Sur la route

Dimanche 1er août

Nous partons à 10h et nous avons une longue route à faire. D'autant plus que ce ne sera que de la piste ou "bumping road". Nous nous arrêtons d'abord dans un petit village, c'est là qu'est né notre chauffeur. Puis nous roulons un peu pour aller voir ses parents qui sont éleveurs nomades. Il peut ainsi voir un peu sa fille de deux ans qui y est en ce moment ainsi que sa sœur et son neveu encore tout bébé. Les parents nous accueillent dans leur yourte au centre de laquelle le poêle chauffe une grande casserole de lait.   Ils nous servent des petits fromages faits avec du lait de yak ainsi que du thé chaud. Plus tard, ils nous font gouter un bol de lait de yak chaud et crémeux. Les yaks sont en fait de grosses vaches poilues. Il y en a beaucoup par ici car ils sont surtout élevés dans les montagnes. Nous avons déjà croisé plusieurs troupeaux.

Nous repartons et cette fois la route sera longue. Nous devons d'abord traverser les montagnes. Malgré les bosses, c'est très agréable. Les paysages sont magnifiques. Nous roulons sur le flanc des collines, le long des forêts. Nous traversons parfois même de petits bois. La voiture est entourée par les herbes hautes et fleuries. Nous nous arrêtons dans un bois pour cueillir de grosses fleurs rouges que Erica et le chauffeur veulent faire sécher pour faire en tisane. Il parait que c'est bon pour la digestion (mais méfions nous). Ils en remplissent deux bouteilles. Erica nous dit que sa fille a des problèmes de digestion et que ça l'aidera, c'est pour ça qu'il lui en faut beaucoup. C'est dans un charmant endroit comme ça que nous nous arrêtons pour déjeuner. Mais bientôt nous devons repartir, le chauffeur nous dit qu'il reste 150 km à parcourir.  Après un temps, nous quittons les montagnes et traversons une zone anciennement volcanique. La plaine est jonchée de pierres noires qui lui donnent un air un peu effrayant. Et puis nous croisons de belles rivières  au fond de larges canyons. S'il n'y avait pas de programme à suivre, je voudrais m'arrêter ici et camper dans ce paysage étrange, me baignant dans l'eau froide au milieu des cailloux noirs. Nous commençons à être fatigués et il reste encore une centaine de kilomètres. Bientôt, nous retrouvons le paysage auquel nous avons été habitué : nous avons quitté la végétation luxuriante des montagnes et retrouvons la terre sèche et poussiéreuse, l'herbe éparse qui s'étend à l'infini sur les collines. Le soleil se couche et nous ne sommes toujours pas arrivés. Nous avons passé une ville qui se trouve "à côté" de notre lieu d'arrivée mais voilà un moment que nous roulons dans la steppe, dépassant les campements sans nous arrêter. Est-ce par ce que la nuit est proche que d'un seul coup un petit renard court juste à côté de la voiture avant de se jeter prestement dans un trou ? Sur notre chemin, nous croisons aussi de nombreux aigles. Immobiles, on pourrait les confondre avec des pierres ou des morceaux de bois. Seules leurs têtes bougent, suivant notre passage de leurs yeux perçants. Parfois l'un d'eux s'envole silencieusement. Parfois aussi, ce ne sont pas des aigles mais des chouettes avec leur tête ronde qui tourne à 180 degrés et leurs deux yeux globuleux. Enfin nous arrivons. Les yourtes sont nichées dans le creux de la colline, au milieu d'un paysage accidenté. La famille nous accueille chaleureusement. C'est un vieux couple qui vit ici entourés d'enfants qui sont soit leurs neveux soit leurs petits-enfants. La femme est toute menue, elle porte un bel habit traditionnel bleu. De loin, on dirait une petite fille. Dans leur yourte, ils nous servent du thé et de petits gâteaux bien appréciables. Ils ont perdu de nombreux animaux cet hiver mais n'ont pas l'air dans le besoin. D'ailleurs, nous apprenons qu'ils ont déjà voyagé et sont allés en France où ils ont été accueillis chez des amis. Ils ont des photos d'eux sous la tour Eiffel et à divers endroits comme à la pointe du raz. Sur la carte de France, nous leur montrons où nous habitons et d'où est originaire Sébastien. Puis nous rejoignons Erica qui cuisine dans notre yourte. Le poêle apporte une douce chaleur et bientôt le dîner est prêt. Nous ne veillons pas très tard après cette longue route et sommes très heureux de nous coucher, même sur des lits un peu durs.

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Les Sources

Samedi 31 juillet

Ce matin, nous devions nous réveiller à 8h car la route à faire était longue. Cependant, à 9h30, nous sortons de la yourte étonnés que Erica ne nous ait pas réveillés. Elle nous explique alors que Baira a dû partir en urgence car son fils de 8 mois était malade (nous apprendrons plus tard qu'il va mieux). Il est retourné à Oulan Bator. Un autre chauffeur nous a été envoyé mais il doit faire la route, lui aussi, depuis la capitale et il n'est pas encore là.

Nous nous retrouvons donc sans voiture à patienter. Nous prenons tranquillement notre petit déjeuner, la famille nous a préparé du riz au lait, c'est délicieux. Hier soir, nous sommes restés tard avec Monhbat, lui montrant des photos, discutant comme nous pouvions. Je voulais offrir quelque chose à la jeune fille mais je n'avais rien, alors je lui ai peint une petite carte postale car elle avait beaucoup apprécié ma peinture. Monhbat est avec moi alors que je peins et je lui explique ce que je fais, les couleurs, les mélanges. Il ne comprend sans doute pas tout mais écoute avec intérêt. Il prend une autre petite carte et nous fait un dessin. Pendant ce temps, j'utilise le reste de la palette pour lui peindre à lui aussi quelque chose. Je lui explique qu'il doit laisser la peinture sécher pendant la nuit et pourra revenir la chercher demain. Il n'a pas oublié et est là ce matin pour la prendre. Il demande à Erica de lui traduire la petite dédicace que j'ai écrite et qui dit simplement "For Monhbat, from Viviane". Il a beaucoup de mal à prononcer mon nom, "Bibiane" est le plus proche dont il puisse s'approcher. La jeune fille vient nous voir car elle s'est fait mal au genou. Nous ne pouvons pas beaucoup l'aider et lui proposons juste de désinfecter. Pour la consoler, je lui offre la carte que j'ai préparé pour elle et je sens bien que ça lui fait très plaisir. Je lui ai aussi écrit une dédicace, Erica a dû m'épeler son nom Enhjmaa (à prononcer plus ou moins Irma). Les cartes représentent des yourtes avec le paysage derrière, à chaque fois, j'ai aussi dessiné un chameau car c'est un peu la marque de fabrique du coin. Notre chauffeur arrive et nous allons pouvoir partir. Il a l'air très bien mais nous regretterons Baira qui, avec son français approximatif, nous a fait beaucoup rire. Petits extraits de conversation : Baira : Ca va ? Dormir, c'est bon ? Nous: Oui, très bien dormi et toi ? Baira : c'est bon Nous : La voiture, ça va ? Baira : oui, la voiture, c'est bon. Maintenant, poutit déjeuner Nous : oui très bien Baira : Bien manger, après, bien voyager ! "poutit" était un mot très utilisé, comme dans "poutit lac", ou dans "sur chouval, poutit, poutit" pour dire que nous n'irons qu'au pas. Nous disons au revoir à tout le monde et partons sans trainer car nous avons de la route. La première partie se fait sur route goudronnée et donc sans problème. Nous rejoignons ainsi Karakorum, l'ancienne capitale. Elle a été déplacé au XIVem siècle à Beijing et a été de nombreuses fois détruites (comme lors de la révolution communiste). Il en reste maintenant un grand monastère, encore actif, Erdene Zuu, construit sur les ruines de la ville. Autour, il n'y a qu'un petit village. Nous visitons donc Erdene Zuu où nous trouvons, comme toujours, plein de beaux Buddhas. Nous prenons ensuite notre déjeuner dans un restaurant de la ville. Nous goutons enfin aux traditionnels Buuz mongols : raviolis à la viande. Dans le restaurant, nous rencontrons un français qui est plus ou moins installé en Mongolie. Il y passe la moitié de l'année et organise des trecks à cheval. Nous repartons de Karakorum et quittons la route asphaltée. Nous la récupérons de temps en temps quand elle n'est pas en construction jusqu'à ce que nous partions définitivement vers la montagne. Nous arrivons alors dans une magnifique vallée. Une petite rivière coule entourée d'arbres, partout l'herbe est parsemée de fleurs. Nous nous arrêtons pour marcher un peu dans l'eau fraîche et prendre des photos de ce paysage bucolique. Nous continuons à rouler vers les montagnes. De très amusants petits animaux courent parfois autour de la voiture : ce sont comme des mini marmottes ou des écureuils de prairie. D'après le chauffeur, ce sont des "chiens de prairies" (dit en français). Ils avancent très rapidement par petits sauts agiles et se dressent parfois sur leurs pâtes arrière avant de rentrer dans un trou. En effet, il faut qu'ils se méfient des grands rapaces qui tournoient dans les airs et dont ils doivent être les proies privilégiées. Nous arrivons à notre lieu de résidence pour la nuit. Quel plaisir de s'arrêter dans un endroit si magnifique ! Nous sommes dans un camp de yourtes pour touristes. Il est niché au creux de la montagne, bordé de forêts. Les yourtes s'alignent avec chacune un numéro, comme des chambres d'hôtel. Les bâtiments en dur sont en fait de jolis petits chalets. Entre les yourtes, la végétation de la montagne pousse libre et luxuriante, pleine de fleurs colorées. A quelques détails près (comme les yourtes), on pourrait se croire dans un petit hôtel reculé d'Autriche. Nous avons une yourte pour nous deux, très joliment décorée avec des meubles en bois, et même du parquet. Il y a de vrais lits avec draps, couvertures et oreillers Nous pouvons profiter des installations sanitaires, comme les douches (avec de l'eau chaude) et de vraies toilettes. Et surtout, nous pouvons nous baigner dans les petits bassins alimentés par les sources chaudes ! Allongés dans l'eau comme dans un bain, entourés de jolis petits oiseaux, nous nous sentons un peu au paradis. Nous prenons le diner dans la très grande yourte centrale et profitons encore un peu des bassins avant d'aller nous coucher. Le lendemain matin, nous devons partir assez tôt, nous avons tout de même le temps de prendre une douche (profitons tant que nous le pouvons) et de nous baigner un peu... Agréable pose de confort au milieu de notre voyage, nous sommes maintenant prêts pour à nouveau affronter la steppe.

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Sur le chameau

Vendredi 30 juillet

C'est à nouveau Tserentogtoch qui nous réveille ce matin. Mais il est suivi de près par la jeune fille de la maison qui le fait sortir comme elle peut. Il fait froid ce matin et nous avons du mal à quitter la douce chaleur de nos sacs de couchage. Dehors, il tombe une fine bruine et il vente : les pulls et vestes ne sont pas de trop. Après le petit déjeuner, Erica nous propose d'aller chez les parents de la jeune femme qui vit ici. Nous acceptons volontiers.

Nous emmenons dans le van avec nous une partie de la famille. Le père est resté travailler : il a emmené ce matin un groupe de touristes faire du chameau. La femme est là avec son fils, le petit monstre Tserentogtoch, et la jeune fille qui l'aide pendant sa grossesse. Les parents n'habitent pas très loin, nous y sommes en 5 minutes. Nous rentrons dans la belle grande yourte. C'est celle qu'ils réservent à l'accueil des invités. Au fond, sont accrochés des trophées gagnés aux courses de chevaux, Il y a aussi de nombreux articles d'équitation et des crins de chevaux un peu partout. La femme nous sert de l'airag avec une assiette de petits fromages et gâteaux. Ici, vivent aussi la jeune sœur et le frère de la femme que nous connaissons. Le frère se marie dans quelques semaines. Dehors, on peut voir les éléments de sa future yourte entreposés. Nous sortons voir les chevaux. Le cheval de course est séparé des autres, ils l'entrainent en ce moment pour une course à venir. C'est un petit garçon de 9 ans qui doit le monter. Ce sont les enfants qui participent aux courses car ils sont plus léger. Il y a une petite fille du même age qui elle aussi participe à des courses. C'est assez dangereux car les chevaux vont vite et les courses sont longues : 50 km. Nous marchons un peu vers les pâturages. Les enfants nous suivent. Ils nous montrent les grenouilles par terre, les fourmilières, les fleurs. On s'amuse avec eux et on prend des photos. Nous passons à côté du troupeau de chevaux. Les poulains sont attachés à une corde, le nombre de cordes et le nombre de poulains fait souvent la fierté d'une famille. Nous retournons dans la yourte où la femme a préparé du thé au lait. Nous le buvons avec plaisir et reprenons gâteaux et fromage. Notre guide lui a apporté des bonbons et biscuits et en échange, elle nous offre un plein sachet de petits biscuits fait maison. Après quelques tasses de thé, nous quittons la famille en promettant d'envoyer les photos. Nous rentrons dans notre yourte où une touriste française nous rend visite. Elle fait partie du groupe qui a fait du chameau ce matin. Elle est à la fin de son voyage de trois semaines en Mongolie. On lui avait dit qu'elle faisait partie d'un groupe de quatre et finalement elle s'est retrouvée seule avec un inconnu. L'homme n'est pas venu nous voir, il est resté dans la voiture, il a l'air d'avoir mauvais caractère. Elle se plaint d'ailleurs car elle dit qu'il est extrêmement "stressé du programme" et regarde sans arrêt sa montre. Il ne fait pas confiance à son guide et à son chauffeur et refuse tout imprévu. Quelle étrange attitude quand on voyage ! Le guide et le chauffeur ont l'air d'ailleurs assez fatigués et se sont plaints, eux aussi, à nos guides. Nous sommes tout l'inverse. Nous faisons complètement confiance à Baira et Erica pour s'occuper de nous. Et les imprévus s'avèrent finalement les choses les plus intéressantes. La première famille chez qui nous sommes allés n'était pas celle prévue et c'est une des rencontres qui nous a le plus marqué. De Khogno Khan, nous retiendrons sans doute le monastère mais plus encore la visite de ce matin chez l'éleveur de chevaux et les plaisanteries avec le jeune Monhbat, le guide pour chameaux. D'ailleurs, après le déjeuner, nous partons faire le tour en chameaux guidés par Monhbat. Je trouve le chameau plus inconfortable que le cheval. Les animaux avancent lentement et nous mettons un certain temps avant de rejoindre les dunes pourtant proches. Grimper les dunes à dos de chameaux est plutôt amusant. Ça donne un petit air de Sahara, mais avec la prairie et les yourte en plus. Au bout d'un moment Monhbat insiste pour que nous descendions des chameaux et venions jouer avec lui dans le sable. A vrai dire, c'est beaucoup plus agréable. Sur la pente aiguë de la dune, nous nous laissons glisser, ou bien nous nous faisons tirer par Monhbat qui descend et remonte à toute vitesse. Il joue à s'enterrer dans le sable puis m'enterre à mon tour. C'est un moment très agréable de complicité et de jeu. En rentrant, nous discutons avec lui grâce à Erica qui traduit (il comprend plus qu'il ne parle). Il pose des questions sur notre pays, nous lui posons à lui aussi des questions. Il n'a jamais quitté la Mongolie et n'est allé qu'une fois à Oulan Bator. Nous sommes assez soulagés de rentrer enfin à la yourte car le chameau commence à être vraiment douloureux. Je décide de m'installer pour peindre. La jeune fille de la famille est impressionnée. Elle veut rester à côté de moi pour regarder. C'est, je crois, la nièce du couple et elle est là pour aider la jeune femme enceinte. Elle n'a que 11 ans mais fait un peu plus âgée (contrairement à Monhbat qui dit avoir 13 ans mais fait beaucoup plus jeune). Elle est très mignonne avec son petit visage angélique. Elle un peu timide mais très serviable, elle aide souvent Erica. En fait, elle passe souvent son temps à courir derrière Tserentogtoch pour l'empêcher de faire des bêtise. D'ailleurs il n'apprécie pas beaucoup qu'elle le délaisse pour me regarder peindre. Il commence à s'agiter et renverse mon verre d'eau. Il veut voler mes pinceaux et c'est un miracle si ma peinture s'en sort avec seulement quelques taches bleues. Finalement, Sébastien essaie d'occuper le petit diable et la jeune fille peut continuer à regarder. Le principal jeu du petit est de chevaucher son bâton en cirant "chou chou" (l'équivalent de "Hue hue"). Nous prenons notre diner dans la douce lumière du soir, le temps s'est beaucoup adouci et est maintenant très agréable. Demain, une nouvelle journée de route nous attend et nous devons ranger nos affaires. Dans la soirée, nous revoyons Monhbat. Je lui montre des photos de nos familles sur l'ordinateur. Nous lui donnons aussi un pourboire pour les chameaux. Nous avons déjà payé mais il ne reçoit pas l'argent officiel. Nous lui expliquons bien que l'argent est pour lui et qu'il peut s'acheter ce qu'il veut. Nous n'oublierons pas de prendre son adresse pour lui envoyer des photos et une lettre en anglais qu'il pourra essayer de comprendre.

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