Tenerife 2

Week-end à Tenerife. Nous laissons tous les deux le travail de côté pour découvrir l'île. Tenerife est un gros volcan posé au milieu de l'océan. Les rues sont toujours en pente et en quelques kilomètres, on prend plusieurs centaines de mètres d'altitude. C'est ce que nous faisons aujourd'hui. En voiture, nous partons vers le cœur d' l'île : le mont Teide. Nous sommes au large du Maroc et c'est ici le point culminant d'Espagne. Depuis la côte, il apparaît souvent couvert de nuages dégageant parfois sa petite pointe brune sur le ciel.

Près de la mer, la végétation est méditerranéenne. Nous sommes au printemps et tout est fleuri. Les bougainvilliers remplissent les rues de leurs fleurs roses et les chemins sont bordés de tamaris et de palmiers. La route monte et nous changeons d'univers, nous roulons au milieu d'une forêt de montagne. Au pied des pins, déjà la terre est rouge. Ce matin, le ciel est nuageux et nous sommes dans la brume. Mais d'un seul coup : le soleil, le bleu et la crête pelée d'El Teide, nous sommes passés au dessus des nuages. En contre-bas, on devine à peine la ville et la mer sous leur manteau cotonneux.

Plus haut, le paysage change de nouveau. La végétation diminue, il n'y a plus que des petits buissons et des herbes sèches. Et aussi d'étranges buissons pointus aux fleurs rouge : une plante qu'on ne trouve qu'ici. Bientôt, on se croirait au milieu d'un désert. Ça pourrait rappeler l'Islande, ou le Nevada que je n'ai jamais vu mais que j'imagine ressemblant à ça. Nous nous arrêtons un moment et marchons un peu dans les cailloux. La température est beaucoup plus fraîche que sur la côte et les vestes ne sont pas de trop. Nous continuons à travers ce monde minéral jusqu'au pied du téléphérique. Nous sommes déjà à plus de 2000 mètres d'altitude et le téléphérique nous conduira presque jusqu'au sommet.

La cabine grimpe sur le flanc sec et rouge de la montagne. Petit à petit, la vue se dégage et nous flottons dans les nuages. Nous ne pouvons pas prendre la route du cratère qui demande une autorisation particulière. Mais même sans monter les quelques centaines de mètres qui nous séparent du sommet, on se sent déjà bien haut. Depuis le bas du téléphérique, on a encore perdu quelques degrés. Une légère pression dans la tête, un souffle un peu court nous rappellent que nous sommes en altitude.  Nous prenons un petit chemin qui forme une promenade facile pour les touristes paresseux que nous sommes. A cette hauteur, toute la végétation semble avoir disparu. Entre les cailloux, la seule trace de vie vient des gros lézards noirs qui courent sur les pierres. De quoi se nourrissent-ils ? Bien que minéral, le paysage n'est pas monotone. La roche prend des teintes ocres, jaunes et noires et semble dessiner des formes étranges. Le chemin se découpe comme une petite langue entre le flanc escarpé de la montagne et ciel d'un bleu éblouissant. Au bout de la promenade : une vue magnifique sur l'île. La mer se confond avec les nuages. Devant nous : le cratère rouge d'un volcan et sur l'horizon, les silhouettes fantomatiques des autres îles. Nous repartons à travers les cailloux, redescendons le téléphérique, déjà la température remonte. Difficile de croire que dans quelques kilomètres, nous aurons quitté cet étrange désert et serons de retour que la côte tranquille de Puerto de la Cruz.

Et pourtant, nous traversons la forêt de conifères et nous rapprochons doucement du niveau de la mer. Nous voudrions aller à la plage mais à peine sommes-nous garés à Puerto de la Cruz que nous recevons un message de collègues de Sébastien : ils sont dans un café et nous proposent de les rejoindre. De toutes façons, il y a des nuages, nous irons à la plage une autre fois. Le café est en dehors de la ville. Il surplombe la mer et la vue est tout simplement magnifique. On prend du chocolat chaud et des tartes aux pomme (c'est un café autrichien, tout à fait d'actualité en ce qui me concerne). Le soir, nous mangerons dans un bar à tapas au dessus de la ville. Les distances à Tenerife se calculent surtout à la verticale et nous sommes à une centaine de mètres du centre. De nuit, les grandes tours de Puerto de la Cruz sont moins laides sous leurs néons clinquants et avec le bruit lointain de l'océan et le parfum de fleurs et d'embruns, la ville retrouve son charme oublié.

Dimanche, cette fois, nous allons à la plage. Nos amis hier nous ont indiqué un endroit que l'on pouvait atteindre à pied depuis l'hôtel et qui sera plus agréable que les plages à touristes de la ville. Nous logeons à la frontière de Puerto de la Cruz. Après notre hôtel, il y a une route et puis... rien. Les constructions se sont arrêtées, le paysage semble se continuer en un terrain vague, longue plaine où poussent de hautes herbes desséchées. Le chemin descend lentement puis longe la falaise noire en bas de laquelle claque la mer en grosses vagues.  Au bout de 20 minutes environ, la plage apparaît comme un magnifique écrin. Elle est à la fois sauvage et accueillante, on y descend le long d'un escalier qui serpente doucement dans les rochers. Le sable couleur de cendres nous rappelle le volcan qui nous domine au loin. Les buissons font des taches jaunes vives sur la roche sombre et on se croirait dans une aquarelle. Nous plongeons dans les vagues. L'eau semble fraîche au départ mais n'est pas vraiment froide et c'est un vrai plaisir que de se laisser porter par les rouleaux. Aujourd'hui, ils sont parfaitement inoffensifs, juste assez forts pour nous amuser. Après la baignade, on se laisse sécher au soleil (ce qui me vaudra quelques brûlures malgré mes précautions). Je crois que pourrai rester des heures à ne rien faire, à profiter simplement du plaisir d'être étendue ici.

Au bout d'un certain temps, nous décidons tout de même de repartir. Nous remontons la falaise et continuons le chemin de la côte. La route commençait plutôt bien mais voilà qu'après un petit passage sous une allée de tamaris, on ne sait plus trop où aller. Il y a un escalier qui descend et on pense qu'il rejoint la seconde plage, nous le suivons donc. En fait, plus nous avançons, plus la route devient hasardeuse, visiblement non entretenue et même abandonnée. En fait, ça irait tout à fait si je n'avais pas un problème stupide : je n'ai pas les bonnes chaussures. Les petites sandales que j'avais prévues pour ce genre de balades m'ont fait des terribles ampoules et je ne peux plus les mettre. Les chaussures que j'ai aujourd'hui ont des talons et ne sont pas du tout adaptées à ces escaliers pleins de petits cailloux glissants.

Arrivés en bas, tant bien que mal, il n'y a pas de plage : juste des cailloux et des rochers, et la mer. On peut remonter par le même chemin pas très attrayant ou traverser les petits rochers et rejoindre ce qui semble être la "route normale" de l'autre côté. C'est ce que nous décidons de faire. Ça demande un peu d'escalade et surtout que je retire mes chaussures. J'ai emprunté les chaussettes de Seb (ce qui ne me donne pas un air très malin) mais même comme ça, la pierre volcanique reste douloureuse sous le pied. Je m'accroche beaucoup avec mes mains et mes paumes deviennent vite écorchées elles aussi. Dans mon sac, traîne une petite paire de gant et Seb se moque de moi quand je me décide à les mettre. Nous avons finalement rejoint l'autre plage. La baignade dans l'océan est un doux réconfort. Pour remonter, nous sommes cette fois sur un chemin normal et il n'y a plus besoin d'escalader et de glisser sur les cailloux et la poussière. Je suis un peu fatiguée par les acrobatie, mes pieds sont douloureux et je marche encore plus lentement que mon rythme habituel. Pour couronner le tout, je n'ai pas de chapeau et le soleil tape plus fort que d'habitude. Vu ma compatibilité avec le soleil, j'ai toujours un chapeau dès que je dois faire trois pas sous un vague rayon. Mais dans la grisaille parisienne et mes pensées plus au travail qu'aux vacances, je l'ai oublié ! Au moment de la grande remontée vers l'hôtel, je suis vraiment épuisée. Je pourrais juste me reposer un moment mais Seb propose de rentrer seul et de venir me chercher en voiture, je ne mets pas longtemps à accepter. Assise sur un banc, j'ai protégé ma tête avec la serviette et me suis recouverte de crème solaire. Devant moi, des fleurs, et après, la mer. Je retombe dans la douce torpeur de la plage et me laisse somnoler dans la chaleur.

De retour à l'hôtel, on se rafraichis à la piscine et profitons de ce début de soirée. Puis nous descendons en ville où nous mangeons des tapas sur une petite place. Quand les serveurs parlent en espagnol et pas en allemand ou en anglais, c'est bon signe ! Le week-end est terminé et avec lui, nos explorations. Il nous reste encore deux jours à Tenerife que je passe à travailler à l'hôtel selon mes habitudes si vites attrapées. Le soir, on sort encore un peu à Puerto de la Cruz ou à Orotava, la ville juste un peu plus haut sur la montagne. Le mercredi, nous profitons une dernière fois de la piscine avant de traverser l'île pour retourner à l'aéroport. C'est l'occasion de voir la côté sud, beaucoup plus sèche, presque désertique. Puis nous quittons le soleil et retournons sous les nuages de Paris...

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Tenerife 1

C'est dans des conditions un peu particulières que je me rends pour la première fois à Tenerife. En fait, je ne devrais pas prendre de vacances en ce moment. Je suis en pleine période de rédaction de thèse et j'ai assez peu de temps pour autre chose. Mais c'est justement ce qui m'a donné envie de partir. Il se trouve que Sébastien a des raisons professionnelles de se rendre à Tenerife. Pourquoi ne pas y aller avec lui ? L'hôtel est payé, Sébastien travaillera toute la journée. Un luxueux hôtel avec piscine n'est certes pas l'endroit le plus désagréable pour écrire une thèse... Nous voilà donc, décollant au milieu des vacanciers dans un vol plein d'enfants hurlants. Il est tard quand nous arrivons à Tenerife et, depuis l'aéroport sud, il faut traverser l'île pour rejoindre Puerto de la Cruz où nous séjournons. Le temps est légèrement nuageux mais il règne une douceur agréable pour nous qui venons de Paris.  La chambre est spacieuse, elle donne dans une jolie cour fleurie. De belles promesses pour la semaine à venir.

Comme prévu, l'hôtel est tout à fait agréable. J'ai séjourné dans pas mal d'endroits différents mais je choisis rarement les options les plus luxueuses.  A chaque fois que j'étais dans des hôtels légèrement hauts de gammes, ils avaient toujours un aspect quelque peu fané et décrépi. Ce n'est pas le cas ici. Tout semble lisse, propre, neuf : les dalles parfaites de la chambre, les patios brillants et lumineux, le personnel toujours d'une politesse sans faille. Ce n'est pourtant pas l'endroit que je choisirais si je devais partir en vacances. Je me sens dans un monde parallèle, il manque un peu d'authenticité à ce paradis. Les autres touristes qui séjournent ici sont presque tous allemand. A tel point, que l'ensemble du personnel parle couramment l'allemand, et souvent mieux que l'anglais. A plusieurs reprises, on me répond en allemand à des questions en anglais.

Mes journées à l'hôtel varient peu. C'est comme un agréable cocon dans lequel je me fonds sans peine. Le matin, je profite de petit-déjeuner gargantuesque.  Dans la grande salle (pleine d'allemands), le buffet s'étend en fromage frais, charcuterie, céréales, pains, oeufs et crèpes, fruits, compotes et confitures...  Souvent, on s'installe dans la petite véranda depuis laquelle on voit la mer au loin et la montagne. Ensuite, Sébastien part travailler. Moi, je vais me baigner. Il fait encore un peu frais le matin alors je choisis la piscine intérieure. A cette heure de la journée, elle est entièrement vide. Le bassin est petit mais assez grand pour moi, il est entouré de dizaine de chaises  longues qui attendent des invités absents. Je fais des longueurs dans le silence, j'ai l'impression d'être dans une immense salle de bain qui m'est réservée. Après ça, je vais me sécher dans le sauna, vide lui aussi. Puis je rentre à la chambre. La femme de ménage choisit souvent ce moment précis pour venir. Alors, je m'installe sur le balcon dans le peignoir douillet et lit quelques pages d'un roman. Aux environs de 11h, toujours sur le balcon, j'allume mon ordinateur pour travailler.

Plus tard dans la journée, malgré le petit déjeuner (je ne me goinfre pas tous les matins), je commence à avoir faim. Je prends alors toutes mes affaires de travail ainsi que ma crème solaire et je pars en maillot de bain et robe de plage vers la piscine. Elle est au centre de l'hôtel, entourée d'arbres et de fleurs. Je m'installe au snack-bar où je prends un plat léger. L'hôtel est raffiné : dans la carte, on trouve du gaspacho et du melon con jambon en plus des hamburgers et saucisses allemandes indispensables à la clientèle.  Après ça, je m'installe sur une chaise longue, à l'ombre, l'ordinateur sur les genoux et continue ma journée de travail. Si l'envie m'en prend, je peux commander une boisson fraiche (un milkshake au chocolat par exemple)  que les serveuses viendront m'apporter au bord de la piscine. Quand j'atteinds les limites de ma batterie d'ordinateur j'en profite souvent pour aller faire un tour dans l'eau. Une fois rafraichie, je sors et m'installe dans le loby où je peux brancher mon portable et m'enfoncer dans un fauteuil en attendant le retour de Sébastien. C'est un hôtel de vieux et non de jeunes, on le sait à musique : tout est calme ici, rien de tonitruant. Dans le loby, se déversent les versions instrumentales sans intérêt de quelques chansons connues.

Voilà donc mon quotidien dans ce monde coupé du monde. Heureusement, en dehors de ces douces journées il me reste un peu de temps pour découvrir l'île. L'hôtel lui-même est dans une ville qui m'a paru tout à fait affreuse au premier abord : Puerto de la Cruz. Nous sommes un peu en retrait du centre ville : autour de nous, d'autres hôtels tous plus hideux les uns que les autres (le notre fait dans la sobriété ce qui lui réussit), on se croirait à Disneyland. Vers le centre, ça ne s'améliore pas. On y trouve des constructions plus anciennes qui datent des premières vagues de tourismes de masse dans les années 60 : immense tours qui détruisent le paysage, le tout au milieu d'une circulation tout à fait chaotique. Derrière ces pustules et les flots touristiques, difficile de trouver le charme de la ville. Et pourtant, les derniers soirs je découvrirai que derrière ces horreurs se cachent quelques jolies rues à l'ancienne. Il y a même une magnifique petite église. Sur les places bruyantes, on trouve alors des terrasses et en cherchant un peu, des très bons bar à Tapas. En fait, la ville fait des efforts pour s'améliorer. Les nouvelles constructions sont interdites et les anciennes tour détruites petit à petit. Il y a encore quelques absurdités  (au lieu du bord de mer, on trouve un grand mur derrière lequel se cache un parking sauvage) mais petit à petit les choses s'améliorent. On ne peut qu'apprécier cette volonté même s'il faudra sans doute des dizaines d'années pour panser les plaies des excès passés.

Nous ne passons que peu de soirées à Puerto de la Cruz. Le premier soir, nous fuyons ses néons et prenons au hasard la route du sud. L'autoroute se termine et nous voilà roulant entre la montagne et la mer. Nous sortons vers un petit village dont nous ne savons rien mais qui a l'air joli. Quel changement ! La ville est juste à côté et on se croirait dans un autre monde. Il n'y a aucun touristes, d'ailleurs les rues sont vides. Ce sont des petites rues en pente. Le village semble perché sur son rocher au dessus de la mer. Les maisons sont peintes en couleurs vives, le soleil perce les nuages et vient illuminer l'église dont le clocher sombre en pierre volcanique grimpe vers le ciel. Nous prenons plaisir à simplement nous promener. Nous cherchons un restaurant et demandons notre chemin. L'homme qui nous répond nous parle en espagnol et bien que visiblement, nous ayons du mal à comprendre, il ne tentera pas une autre langue (on est loin des polyglottes de la ville voisine). Nous arrivons miraculeusement à suivre ses indications : il faut reprendre la voiture et tourner à gauche avant la route. Nous descendons alors vers un hameau en bord de mer. Plusieurs restaurants nous y attendent. Nous nous installons sur une terrasse où on nous sert une paella (de légumes, désolée pour Seb). Les vagues sombres de l'océan viennent se briser sur les rochers et réveillent en moi, citadine endurcie, le désir de la nature sauvage.

Le second soir nous montons vers le nord pour visiter La Laguna dans l'intérieur de l'île. La ville est connue pour son université, elle est dans la continué de la ville principale Santa de la Cruz et semble agréablement animée. Le centre ville est fait de rues piétonnes au sol dallé de pierres noires volcaniques et bordées de maisons colorées. Il faut se méfier des changement de température à Tenerife : nous sommes en altitude et il fait d'un seul coup beaucoup plus froid qu'à Puerto de la Cruz. Un vent glacé me souffle dessus et malgré mon pull, je suis complètement frigorifiée. A cause du froid, nous ne pouvons pas pleinement profiter de l'endroit. Nous mangeons des tapas dans un bar et repartons rapidement vers la voiture. J'ai tout de même le temps d'apprécier l'atmosphère pleine de boutiques et de petits cafés. Si je devais vivre à Tenerife, je préfèrerais m'installer ici plutôt que là nous logeons.

C'est vendredi soir. Le week-end arrive et avec lui l'occasion de visiter un peu plus. Je vais quitter le petit paradis de l'hôtel et partir à la découverte de l'île.

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