Bas Saint-Laurent

Le voyage commence véritablement lorsque nous quittons Québec le mercredi. La veille, nous avons fait la route depuis Montréal où nous venons de passer quelques jours. Nous avons acheté chez MEC les quelques éléments qui manquaient à notre équipement et fait quelques provisions : divers fruits secs et graines, du pain de mie nord-americain, un peu de fromage, des barres de céréales, des fruits en boîte. Nous avons maintenant un peu d'expérience du camping et arrivons à nous nourrir plus ou moins bien avec comme seul matériel un minuscule réchaud à gaz et une sorte de grosse timbale métallique pour chauffer de l'eau.

À Québec, nous logeons dans une résidence universitaire transformée en hôtel pour l'été. La chambre, en hauteur, offre une vue magnifique sur le Saint-Laurent. Nous prenons la route en fin de matinée après un petit-déjeuner dans un café de zone commerciale péri-urbaine. Notre premier arrêt se situe juste à la sortie de la ville : je veux montrer à Seb les chutes de Montmorency que j'ai, moi, visitée il y a 7 ans. Elles sont toujours aussi majestueuses et impressionnantes. Il y a toujours les 500 marches et, comme la dernière fois, je n'ai aucune envie de les gravir. Nous sommes garés en haut. Je laisse Seb faire l'aller-retour jusqu'en bas tandis que j'attends, assise dans l'herbe, admirant le fleuve sur la plaine.

C'est à Québec que le Saint-Laurent commence vraiment à s'élargir, se transformant petit à petit en océan. C'est aussi là qu'on trouve le dernier pont que nous avons dépassé pour visiter les chutes. Plutôt que de faire demi-tour, nous décidons de remonter un peu la côte nord et de traverser plus tard, en bac. Nous suivons donc tranquillement la route qui relie Québec à Tadoussac, traversant les pittoresques petites villes. C'est la forme des toits, légèrement arrondis et remontant en pointe, qui me fait utiliser l'adjectif "pittoresque". En fait, je suppose que ce sont plutôt les considérations pratiques des chutes de neige en hiver qui dictent cette architecture.

L'après-midi étant déjà bien avancée, nous décidons de nous arrêter à Saint-Simeon où nous trouvons un joli camping. Il est presque plein mais il reste tout de même un bel emplacement. Derrière les arbres, nous apercevons le fleuve. On peut descendre jusqu'à la plateforme qui surplombe la falaise pour admirer la vue. L'autre rive est encore visible bien que lointaine et brumeuse. Dans le brouillard, de grands bateaux avancent, fantomatiques. Et au milieu de l'eau, on voit apparaître par intermittence de grosses boules blanches et lisses qui sortent et replongent. Ce sont les belugas : gros animaux assez amusants à mi-chemin entre la baleine et le dauphin. De retour à notre emplacement, nous allumons notre premier feu de camp et laissons la nuit tomber à la lueur des flammes avant de nous calfeutrer sous la tente.

Nous pensions prendre le ferry au nord de Tadoussac pour rejoindre directement Trois-Pistoles. Nous découvrons cependant qu'un autre ferry plus rapide et plus fréquent relie directement Saint-Siméon, où nous sommes, à Rivière-du-Loup sur la côte sud. Nous décidons alors de laisser Tadoussac à un prochain voyage, celui où nous remonterons la côte nord, et de prendre le bac dès maintenant. Saint-Siméon n'est en fait rien d'autre que quelques maisons posées au creux de la falaise autour de l'embarcadère. Nous arrivons très en avance, installons notre voiture dans la file puis sortons faire un tour. Le soleil brille et une magnifique plage s'étend devant nous. Le sable est clair et l'eau transparente et glacée. Les courants froids viennent depuis les tréfonds de l'Atlantique Nord se mêler à l'eau du fleuve. Ils apportent avec eux la faune marine, baleines et belugas : les stars du coin. Faute de se baigner, nous profitons simplement du beau temps et de l'air marin pour marcher sur la plage. Puis nous grignotons nos sandwichs sur la terrasse du petit snack en attendant le bateau.

Le ciel s'est couvert de nuages et nous sommes surpris par une averse alors que nous retournons à la voiture. Elle est intense mais courte et la pluie cesse quand nous nous garons sur le bateau. Cependant, le fleuve est encore recouvert de brume et c'est dans ce brouillard humide, sur une eau verte et grise, que nous commençons la traversée. Je suis dehors, profitant du vent marin, admirant les oiseaux, les crêtes d'écume sur les vagues, la vue qui s'éloigne et le fleuve qui s'éclaire tandis que le ciel se dégage. Et, en milieu de traversée, voilà à nouveau les belugas qui viennent nous saluer. Nous voyons sous la surface leurs longs corps blancs qui nagent.

En une heure, nous rejoignons la rive sud à Rivière-du-Loup. Visiblement, ce côté là est plus peuplé que l'autre. Nous sommes dans une grosse bourgade assez différente du petit village que nous venons de quitter. Dans le centre ville : un grand parc qui habrite de très jolies chutes d'eau. C'est l'occasion d'une agréable promenade dans les bois avant de reprendre la route.

Nous roulons vers l'Est, vers la Gaspésie au bout de l'estuaire. Le fleuve, majestueux, est sur notre gauche. La rive est très différente de ce côté-ci. Pas de falaises : la terre remonte en pente douce depuis l'eau. Il pousse de part et d'autre de la route de hautes herbes et de magnifiques fleurs multicolores. Nous traversons aussi quelques champs de blé. C'est ainsi que nous arrivons à Trois-Pistoles où nous nous arrêtons passer la nuit. Notre camping est directement sur la plage. C'est-à-dire que devant notre tente, on trouve quelques galets sur deux ou trois mètres, puis le Saint-Laurent. À peine quelques roseaux nous séparent de l'eau. Nous pouvons donc admirer à loisir le fleuve splendide tandis que le soir tombe. Tout d'abord, il se recouvre de brume. La rive opposée que nous apercevions encore à l'horizon, disparaît dans le brouillard. Puis l'eau elle-même semble être engloutie, la plage autour de nous. Mais bientôt, tout s'éclaire de nouveau en une explosion de couleur. Le soleil rougeoyant descend lentement vers la ligne brumeuse de l'horizon, se reflétant dans les milliers de miroirs du fleuve. Enfin la nuit arrive et le ciel rose s'assombrit petit à petit. La foule du camping qui s'était amassée sur la berge pour observer le spectacle se disperse peu à peu. Les étoiles apparaissent. Nous restons un moment au coin du feu avant d'aller nous coucher.

Le lendemain, nous prenons le petit-déjeuner au bord de l'eau : pâle, presque blanche dans la lumière du matin. Nous tentons une baignade mais la température glaciale (environ 8 degrés) ne nous permet pas de nous immerger au delà du mi-cuisse ou alors seulement très rapidement, telle une bravade accompagnée d'un cri d'effroi. Je crains peu l'eau froide mais le Saint-Laurent et les courants de l'Atlantique Nord ont la victoire pour ce coup-ci.

Nous effectuons un dernier arrêt avant de rejoindre la Gaspésie plus à l'Est : le parc national du Bic. On y trouve de très jolies balades le long de magnifiques petites criques. La marée basse découvre de longues plages de sable humide et donne accès à de petits islets. La sensation du sable sous mes pieds, les flaques d'eau sur la vase, l'odeur des embruns me rappellent la Normandie mais le paysage planté de conifères n'a vraiment rien à voir. Nous nous promenons longuement sur la plage jusqu'à rejoindre de magnifiques falaises balayées par le vent. Lorsque le chemin devient trop hasardeux dans les rochers que la mer houleuse vient frapper, nous faisons demi-tour et retournons au parking par un petit chemin à travers la forêt, bordé de buissons fleuris. Nous effectuons un dernier détour avant de quitter le parc : nous nous rendons au Cap Caribou pour voir les phoques se prélasser sur leurs rochers !

Juste après le parc, nous arrivons à Rimouski que Seb a visité il y a longtemps pour une conférence. Nous traversons la ville en voiture et ses banlieues aux allures de stations balnéaires. Ça y est, nous sommes en Gaspésie !

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