sont découpées de grandes fenêtres vitrées pour pouvoir observer les fonds marins mais aujourd'hui la visibilité n'est pas très bonne. Nous profiterons quand même de la longue séance de snorkelling (nage avec masque et tuba) autour du bateau dans les coraux colorés et peuplés de poissons. Puis revenus à terre, nous terminerons notre après-midi sur la jolie plage dont nous sommes partis. Elle appartient à un charmant hôtel, installé dans sa crique au bout du monde avec une vue imprenable sur Little Tobago. Les chambres donnent directement sur la plage et l'on est loin de tout : encore un lieu paisible à noter pour une retraite philosophique loin du monde. Nous rentrons encore plein de sable et de sel dans notre hôtel à nous qui est, lui aussi, tout à fait paradisiaque.

Le vendredi est notre journée bonus. Nous aurions dû repartir aujourd'hui mais Tobago était si agréable et nous y étions si bien que nous avons voulu rester un jour de plus. D'ailleurs, il nous faut changer de chambre car les appartements sont tous réservés. Le vrai hôtel se trouve en fait dans la même rue un peu plus loin, il a lui aussi une petite piscine. Les chambres sont dans des pavillons de plein pied qui donnent sur un jardin fleuri avec le bassin au centre. Dans les buissons fleuris, papillonnent des colibris furtifs au plumage luisant et de petits moineaux plein de couleurs. Nous avons une terrasse avec un hamac et une très grande chambre mais pas de cuisine. Une fois installés, nous repartons en voiture pour profiter de l'île une dernière fois. Je voulais visiter le jardin botanique mais il s'avère n'être qu'un grand parc, agréable certes, mais qui n'a rien d'extraordinaire. Puis nous roulons jusqu'à Pigeon Point, au coeur de la zone touristique que nous avons évitée jusqu'à présent. C'est à la pointe sud de l'île, il faut payer pour rentrer. La plage est jolie : sable blanc et palmiers, mais a le défaut d'être peuplée. Il y a des bars et des restaurants, des tables partout où les gens mangent toute la journée. Beaucoup d'enfants crient et jouent dans l'eau et la zone de baignade est limitée à cause des bateaux. Heureusement, il y a tout de même la place de s'éloigner un peu de la foule et de se trouver un petit coin d'eau bleue où l'on voit des bancs de petits poissons qui bondissent près des rochers. Nous passons notre dernière soirée au bar de l'hôtel, ils ont ce soir un menu spécial barbecue qui est très peu cher et organisent une soirée Karaoke, l'ambiance est bon enfant et agréable. Nous profitons du jardin fleuri, de la piscine jusqu'au bout, jusqu'au lendemain matin où nous devons ranger nos affaires et repartir vers le port.

Non seulement quitter Tobago est une chose désagréable mais, en plus, ce n'est pas simple. Nous avions voulu acheter nos billets à l'avance mais c'était impossible : lundi à l'agence, les ventes n'étaient pas "ouvertes". Puis la gérante de l'hôtel nous a fait peur en nous disant qu'ils n'avaient plus de billets avant mardi. Mais ce sont toujours les agences et rien ne semble centralisé. Plutôt que de gâcher nos journées à faire le tour de ces fameuses agences pour acheter d'éventuels billets, nous décidons d'attendre le jour même et de les acheter au port comme à l'aller. Nous arrivons donc à midi 1/2 au guichet, mais au lieu de billets, nous devons mettre nos noms sur une liste et revenir à 14h. Que signifie cette liste ? Si le bateau est plein, pourquoi faire une liste d'attente de 80 personnes, et sinon pourquoi ne pas directement vendre les billets ? Nous attendons dans le grand KFC où nous avons pris des boissons que nous ne buvons pas. Scarborough n'est pas vraiment une ville, de grands bâtiments en taule sont déposés le long de ce qui ressemble à des rues avec quelques restaurants, boutiques et bars. A 14h, nous revenons devant le guichet, une foule est entassée dans la chaleur et une dame appelle les gens de la liste un par un. Nous avons peur de ne pas avoir de place, notre autre possibilité est de se rendre à l'aéroport où nous espérons trouver un avion car il en part toutes les demie heures. Cependant, voilà qu'on finit par nous appeler. Nous sommes à la fin de la liste, après nous, ils permettent  aux "hors liste" d'acheter des billets et au final, le bateau n'est pas plein. Après l'attente des billets, il faut encore faire la queue pour le check in puis pour rentrer dans le bateau où enfin, nous pouvons nous installer dans la même grande salle climatisée qui nous a accueillis à l'aller. Le système de ferry entre Trinidad et Tobago reçoit définitivement la note de la pire organisation de vente de billets qui est compensée par son prix dérisoire. Si vous souhaitez réserver des dates à l'avance de façon sure et éviter les sueurs froides et les attentes dans la chaleur, prenez l'avion !

Pour notre dernière soirée à Trinidad, nous allons dans un restaurant indien et dînons avec notre hôte. Nous sommes dans un grand centre commercial, il y a de la musique et beaucoup de monde ce samedi soir. J'ai accusé le KFC d'engraisser la population mais je dois dire qu'ils ne sont pas les seuls : il y a énormément de fast food et de restaurants américains. Le poulet frit est pratiquement l'aliment de base, les roties et la nourriture asiatique sont plus sains mais l'excès de graisse et de sucre est visible dans la population. Dimanche, nous quittons Trinidad : Sébastien part aux aurores pour rentrer vers la Martinique puis Paris, tandis que Rébecca et moi continuons vers la dernière étape de notre voyage : La Barbade.

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