Don Juan de Brecht, d'après Molière, au théâtre de L'oeuvre

Je savais que Brecht avait été marqué par le mythe de Don Juan car j'avais travaillé sur sa première pièce, Baal, qui s'en inspire. Cependant, je ne connaissais pas cette adaptation de la pièce de Molière, et pour cause, elle semble tout à fait méconnue et c'est peine si j'arrive à trouver la moindre information dessus...

Je la découvre donc mise en scène par Jean-Michel Vier au théâtre de l'Oeuvre à Paris. L'adaptation est assez proche de la pièce originelle, la trame est la même, le texte semble juste un peu modernisé. Don Juan est un peu plus couard et transgressif, choquant méprisant. Il est ici magistralement interprété par Pierre Val, il arrive à être à la fois séduisant et ridicule, subjuguant et maléfique. Plus la pièce avance, et moins il semble humain, jusqu'aux dernières scènes où avec son visage peint de blanc, il est tout simplement effrayant. Autour de lui, la société s'agite, comme des clowns ou des marionnettes. Elle semble n'être qu'une caricature, les personnages changent de costumes et tournent autour de Don Juan comme dans un manège. On retrouve ici un style très Brechtien : pose découpée et geste théâtral. Sganarelle nous semble être le seul humain réel, il ne se fond pas dans la foule et n'a pas le machiavélisme de Don Juan. Bien que drôle, c'est un personnage plus sérieux que dans la pièce de Molière, sur son visage, on lit une constante inquiétude. Sa peur du ciel ne semble pas être une simple couardise mais une conscience que "quelque chose cloche" que le tourbillon de vie de mène son maître ne peut que mal finir.

Que veut nous dire Brecht avec cette pièce ? En quoi le mythe de Don Juan l'intéresse-t-il ? Sans doute pas pour la leçon de morale sur le ciel, le bien et le mal. D'ailleurs, si l'apparition du commandeur reste assez effrayante, la dernière scène tourne presque en ridicule la punition divine à travers une mise en abyme : Don Juan n'est plus qu'une marionnette qui s'effondre dans un minuscule théâtre. Dans Baal, le personnage central est porté et maudit par son génie. Ici, Don Juan en semble dénué, il est même plutôt ridicule quand il enlève son accoutrement de beau perroquet. Mais il reste fascinant, produit extrême et effrayant d'une société bringuebalante. Il n'est que son reflet, dit ce que les gens veulent entendre, séduit si facilement. Il est son reflet oui, déformé et effrayant.

 

Don Juan se joue au théâtre de l'oeuvre jusqu'au 30 avril 2011.

Challenge Tous au théâtre proposé par leiloona.

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Toa de Sacha Guitry au TGP

En ce moment et jusqu'au 17 octobre se joue au Théâtre Gerard Philipe de Saint-Denis la pièce Toa de Sacha Guitry. Elle a été montée par une jeune compagnie La Piccola Familia. Le metteur en scène et acteur principal de la pièce est Thomas Joli que je connais déjà pour l'avoir suivi depuis ses débuts.

Avec cette pièce, je découvre pour la première fois un texte de Sacha Guitry. Découvrir un texte directement au théâtre est toujours un peu dangereux, voir mon expérience malheureuse avec Les Justes de Camus. On découvre à la fois le texte et l'interprétation, on nous donne déjà un sens. Mais quand l'interprétation est bonne, alors le texte prend toute la vie et toute la force qu'il n'aurait pas eue sur le papier. Le texte est ici central, on l'entend d'ailleurs parfaitement malgré la vitesse avec laquelle il est parfois envoyé. La mise en scène est colorée, très stylisée, très travaillée mais les acteurs ne sont pas là pour "jouer" le texte, ils nous envoient les mots et expriment toute leur absurdité et leur poésie.

La pièce s'enroule autour d'un thème principal : la confusion entre théâtre et réalité. Cette confusion est parfaitement rendue par la mise en scène et ce dès la première apparition d'une "présentatrice" devant le rideau qui nous annonce ce qui va être joué. Ce décalage, on le retrouve ensuite dans le premier acte quand les acteurs essaient tant bien que mal de jouer les didascalies lues en voix off. La suite, je ne vous la révèle pas mais j'ai aimé l'évolution du jeu et de la mise en scène à travers les actes qui a su à la fois nous perdre et nous garder. La pièce est rythmée et drôle, les rires fusaient dans la salle et les applaudissement furent chaleureux. Certains effets étaient parfois un peu moins convaincants que d'autres mais on sent tout au long du spectacle l'énergie et l'inventivité de la jeune troupe. Ils nous ont offert et ont partagé avec nous ce texte, une belle découverte pour le public et un beau travail pour les acteurs.

Je vous invite à les découvrir au TGP jusqu'au  17 octobre : rendez-vous sur le site du théâtre pour réserver vos places.

PS : j'ai aussi écrit cette note dans le cadre du challenge Tous au théâtre proposé par Leiloona qui vise à faire partager nos lectures et découvertes de pièces sur nos blogs.

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La Ronde au théâtre de Poche

Sortie théâtre samedi soir, nous allons voir La Ronde d'Arthur Schnitzler au théâtre de Poche à Montparnasse.  J'avais déjà entendu parler de la pièce mais ne l'avais jamais vue. Le principe est assez spécial : c'est une suite de dix scènes de couples où, dans chaque nouvelle scène, un seul des participants est repris avec une nouvelle personne. Ainsi on a : la fille et le soldat, le soldat et la femme de chambre, la femme de chambre et le jeune monsieur, le  jeune monsieur et la femme mariée, la femme mariée et l'époux, l'époux et la grisette, la grisette et le poète, le poète et l'actrice, l'actrice et le comte, le comte et la fille... Toutes les scènes sont construites selon le même schéma : une phase de séduction, puis les deux protagonistes couchent ensemble, et enfin, leurs réactions post-coïtales.  Une façon pour l'auteur de décrire à sa manière les relations homme-femme dans cette société viennoise du début du XX ème siècle.

Le risque d'une telle pièce, qui reste assez longue, est de se faire happer par un rythme trop régulier et quelque peu lassant. Mais ici, une mise en scène enjouée et de très bons acteurs permettent de conserver toute la fraicheur et l'humour nécessaire. Beaucoup d'inventivité dans la succession des duos pour les rendre chacun uniques et intéressants. La troupe a su utiliser à son avantage le tout petit théâtre de Poche en créant plusieurs niveaux sur la scène, enchainant les décors et univers très naturellement (et rapidement !). Chaque personnage prend vie, chaque réplique est travaillée, chaque scène semble un petit morceau de vie plein de loufoquerie et de justesse.

Une très bonne soirée en tout cas ! La pièce se joue donc au théâtre de Poche de Montparnasse jusqu'au 26 juin, allez-y !

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