Gerardmer 2018 - Vendredi

Vendredi matin, la neige tombe à gros flocons et nous sommes à l'Espace Lac à 10h30 pour voir le film brésilien en compétition Les Bonnes Manières. Il est divisé en deux longues parties assez différentes qui pourraient, en fait, faire deux films. Dans la première, lente, belle et étrange, on voit une relation se créer entre deux femmes de milieu différents dont l'une attend un bébé. La seconde partie est plus classique et revient plus clairement dans le cinéma fantastique, apportant d'ailleurs certains éléments originaux Dans l'ensemble, le film a beaucoup de qualités, en particulier le magnifique jeu de l'actrice principale. Il est cependant trop long et a du mal à accrocher de bout en bout.

Nous déjeunons à La Géromoise puis nous revoilà à l'Espace Lac pour un film très attendu. La Nuit a dévoré le monde n'est pas en compétition mais sa sortie prochaine fait déjà beaucoup parler. Il faut dire que c'est un film français de zombies, ce qui est assez rare pour être remarqué. Et c'est une adaptation d'un roman, français lui aussi, qui a eu un beau succès. L'histoire est simple. Un homme se réveille après une soirée et découvre que le monde a été ravagé par une apocalypse zombie. Il se retrouve seul, isolé, sans contact avec qui que soit dans un immeuble parisien entouré de morts vivants. Le film est alors une longue fable sur la solitude, montrée avec pudeur et délicatesse. Une belle découverte.

Nous continuons notre après-midi avec Chasseuse de Géants, film en compétition d'un réalisateur danois. Une jeune fille supporte mal la réalité qui l'entoure et pense se battre contre des géants pour sauver sa ville. Il y a un peu de poésie, rappelant de loin le magnifique Labyrinthe de Pan mais sans l'égaler. Le film est plaisant sans être exceptionnel.

Après ça, nous quittons l'Espace Lac et avons le temps de faire une pause rapide à l'appartement. Cinq films hier et déjà trois aujourd'hui, on commence à avoir les yeux qui piquent et la tête lourde. Cependant il nous reste encore deux séances et nous nous rendons rapidement au Paradisio. Le premier film est celui qui a été présenté en ouverture mercredi soir pendant que nous roulions dans la nuit pluvieuse : Le Secret des Marrowbone film espagnol en compétition. L'histoire est bien pensée, originale et bien amenée. Le fantastique est subtil, l'angoisse présente. On est dans la lignée d'autres films espagnols de genre tel L'Orphelinat. C'est d'ailleurs ce que l'on peut lui reprocher : il n'y a rien de vraiment nouveau.

La suprise vient de la dernière séance : Revenge film français, premier de sa réalisatrice Coralie Fargeat. Comme le titre et le résumé l'indique, c'est un "Rape and revenge", scénario si classique qu'il est devenu un sous genre du cinéma d'horreur avec des films tels que La Dernière Maison sur la gauche de Wes Craven. La réalisatrice maîtrise, reprend et transforme les codes avec beaucoup d'humour et de cruauté. Le début est assez convenu : une jeune femme arrive avec son amant dans une maison isolée au milieu du désert. Les choses se gâtent quand deux amis un peu lourds viennent les rejoindre. La scène de viol est intéressante car elle est totalement dépourvue du fameux "male gaze", ce point de vue "masculin" qui rend la victime sexy et le crime excitant (comme dans Irréversible que j'ai détesté). Ici, au contraire, on est complètement du côté de la victime. On ressent son effroi, son dégoût, sa perte de moyens quand l'insistance du mec relou se transforme en violence et que le témoin laisse faire sans sourciller.

La seconde partie est (beaucoup) moins réaliste et aussi beaucoup plus gore, en bon film de genre. C'est le fantasme de vengeance de la victime qui se réalise. Car quand elle se retrouve empalée au milieu du désert, la jeune femme décide qu'elle ne se laissera pas tuée aussi facilement… Couverte de sang, en sous-vêtements, elle ressemble à une mannequin déesse de l'apocalypse. Mais la réalisatrice joue sur les codes et, dans la scène finale, son adversaire se retrouve déshabillé lui aussi, nu comme un ver. À ça, on ajoute une réalisation rythmée, de l'énergie, de l'humour. En gros, c'est mon coup de coeur du festival !

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Gerardmer 2018 - Jeudi

Nous arrivons tard le mercredi soir après 5h de route sous une pluie battante et continue. Le lendemain matin, la pluie s'est transformée en neige et tombe en léger en flocons, recouvrant pare-brises et trottoirs. Le soleil perce à travers les nuages et éclaire la forêt vosgienne sous sa poudre blanche.

Nous entamons la 25ème édition du festival de Gerardmer, 15ème pour nous, comme très souvent à l'Espace Lac avec un film en compétition. Nous assistons à The Lodgers, film irlandais se déroulant vers 1920, qui malgré des belles images se révèle assez décevant car il sort bien peu des clichés…

La séance de 14h30 à la MCL est plus intéressante. Nous profitons de la rétrospective Alex de la Iglesia pour découvrir Mes Chers Voisins. Ce réalisateur m'avait marquée il y a quelques années avec l'excellent Un Crime Farpait et je ne suis pas déçue. Dans Mes Chers Voisins, une copropriété se déchire et s'assassine autour d'un pactole de loto sportif : c'est un beau concentré d'humour noir et de situations absurdes, belle découverte.

On reste dans l'humour grinçant avec le film suivant Tragedy Girls, en compétition à l'Espace Lac. De l'aveu même de son réalisateur, c'est un "High School Movie" typiquement américain. Seulement ici, les deux lycéennes ont des pulsions meurtrières en plus de leurs crises d'adolescence. Cherchant la célébrité à tout prix, elles massacrent sans états d'âme leurs camarades et professeurs. Le film est plaisant à regarder dans le genre délire morbide. Il lui manque cependant un petit quelque chose pour être vraiment bien. Il reste trop léger à mon goût.

On enchaîne avec un autre film en compétition : Mutafukaz, film d'animation franco-japonais. J'apprécie l'univers graphique, l'étrange ville dans laquelle évoluent les protagonistes, sorte de Los Angeles décadent et ultra violent. Je ne suis pas complètement convaincue par le scénario auquel j'ai du mal à vraiment accrocher. Je trouve un peu dommage que l'univers graphique du réalisateur, plein d'originalité quand il s'agit des personnages masculins, tombe dans le cliché pour les très rares représentations féminines.

Nous terminons notre journée par un 5ème film à 22h à la MCL : Le Jour de la Bête toujours dans le cadre de l'hommage à Alex de la Iglesia. Et je ne regrette pas cette dernière séance ! Le film est encore meilleur que celui que nous avons vu en début d'après-midi. D'ailleurs il a gagné le Grand Prix du festival en 96. On y suit un prêtre qui, avec l'aide d'un fan de death metal et d'un pseudo médium charlatan, cherche à vendre son âme au diable pour empêcher la naissance de l'antéchrist prévue le soir même. C'est une épopée farfelue, pleine d'un humour décalé et qui tient toutes ses promesses. Belle découverte de fin de soirée ! Sur ce, nous rentrons nous coucher, prêts à affronter notre deuxième journée.

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Gerardmer 2017 - Week-end

Nous voilà samedi matin à l'espace Lac où un nouveau film en compétition nous attend. Avec l'arrivée du week-end, le nombre de festivaliers augmente et la salle se remplit. Nous venons voir Under the Shadow, film iranien où une mère et sa fille se retrouvent isolées sous les bombardements à Téhéran et embêtées par les Djinn (démons de tradition musulmane). Le film fait un beau travail de mise en place : guerre Iran-Irak sur fond de désillusions post révolutionnaires. La relation mère-fille est bien filmée : l'isolement qui s'installe, la raison qui face place à la folie, l'inquiétude de la petite fille. Il ne gagnera peut-être pas le grand prix mais c'est une belle surprise.

Lorsque nous sortons en fin de matinée, un grand soleil brille sur le lac gelé. Un tapis rouge et du champagne attendent les membres du jury qui profitent eux aussi de ce magnifique décor. Ils font des selfy sur la glace entourés par les festivaliers en promenade, les familles qui tirent leurs enfants sur des luges, les patineurs qui s'en donnent à coeur joie. Nous, nous profitons du soleil et de la  neige en mangeant des sandwichs et des crêpes. 

Puis voilà que commence notre après-midi de marathon-films. Tout d'abord les courts-métrages qui, je dois dire, m'ont assez déçue cette année. D'habitude, j'ai toujours au moins un coup de coeur mais là ce n'est pas le cas. Ils ont certes tous des qualités mais aussi des défauts et aucun n'a su me convaincre.

Nous enchaînons avec un film en compétition : The Girl with all the gifts. Production Britannique, dans un univers post-apocalyptique où le monde est ravagé par des Zombies, certains "enfants - zombies" ont gardé une intelligence humaine et des comportements à peu près civilisés. Ils sont éduqués par une instit sympa dans une école militaire sous très haute surveillance et constamment attachés pour éviter que leur pulsions canibales ne fassent des dégâts. C'est sur cette image assez forte que s'ouvre le film : des enfants à l'air inoffensif mais pourtant inquiétant, traités comme des prisonniers et méprisés comme des animaux dangereux. Puis la base se fait attaquer par les vrais zombies et là toute cette belle organisation militaire part à vau-l'eau. L'héroïne du film est une enfant zombie particulièrement sympa et intelligente qui tente de comprendre sa place dans ce monde étrange entres monstres sanguinaires et humains effrayés. Le rôle est porté par une jeune actrice tout à fait à la hauteur ce qui donne un film de grande qualité dans la lignée de 28 jours plus tard ou autres productions britanniques du même genre. C'est clairement un favori pour le palmarès du dimanche soir...

Toujours à l'espace Lac, nous assistons maintenant à l'hommage rendu au réalisateur japonais Kiyoshi Kurosawa suivi de son dernier film présenté hors compétition. Et de façon assez surprenante, ce film est français : Le Secret de la chambre noire avec en particulier Olivier Gourmet et Tahar Rahim. On reste cependant dans la tradition de Kurosawa. Le film est assez lent et certaines images sont typiquement japonaises. On est dans une grande maison de la région parisienne. Un photographe est obsédé par les images du passé et fait poser sa fille des heures durant. L'ambiance est étrange et légèrement inquiétante, le fantastique s'insinue très sobrement toujours entre folie et cauchemar. Mais contrairement à Charisma, il y a tout de même un véritable scénario avec une histoire cohérente, un bilan assez positif pour moi.

Voilà venu notre dernier film de la journée. Il faut se dépêcher car c'est à la MCL avec très peu de temps pour la transition. Nous arrivons juste à l'heure pour voir Rupture, film en compétition présenté dès jeudi matin mais que nous n'avons pas encore vu. Ça commence pas trop mal : une jeune mère se fait enlever par des gens très bizarres qui semblent vouloir la faire participer à d'étranges expériences scientifiques. En gros, ils commencent à la torturer en utilisant ses peurs profondes. Comme moi, elle a peur des araignées et je me suis contentée de fermer les yeux pendant les scènes de torture  (je supporte beaucoup de choses au cinéma mais pas les araignées). Bon, en dehors de ça, ça tourne assez vite à la série Z avec des explications tordues et des effets un peu nazes bien que l'actrice principale soit assez sympathique. 

On aurait pu encore retourner à l'espace Lac pour participer à la Nuit : Terra Formars et The Lure, ça avait l'air bien sympa. Mais bon, il est déjà plus de minuit et après 5 films, on commence à fatiguer. Le dimanche matin sonne la fin de notre festival. Le magnifique beau temps de ces derniers jours a laissé la place à une bruine froide. Nous n'allons pas voir le dernier film en compétition présenté ce matin. En effet, nous avons déjà vu le français Grave au PIFF cet automne et c'était très bien ! Une jeune femme végétarienne se découvre un instinct canibale sur fond de bizutage en école vétérinaire. C'est cruel et sanglant sans en rajouter. La jeune actrice donne beaucoup de sensibilité à son personnage qui hésite entre libération de son corps et contrôle de ses pulsions. Le décor de l'école vétérinaire est inquiétant et glauque. C'est agréable de voir une production française de genre de si grande qualité !  Cela m'étonnerait qu'il reparte bredouille ce soir...

À la place de Grave, nous allons donc voir le seul film de la compétition qu'il nous manque encore : Realive. Un jeune homme atteint d'un cancer incurable se fait cryogéniser. Prés d'un siècle plus tard, il est le premier homme à être ressuscité. De ce monde du futur, on ne voit rien et on entend à peine parler. On ne se concentre que sur le mal être du héros qui se sent très seul et a mal partout. Il se plonge dans ses souvenirs qui ressemblent à un album facebook plein de photos de potes qui font des fêtes près de la piscine. Il y avait du potentiel dans l'idée de départ mais le traitement laisse clairement à désirer...

C'est là dessus que se termine le festival pour nous, 16 séances en quelques jours et quelques très belles surprises. Mes favoris pour le palmarès ce soir : The Autopsy of Jane Doe, Grave, et The Girl with all the gifts.

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