Trinidad

Nous arrivons à Trinidad par avion tôt le samedi 6 août au matin. Dès l'atterrissage, on se rend compte que l'île est beaucoup plus grande que celles que nous avons visitées jusqu'alors. Il y a des montagnes, mais elles sont lointaines et laissent la place à de larges plaines. Le taxi qui nous emmène à Port-of-Spain roule pendant 1/2h sur une large autoroute. Nous logeons chez un couch surfer (cf le site couch surfing) que Rébecca connait déjà. Il vit dans une petite maison dans un quartier résidentiel accessible à pied depuis le centre ville. Port-of-Spain aussi est à l'échelle de l'île, c'est une véritable ville, nous nous lançons dans ses rues sous le ciel brulant. La rue principale est pleine d'une agitation fourmillante. Les voitures avancent au pas entre les multiples piétons qui s'affairent autour des étals de fruits, légumes, vêtements, portables, etc. Les boutiques sont à la fois dehors et dedans, partout à la fois. Nous voudrions rejoindre un "food hall" que nous savons être à l'étage d'un centre commercial. Mais il y a des centres commerciaux partout, labyrinthe infini entre les rues agitées, ils se ressemblent tous, comment savoir lequel est le bon ? Marcher dans la ville étouffante de chaleur, de pollution, de foule, de bruit, en passant sans arrêt de passages couverts et climatisés au soleil de plomb, alors que nous n'avons ni mangé ni bu, est épuisant. Nous finissons par nous écrouler dans un subway. La chaine de sandwich a pris possession de la ville et l'on en voit partout, ils font la guerre aux KFC qui, eux aussi, ont poussé à tous les coins de rues, engraissant la population à coup de poulet frit.

J'ai faim, mais je n'ai pas envie de manger, l'effusion de viande, de salades, de sauces me dégoute. Nous n'achetons qu'un seul sandwich et surtout, beaucoup d'eau. Un peu rafraichis, nous reprenons notre course éreintante. Nous finissons par trouver, oh miracle, le fameux "food hall". Là bas, nous pouvons acheter des roties chauds et délicieux et les manger assis dans une salle climatisée. Les roties sont des plats qui viennent de la communauté indiennes arrivée dans les caraïbes en tant que travailleurs pauvres après la fin de l'esclavage et très présente à Trinidad. Dans une grosse crêpe épicée, on met de la viande en sauce, des pommes de terres et des légumes. Mon appétit est revenu et le rotie en question est tellement nourrissant que j'aurai à peine besoin de manger pour les deux prochains jours. Sur certaines boutiques indiennes, je vois des inscriptions "All Food Hallal" et l'on croise parfois des jeunes femmes voilées. Il y a donc une communauté musulmane à Trinidad, vient-elle de l'immigration indienne ou d'une conversion plus tardive de la population ?

Après le repas, nous marchons jusqu'au port car nous voulons acheter nos billets de ferry pour Tobago. Cela s'avère impossible : au port, ils ne vendent que les billets du jour même et sinon, il faut passer par des agences qui sont fermées le week-end. Le système d'achats de billets est d'ailleurs assez mal fait. Rien n'est jamais très clair, nous verrons que les agences annoncent le bateau plein quand en fait il est possible d'acheter ses billets autrement, agences dont les adresses sont d'ailleurs difficiles à obtenir. En espérant en trouver une ouverte, nous marchons près du port. Port-of-Spain est le genre de ville qui s'est développée rapidement d'un point de vue économique mais qui n'est pas touristique et n'a pas encore compris l'importance que le loisir pouvait avoir. Ainsi, la zone du port est tout à fait désagréable. Elle est flanquée d'une autoroute urbaine à 8 voies et l'on ne voit pas la mer, cachée derrière des murs gris et des entrepôts. Mais on sent que les choses changent. Nous sommes visiblement dans le quartier des bureaux et grandes entreprises. De belles tours toutes neuves ont poussées et au pied de l'une d'elle, un petit café chic offre une vue sur la mer avec des palmiers. La grande rue aussi est joliment décorée d'arbres et de verdure. Bientôt peut-être, la ville déménagera son port industriel vers des faubourgs lointain et aménagera une jolie promenade en bord de mer...

Le soir, nous ressortons pour diner. Notre hôte habite à côté de Savannah Park. A la sortie du centre, c'est une grande prairie agréable où les gens viennent faire du sport l'après midi, l'équivalent local de Central Park. Le soir, on trouve de petites échoppes qui vendent de la nourriture et des boissons. Il y règne une ambiance gaie et familiale. J'ai du mal à me rappeler que le dollar local vaut quatre fois moins qu'à Saint-Vincent car tout est si peu cher. Je n'ai pas très faim à cause du rotie de ce midi. Je me nourris d'une autre spécialité indienne, le "Doubles", petite galette frite avec une sauce aux haricots. C'est plus un encas qu'un repas mais ça me suffit largement, en euros, cela coûte moins de 50 centimes. Un jus de fruit frais coûte 2 euros, tout comme une viande grillée au barbecue.  Nous trainons entre les stands, goûtons les spécialités, puis rentrons tranquillement nous reposer.

Nous sommes réveillés le lendemain matin par la voisine qui, dès 6h30 du matin, allume la musique et inonde la rue de chants religieux. Une habitude dominicale ? Je continue à dormir tant bien que mal, mais la musique perturbe mon esprit et mes rêves. Nous nous levons donc, fatigués, et préparons notre journée. Que faire un dimanche sans voiture à Port-of-Spain ? Nous décidons de rejoindre une station de "maxi-taxis" pour nous rendre à Chaguaramas, pour cela il fait à nouveau traverser la ville. Les maxis-taxis sont des sortes de mini bus du genre de ceux que l'on a pris jusqu'à présent. Nous ne sommes pas surs d'en trouver le dimanche, nous avons un peu peur de nous trouver coincés loin de Port-of-Spain. Nous ne voulons surtout pas rentrer de nuit. La réputation de dangerosité de Trinidad est surestimée, mais se promener seuls dans le centre-ville la nuit reste dangereux. Enfin bon, en attendant, nous sommes dans une pizzéria qui offre le wifi et je mange une glace en regardant la télé allumée. Je vois les clips qui défilent, d'un seul coup, une émission hindou où des jeunes filles font la danse du ventre. Il y a aussi une annonce pour l'audition de "Socca star', la nouvelle star version "Socca" ? (La socca est la musique rythmée très populaire que l'on entend surtout au moment du carnaval).

Finalement, nous rejoignons bien les "maxi-taxis" qui ont l'air de passer régulièrement. Je pensais que Chaguaramas était une petite ville en bord de mer mais, en fait, il n'y a pas de ville. Nous descendons sur une plage où nous nous baignons malgré les averses fréquentes. Elle n'est pas très grande, un peu sale mais correcte, peuplée de familles indiennes qui louent des espèces de "vélos-surf" et s'amusent gaiement. L'eau est tiède, brunie par la pluie récente, mais le bain est agréable après la lourdeur de Port-of-Spain. Chaguaramas est en fait une espèce de réserve naturelle avec plusieurs plages populaires qui s'étalent. Il y a des possibilités de balade en forêt que nous ne ferons pas et des jolies petites îles que nous ne verrons que de loin. Nous faisons le tour du lieu à bord d'un maxi-taxi et retournons vers Port-of-Spain. Nous rentrerons assez vite et attendrons patiemment l'heure d'aller à Savannah Park manger des Doubles et boire des jus de fruit. Le lundi, nous prendrons le bateau pour Tobago. Là bas, nous serons si bien que nous resterons jusqu'au samedi quand nous comptions rentrer le vendredi. Mais il ne faut pas croire que Trinidad n'ait rien à offrir : l'île demande seulement du temps que nous n'avons pas. Avec une semaine de plus et une voiture de location, nous pourrions en faire le tour, voir ses routes où peu de touristes se risquent, voir le lac d'asphalte au sud de San Fernando, chercher le Scarlet Ibis dans les mangroves. Mais cela ne restera que des images rêvées, peut-être pour un futur voyage, un jour...

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Grenade

Quand nous arrivons sur le quai de petite Martinique, nous ne voyons pas de bateaux mais des gens qui attendent avec leurs bagages. Nous demandons si le ferry pour Grenade arrive bientôt et ils nous désignent un petit yacht bien minuscule pour un si long trajet. On nous explique que le grand bateau est plus loin et qu'on le rejoint avec le petit. Après avoir attendu 1/2 heure à fondre dans la chaleur humide on nous laisse enfin nous installer et le bateau part rapidement. Nous sommes assis à l'intérieur, plutôt en dessous du niveau de l'eau. Par les petites fenêtres carrées, nous n'apercevons que le ciel gris et uniforme qui se balance. Le moteur vrombit de façon très désagréable et nous devons fermer les yeux et chercher la somnolence pour ne pas être malade. Heureusement, le voyage est court et nous changeons de bateau à Carriacou, rejoignant le plus grand ferry qui doit nous amener à Grenade. Nous sommes maintenant assis à l'extérieur et profitons de l'air frais marin. Nous regardons l'île de Carriacou s'éloigner, voguant vers le sud. Je me lève bientôt pour regarder les vagues se briser sur les flancs du bateau. L'attraction la plus amusante reste l'observation des poissons volants. Plus je les regarde, plus je trouve ces animaux improbables et étranges. A les voir planer au dessus de l'eau, on croirait que quelqu'un s'est amusé à prendre un poisson tout ce qu'il y a de plus poisson et à lui attacher deux petites ailes télécommandées pour le balader au dessus des vagues. Car quand on dit "volant", c'est qu'ils ne font pas que bondir rapidement, ils restent plusieurs dizaine de seconde hors de l'eau à virevolter avant de replonger. Ils sont très rapides et parcourt ainsi parfois 20 ou 30 mètres. On a l'impression qu'ils font ça pour s'amuser. Un autre être marin vient enchanter les passagers : un dauphin qui bondit plusieurs fois juste à côté du bateau comme pour se faire mieux admirer.

Nous arrivons à Grenade par le nord et devons longer toute l'île pour rejoindre le port de Saint-Georges. Les grands oiseaux nous accueillent alors que nous nous rapprochons de la côte. Avec Grenade, nous retrouvons une grande île. Derrière ses côtes sauvages, un paysage escarpé dont les sommets se perdent dans la brume. Parfois, l'île est creusée d'une grande vallée qui descend jusqu'à la mer. La terre se termine en rochers et falaises parfois découpées de petites plages brunes. En descendant vers le sud, les plages se font plus grandes et les habitations plus régulières. Puis, au creux d'une baie, apparaît Saint-Georges, blanche et unie, qui escalade joliment sa colline avec ses belles maisons géométriques. Nous voilà sur le quai à refuser les nombreux taxis, l'un d'eux, fair play, nous indique l'arrêt de bus. Nous montons dans le mini-van qui doit nous amener à destination. Les bus ont des numéros affichés sur le pare-brise, ce qui facilite les choses. Nous sommes un peu serrés avec nos sacs, mais ça aurait pu être bien pire. Il y a en général deux personnes importantes dans le bus : le chauffeur imperturbable et le jeune homme qui s'occupe de la porte. Son rôle est crucial : il scrute les passants pour les alpaguer quand le bus n'est pas plein, il s'assure que tout le monde paye et surtout il organise les places assises dans le bus. Celui qui est là aujourd'hui est plein d'une énergie gaie et insouciante. Le sourire aux lèvres, il passe son temps accroché à son téléphone portable. Nous imaginons qu'il donne rendez-vous à ses différentes petite amies le long du trajet. C'est à lui que nous donnons notre destination, les passagers qui connaissent la route se contente de tapoter la vitre quand ils souhaitent descendre.

Nous nous rendons dans un village appelé Crochu, il se trouve assez loin de la capitale et quand nous arrivons, la nuit est en train de tomber. Il nous faut encore descendre une route à pied puis marcher sur un chemin boueux où nous allumons des lampes de poche. Dans la nuit noire, nous trouvons enfin l'hôtel et pouvons nous installer dans notre chambre. En fait de chambres, ce sont de petits chalets en bois, montés sur pilotis, installés dans un grand jardin. Nous dînons d'un délicieux curry de poulet préparé par la maîtresse de maison et rentrons nous reposer. La chambre comporte deux lits d'une place et un matelas par terre rajouté pour nous, mais ce n'est pas très pratique. En effet, nous sommes au milieu de la nature, il y a des bestioles et personne ne veut dormir sur le sol. Nous devons donc nous partager un lit d'une place avec Sébastien sans s'emmêler dans la grande moustiquaire qui nous tombe dessus, la nuit n'est pas très confortable. Au matin, nous découvrons le jardin fleuri qui embaume l'air et la vue magnifique sur la mer. L'endroit est parfait pour une retraite au calme où l'on passe des journées paresseuses à lire sur le balcon. Nous décidons cependant de ne passer ici que 2 nuits au lieu des 4 prévues initialement. Nous voulons nous rapprocher de la ville et de l'aéroport. Aujourd'hui cependant, nous profitons du lieu. Nous descendons vers la plage, nous perdons, marchons à travers un petit chemin dans la forêt. Mais la plage est jolie, sauvage. Les vagues de l'Atlantique se brisent au loin sur des rochers et nous nageons dans l'eau calme. Le soleil tape quand nous remontons. Rafraîchis par la douche, installés sur notre balcon, nous aurions envie de ne plus bouger de l'après-midi. Mais nous n'avons rien à manger et il faut tirer de l'argent pour payer la chambre. Nous devons prendre le chemin qui grimpe vers l'arrêt de bus, écrasés par la chaleur. Le bus nous emmène à Grenville, à 20 minutes au nord de Crochu, c'est la deuxième ville de l'île. Nous descendons au milieu du marché, l'air est parfumé d'épices. La ville est plutôt jolie, très vivante. Nous mangeons des roties sur un parking près de la mer : nous ne sommes pas dans un lieu touristique, rien n'est joliment aménagé. Quand un mendiant s'approche pour nous demander de l'argent, il est vertement chassé par une vendeuse. Avant de repartir, nous nous baladons sur le marché. Grenade est "l'île aux épices", en particulier, c'est ici que pousse la noix de muscade. Arrêtée près d'un petit étal, je passe du temps à choisir ceux que je veux rapporter. Ici, pas besoin de marchander, de ruser, de déjouer quoi que ce soit, la vendeuse discrète m'explique tout ce que je veux savoir et n'essaie pas de me forcer la main. Mais j'ai acheté chez elle presque 10 euros d'épices et elle est visiblement contente : elle m'en rajoute gratuitement quelques-uns. Nous voilà à nouveau dans le minibus à virevolter le long de la côte atlantique, essayant d'apercevoir la mer et le paysage à travers les fenêtres grises. En rentrant, nous nous arrêtons sur un coup de tête dans un endroit qui semble être un bar le long de la route qui descend vers l'hôtel. On nous accueille l'air un peu surpris, mais oui, c'est un bar et l'on nous sert volontiers à boire. Il est agréable de profiter de la fin de journée avec une boisson fraîche après le trajet en bus. Assis dehors sous un auvent, des hommes jouent aux dominos et ça a l'air d'une affaire sérieuse. Par ailleurs, une femme joue à un jeu de carte avec son petit-fils. Les règles sont simples, nous les comprenons vite et jouons avec elle. S'ils ont été surpris de nous voir, les clients (des habitués et la famille) sont maintenant ravis de nous avoir et nous passons un moment très agréable. Nous prenons des photos de la dame et de son petit fils, nous prenons son adresse et lui enverrons une carte de Paris. Le soir, je rencontre le gérant de notre hôtel pour lui payer la chambre. J'avais déjà vu sa femme la veille. Ils forment tous les deux un couple étrange et assorti. Lui est allemand et elle grenadienne. J'ai eu les plus grandes difficultés à communiquer avec lui par email car il ne répondait jamais clairement à mes questions : A quelle distance est la station de bus ? Comment se rend-on à l'hôtel depuis Saint-Georges ? La réservation est-elle confirmée ?... Quant à elle, nous avons toujours l'impression qu'elle ne comprend pas ce qu'on lui dit. Quand on lui pose une question, elle nous regarde avec un air un peu absent et nous répond souvent un peu à côté. C'est comme si elle comprenait les mots mais pas la signification globale de la phrase ni le rôle qu'elle doit jouer dans la conversation. Les deux semblent vivre dans un monde à part, plus lent, plus doux. Coupés du monde dans leur petit paradis verdoyant, leur mode de vie leur convient visiblement. Ils sont un peu déçus que nous ne restions pas plus longtemps, je leur explique que la chambre ne va pas pour trois même si je ne suis jamais sure qu'ils aient compris le problème. Cependant, ils sont très sympathiques et nous donnent beaucoup de conseils sur Grenade. Notre départ imminent les réveille provisoirement de leur torpeur habituelle. Je pense que leur affaire fonctionne à peu près, car l'endroit est très joli et doit beaucoup plaire aux âmes romantiques en recherche de nature et de calme. Il y a un Allemand dans le chalet voisin du nôtre qui passe ses journées assis sur son balcon à regarder la vue... Et voilà, nous quittons le paradis. Les rastas opposent le Zion, qui représente la nature avec laquelle on doit vivre en harmonie, à Babylone qui représente tous les travers et absurdités de la société moderne. Nous avons quitté le Zion et nous rapprochons de Babylone : notre nouvel hôtel est situé dans la zone touristique au sud de Saint-Georges, plus de beau jardin fleuri mais une route avec des voitures, on a aussi remplacé les moustiques et bêtes bizarre par l'air climatisé ! Les bus passent à moins de 50 mètres. Nous avons dû en prendre deux différents pour venir. Ils sont déjà au rythme du carnaval qui aura lieu ce week-end (mais que nous ne verrons pas) et la Soca s'échappe de toutes les radios. C'est une musique antillaise très rythmée et répétitive faite pour danser et défiler. A peine arrivés que nous repartons vers la plage, Grande Anse, qui se trouve à 5 minutes en mini-bus. Nous descendons car nous voyons un peu de sable et de soleil au bout d'une rue, et voilà la plage qui s'étend dans toute sa beauté. C'est le genre de plage de rêve dont on fait des affiches dans le métro pour vendre des voyages organisés. Elle s'étend sur 2 kilomètres, sable blanc, mer turquoise, lisse comme un lac, de grands palmiers pour l'ombre. Nous entrons dans un petit bar où un vieil Antillais joue de la guitare et chante d'une voix chaude et sucrée pour le plaisir de deux touristes américains qui lui paient des verres. Nous prenons de l'eau et des beignets fourrés à la viande. Nous sommes à nouveau dans le monde des touristes : les prix sont traduits en US dollars, on peut louer des chaises longues sur la plage et de jeunes pinups viennent acheter des cocktails glacés qu'elles vont boire sur le sable. Mais la plage est grande et belle et pas du tout surpeuplée. Elle est aussi utilisée par les locaux et des familles viennent profiter de ce joli coin de paradis. En outre, une plage touristique a aussi des avantages qu'on ne trouve pas dans les criques désertes : des toilettes et des douches (propres) par exemple ! Après s'être rafraichis dans l'eau claire et s'être doucement séchés à l'ombre d'un arbre, nous repartons pour aller visiter Saint-George. La ville ne manquait pas de charme depuis le bateau et nous voulons la voir de plus près. D'un côté la marina touristique avec ses maisons blanches et ses restaurants chics, de l'autre le centre ville où nous descendons au terminal des bus : gros bloc de béton gris juste devant la mer. Entre les deux, il y a une grande colline et en haut le vieux fort que nous voulons visiter. Nous aurions voulu éviter de prendre un guide mais l'entrée officielle du fort est fermée et nous ne pouvons visiter qu'en suivant Paul qui ne tarit pas en explication sur sa ville, nous pointant tous les bâtiments, nous expliquant les dégâts de l'ouragan, la révolution communiste (mais je n'ai pas tout compris) et d'autres choses. Il est très exubérant et se lance sans arrêt des fleurs, vantant ses tarifs avantageux et son expérience. Visiblement aussi religieux, il fait une prière pour nous auprès de Jesus-Christ pour que notre séjour se passe bien : nous voilà rassurés ! Comme nous le payons généreusement, il est très contente et nous indique un restaurant populaire bon et pas très cher à côté du central de bus. Nous quittons Paul et allons prendre un verre dans un petit bar décoré de drapeaux. Puis l'heure tourne et nous allons au restaurant en question : grande cantine self service où l'on sert de délicieux plats à des prix modiques. Nous rentrons assez tôt à l'hôtel pour nous reposer avant notre dernière journée à Grenade. Le vendredi, nous essayons de ne pas nous lever trop tard pour aller faire une balade un peu au nord de l'île. Nous longeons la côte caraïbe que nous avions vue du bateau, la mer apparaît magnifique à chaque tournant, en bas de la côte raide et couverte de végétation. Au milieu des palmiers, brillent les bien nommés flamboyants aux fleurs d'un rouge éclatant. Nous descendons dans la ville de Concord et devons maintenant monter à pied une longue route ensoleillée pour voir une chute d'eau. Nous avons choisi l'option des pauvres (ou des courageux) et n'avons pas pris d'excursion organisée hors de prix ni même loué une voiture. C'est pour ça qu'il nous faut marcher tandis que les touristes nous doublent dans leurs taxis. Ce n'est pas évident mais le soleil n'est pas encore trop haut et la chaleur est supportable. En ce moment, je lis "Autoportrait de l'auteur en coureur de fond" de Murakami et je suppose que cela me donne du courage. Nous passons d'abord devant des maisons puis la route s'enfonce dans les terres et nous ne voyons presque plus d'habitations. La route est goudronné et la végétation n'est pas complètement sauvage, nous voyons des petites plantations et des jardins. Je peux reconnaitre quelques arbres comme l'arbre à pain où pendent les grosses boules vertes et rugueuses, ou le bananier (facile), je vois aussi des papayes et des avocats. Je respire le doux parfum humide de la forêt et le vent frais de la rivière me fait du bien. Je n'ai aucune idée de la distance à parcourir et j'économise mon énergie au maximum en marchant très lentement, quand au bout de presqu'une heure apparaît la chute d'eau, je suis surprise et enchantée. Elle n'est pas exceptionnelle, mais on peut se baigner dans son joli bassin : tout petit mais 6 mètres de profondeur. Quel bonheur de m'épuiser dans l'eau fraiche après cette marche, de nager contre le courant, de luter contre les remous et de plonger la tête sous la chute. Nous redescendons bientôt et je peux prendre un véritable plaisir à la balade. Je vois la forêt sauvage sur les flancs de la colline : les bambous qui frissonnent de leurs petites feuilles fines, les plantes plus lourdes d'un vert sombre et les grands arbres qui s'échappent au dessus de la mêlée avec leurs troncs torturés et magnifiques. Nous mangeons nos sandwichs en attendant le bus, deux passent sans nous prendre car ils sont pleins. Le système des mini-bus peut paraître anarchique mais c'est en fait la première fois que nous avons à attendre ! De retour à l'hôtel, nous nous reposons et ne ressortons que vers 16h30 pour aller nous baigner. Le bus nous dépose devant un hôtel de luxe et nous traversons avec curiosité ses longues étendues de gazon parsemées de fontaines et de fleurs. Nous trouvons la plage et nous éloignons un peu de l'hôtel pour nous baigner. Il y a en fait un autre accès que nous pourrons utiliser pour partir. La aussi, c'est une plage magnifique, il y a un peu plus de vagues qu'à Grande Anse mais c'est très agréable. Nous profitons de la fin d'après-midi dans le soleil plus doux à cette heure tardive. Quand nous partons, nous croisons un groupe qui se prépare à prendre un barbecue sur la plage. Et c'est notre dernière image de Grenade, nous mangeons nos dernières provisions et préparons nos sacs pour prendre l'avion le lendemain pour Trinidad.

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Petite Martinique

    A la rue à Carriacou, nous n'avons d'autres choix que de prendre le water taxi pour nous rendre à Petite Martinique le samedi soir quand nous comptions n'y arriver que le dimanche. Celui-ci me semble encore plus déchainé que celui de Richard. Le conducteur est à l'arrière, je suis assise devant lui au milieu du bateau. Je vois se dresser comme un pic l'avant de la barque qui bondit sur les vagues. Je suis obligée de m'accrocher de toutes mes forces à mon siège pour ne pas être projetée sur le banc devant moi. Si j'ouvre la bouche, j'ai l'impression que l'air emplit mes joues et me déforme le visage comme sur une image de bande dessinée. Je pousse pourtant régulièrement des cris incontrôlés lorsque, soulevée de mon siège, je sens que j'y retombe brutalement. Je pense que les waters taxis ne doivent être utilisés que par des personnes jeunes et en bonne santé. Si vous avez déjà un peu peur des manèges de Disney Land, oubliez les barques des Grenadines. Peut-être le conducteur adapte-t-il sa conduite à ses passagers ? Je n'en suis pas sure... Dans la folie du voyage, je reconnais tout de même la plage sur laquelle nous nous sommes baignés l'après-midi : c'est sûr qu'en bateau, on y est plus rapidement ! Le trajet officiel entre Carriacou et Petite Martinique dure 1/2 heure, nous mettons 10 minutes. Nous arrivons secoués, échangeant des regards plein d'un soulagement hébété. Nous payons le taxi qui repart comme il est venu, pressé sans doute de retourner à la fête qui commence déjà à Carriacou.Nous voilà donc à Petite Martinique : pas même de ville, simplement quelques maisons posées ça et là et un gamin qui nous indique notre auberge. Elle est un peu plus loin le long de la plage, une grande maison jaune où nous accueille notre hôtesse attablée dans son bar-restaurant vide. Les chambres sont simples mais agréables. Il n'y a presqu'aucun meuble, les couloirs sont larges et vides, hauts de plafond et les murs sont peints dans un vert clair qui tranche agréablement avec le rouge bordeaux des grandes dalles en terre cuite qui couvrent le sol. Nous pouvons utiliser la cuisine commune ainsi que la terrasse qui deviendra notre principal lieu de vie. On y voit la mer derrière les palmiers et la petite cour de l'auberge où paissent des chèvres peureuses. La nuit tombe et après nous être rafraichis sous la douche et avoir rangé nos affaires, il faut penser à manger. C'est petit, Petite Martinique, et il n'y a pas beaucoup de restaurants. On nous indique une épicerie encore ouverte un peu plus haut sur la rue où l'on fait, parait-il, un délicieux barbecue. Nous entrons dans une première boutique où une famille est installée devant la télévision, ils nous regardent avec curiosité mais non, ils n'ont pas de pain. La seconde épicerie semble, elle aussi, ouverte et nous y achetons un paquet de riz. Dans un coin sombre, dehors devant la porte, une vielle femme fait griller du poulet. Nous lui commandons trois barbecue et attendons sur le banc en face au milieu des habitants qui semblent s'amuser de notre présence et nous posent quelques questions. Voilà notre repas du soir que nous prenons sur notre terrasse et voilà notre première rencontre avec Petite Martinique. Le lendemain, nous nous levons tard et le soleil tape déjà si fort que nous n'envisageons pas de faire quoi que ce soit. Quand la chaleur devient insupportable, nous franchissons les quelques mètres qui nous séparent de la mer et profitons de l'eau fraiche, nageant parmi les barques des pécheurs. Un dimanche hors saison à Petite Martinique, on ne peut pas imaginer plus calme. Les boutiques sont fermées, les habitants semblent inexistants, même notre hôtesse a disparu et nous sommes seuls. Nous déjeunons avec le reste du poulet et du riz de la veille et laissons couler le temps. Après le soleil torride, le ciel s'est couvert et maintenant le vent souffle et de grosses averses mouillent l'air et les près. A l'abri sur notre terrasse, nous ne pouvons qu'observer le déchainement de la nature, les palmiers qui se courbent et la mer qui écume. Entre deux averses, je découvre l'oiseau qui m'a empêchée de dormir la nuit dernière. Son cri ressemble à une manivelle rouillée que l'on tourne. C'est un perroquet, il est dans une cage sous un arbre dans la cour. Je  m'approche de lui, il me regarde avec curiosité, il n'a pas l'indifférence habituelle des oiseaux. Il lance des petits bruits étranges comme pour commencer une conversation. Son plumage est vert, d'un beau vert brillant et clair, il a du duvet doré et bleu au dessus de la tête et autour des yeux et de grandes plumes colorées au niveau de la queue et des ailes. Il me console un peu des perroquets que je n'ai pas vus à Saint-Vincent, mais celui-ci est enfermé, pourquoi ? Il me regarde de ses petits yeux rouges et vient poser sas tête contre sa cage. Je tente prudemment de caresser les plumes juste au dessus du bec (il ne peut pas me pincer). Il semble un peu surpris, mais il revient. Quand je le caresse, il hérisse les plumes de sa tête comme une crinière. Plus tard, il se met de telle manière que je peux le caresser encore plus facilement et je m'enhardis. Il ferme les yeux et je m'attends presque à l'entendre ronronner. Il s'en ira ensuite avec indifférence et quand je reviendrai d'autres fois, je n'obtiendrai jamais à nouveau de telles faveurs. A l'auberge, nous découvrons ce qui sera notre principal problème pendant ce court séjour : l'eau. Elle se coupe régulièrement et nous devons attendre patiemment qu'elle revienne. Quand elle est là, nous faisons des réserves, nous lavons la vaisselle, nous prenons nos douches mais elle peut disparaitre à tout instant. Nous découvrirons seulement le lendemain qu'il nous suffit de tirer la chasse pour qu'elle revienne dans l'ensemble de la maison. Nous n'avons pas trouvé d'explication rationnelle à ce phénomène étrange. Par ailleurs, nous avons un second problème : le ravitaillement en nourriture. Il y a plusieurs petites boutiques sur l'île mais elles s'ouvrent et se ferment au gré de la présence ou non de leurs propriétaires, sans compter que nous sommes dimanche. Le soir, nous cherchons un restaurant : il n'y en a pas. Nous marchons sous la pluie sur l'unique route, la boutique d'hier est ouverte mais il n'y a plus de barbecue, nous y achetons du pain et du lait (oh miracle !) et on nous indique un "restaurant" un peu plus loin. Nous entrons dans le lieu indiqué, une femme derrière un comptoir nous propose des sandwichs et des frites. Il n'y a pas de tables, seulement un billard qui prend l'ensemble de la pièce. Trois petits garçons sont assis qui regarde un film américain qui me semble à la fois très niais et très violent. Au mur, il est affiché "No Credit" et les dix commandements sur une affiche avec un ciel et des nuages. Nous attendons patiemment nos sandwichs et retournons les manger à notre auberge. Le lundi matin, il pleut encore beaucoup. Nous pensions voir un peu plus d'activité aujourd'hui, mais non, tout est toujours aussi clame : est-ce un jour férié ? Le ciel se dégage en fin de matinée et nous allons explorer l'île. J'espérais pouvoir en faire le tour mais ce n'est pas possible. Il n'y a qu'une seule route, notre auberge se trouve à peu près au milieu, à gauche et à droite, après environ 1 ou 2 kilomètres, la route se transforme en chemin de terre puis se perd dans les bruissons épineux. Nous faisons tout de même deux agréables balades et l'île est très jolie. Les petites maisons se suivent, fleuries de bougainvilliers et d'autres buissons colorés. Il y a un foisonnement de fleurs et d'arbustes. Comme le terrain est accidenté et humide, les habitations sont souvent en hauteur sur des petits pilotis. Les plus modestes utilisent des tas de briques, des gros bouts de bois et l'on se demande comment tout ne s'écroule pas. Nous croisons peu d'habitants et beaucoup plus de chèvres. Certaines se promènent libres sur la route, d'autres sont attachées à des piquets. Les petits sont toujours laissés libres car ils ne quittent pas leur mère. Elles sont toutes peureuses et veulent s'enfuir au moindre pas dans leur direction. Celles qui sont attachées tirent alors comme des damnées sur leur corde, tombant parfois bêtement, mais réussissant régulièrement à arracher leur piquet et à se libérer. Détail insolite, de petits cimetières sont installés le long de la route, nous en voyons au moins trois ou quatre. Ils ne comportent qu'une dizaine de tombes qui surgissent blanches et gravées au milieu des buissons de fleurs roses. Abandonnés à la végétation, ils exhalent romantisme et mélancolie. En grimpant sur les hauteurs, nous admirons la belle île fleurie battue par les flots. Un bras de mer d'à peine un kilomètres nous sépare de Petit Saint Vincent, une île encore plus petite qui sert de resort touristique. Au sud, nous voyons Union Island et au nord Carriacou et même Grenade dans le brouillard de l'horizon. Nous retournons nous baigner à la plage près de l'auberge, l'eau est brunie par la pluie mais agréablement fraiche. La journée passe tranquillement. Nous mangeons à midi le fruit à pain que nous avons acheté à un rasta qui vend des légumes près du port. C'est une grosse boule verte qu'il faut couper et éplucher et dont la chaire ressemble beaucoup à de la pomme de terre avec un léger goût d'artichaut. Le soir, nous en ferons de la purée avec quelques saucisses que nous avons pu acheter. Notre seconde journée à Petite Martinique se termine dans la même quiétude que celle qui nous berce depuis notre arrivée. Le mardi, l'île semble un peu plus active ce qui confirme l'idée que le lundi était bien férié. Nous profitons encore un peu du calme avant d'aller prendre le bateau et de retrouver la civilisation à Grenade.

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