Week-end à Tenerife. Nous laissons tous les deux le travail de côté pour découvrir l'île. Tenerife est un gros volcan posé au milieu de l'océan. Les rues sont toujours en pente et en quelques kilomètres, on prend plusieurs centaines de mètres d'altitude. C'est ce que nous faisons aujourd'hui. En voiture, nous partons vers le cœur d' l'île : le mont Teide. Nous sommes au large du Maroc et c'est ici le point culminant d'Espagne. Depuis la côte, il apparaît souvent couvert de nuages dégageant parfois sa petite pointe brune sur le ciel.

Près de la mer, la végétation est méditerranéenne. Nous sommes au printemps et tout est fleuri. Les bougainvilliers remplissent les rues de leurs fleurs roses et les chemins sont bordés de tamaris et de palmiers. La route monte et nous changeons d'univers, nous roulons au milieu d'une forêt de montagne. Au pied des pins, déjà la terre est rouge. Ce matin, le ciel est nuageux et nous sommes dans la brume. Mais d'un seul coup : le soleil, le bleu et la crête pelée d'El Teide, nous sommes passés au dessus des nuages. En contre-bas, on devine à peine la ville et la mer sous leur manteau cotonneux.

Plus haut, le paysage change de nouveau. La végétation diminue, il n'y a plus que des petits buissons et des herbes sèches. Et aussi d'étranges buissons pointus aux fleurs rouge : une plante qu'on ne trouve qu'ici. Bientôt, on se croirait au milieu d'un désert. Ça pourrait rappeler l'Islande, ou le Nevada que je n'ai jamais vu mais que j'imagine ressemblant à ça. Nous nous arrêtons un moment et marchons un peu dans les cailloux. La température est beaucoup plus fraîche que sur la côte et les vestes ne sont pas de trop. Nous continuons à travers ce monde minéral jusqu'au pied du téléphérique. Nous sommes déjà à plus de 2000 mètres d'altitude et le téléphérique nous conduira presque jusqu'au sommet.

La cabine grimpe sur le flanc sec et rouge de la montagne. Petit à petit, la vue se dégage et nous flottons dans les nuages. Nous ne pouvons pas prendre la route du cratère qui demande une autorisation particulière. Mais même sans monter les quelques centaines de mètres qui nous séparent du sommet, on se sent déjà bien haut. Depuis le bas du téléphérique, on a encore perdu quelques degrés. Une légère pression dans la tête, un souffle un peu court nous rappellent que nous sommes en altitude.  Nous prenons un petit chemin qui forme une promenade facile pour les touristes paresseux que nous sommes. A cette hauteur, toute la végétation semble avoir disparu. Entre les cailloux, la seule trace de vie vient des gros lézards noirs qui courent sur les pierres. De quoi se nourrissent-ils ? Bien que minéral, le paysage n'est pas monotone. La roche prend des teintes ocres, jaunes et noires et semble dessiner des formes étranges. Le chemin se découpe comme une petite langue entre le flanc escarpé de la montagne et ciel d'un bleu éblouissant. Au bout de la promenade : une vue magnifique sur l'île. La mer se confond avec les nuages. Devant nous : le cratère rouge d'un volcan et sur l'horizon, les silhouettes fantomatiques des autres îles. Nous repartons à travers les cailloux, redescendons le téléphérique, déjà la température remonte. Difficile de croire que dans quelques kilomètres, nous aurons quitté cet étrange désert et serons de retour que la côte tranquille de Puerto de la Cruz.

Et pourtant, nous traversons la forêt de conifères et nous rapprochons doucement du niveau de la mer. Nous voudrions aller à la plage mais à peine sommes-nous garés à Puerto de la Cruz que nous recevons un message de collègues de Sébastien : ils sont dans un café et nous proposent de les rejoindre. De toutes façons, il y a des nuages, nous irons à la plage une autre fois. Le café est en dehors de la ville. Il surplombe la mer et la vue est tout simplement magnifique. On prend du chocolat chaud et des tartes aux pomme (c'est un café autrichien, tout à fait d'actualité en ce qui me concerne). Le soir, nous mangerons dans un bar à tapas au dessus de la ville. Les distances à Tenerife se calculent surtout à la verticale et nous sommes à une centaine de mètres du centre. De nuit, les grandes tours de Puerto de la Cruz sont moins laides sous leurs néons clinquants et avec le bruit lointain de l'océan et le parfum de fleurs et d'embruns, la ville retrouve son charme oublié.

Dimanche, cette fois, nous allons à la plage. Nos amis hier nous ont indiqué un endroit que l'on pouvait atteindre à pied depuis l'hôtel et qui sera plus agréable que les plages à touristes de la ville. Nous logeons à la frontière de Puerto de la Cruz. Après notre hôtel, il y a une route et puis... rien. Les constructions se sont arrêtées, le paysage semble se continuer en un terrain vague, longue plaine où poussent de hautes herbes desséchées. Le chemin descend lentement puis longe la falaise noire en bas de laquelle claque la mer en grosses vagues.  Au bout de 20 minutes environ, la plage apparaît comme un magnifique écrin. Elle est à la fois sauvage et accueillante, on y descend le long d'un escalier qui serpente doucement dans les rochers. Le sable couleur de cendres nous rappelle le volcan qui nous domine au loin. Les buissons font des taches jaunes vives sur la roche sombre et on se croirait dans une aquarelle. Nous plongeons dans les vagues. L'eau semble fraîche au départ mais n'est pas vraiment froide et c'est un vrai plaisir que de se laisser porter par les rouleaux. Aujourd'hui, ils sont parfaitement inoffensifs, juste assez forts pour nous amuser. Après la baignade, on se laisse sécher au soleil (ce qui me vaudra quelques brûlures malgré mes précautions). Je crois que pourrai rester des heures à ne rien faire, à profiter simplement du plaisir d'être étendue ici.

Au bout d'un certain temps, nous décidons tout de même de repartir. Nous remontons la falaise et continuons le chemin de la côte. La route commençait plutôt bien mais voilà qu'après un petit passage sous une allée de tamaris, on ne sait plus trop où aller. Il y a un escalier qui descend et on pense qu'il rejoint la seconde plage, nous le suivons donc. En fait, plus nous avançons, plus la route devient hasardeuse, visiblement non entretenue et même abandonnée. En fait, ça irait tout à fait si je n'avais pas un problème stupide : je n'ai pas les bonnes chaussures. Les petites sandales que j'avais prévues pour ce genre de balades m'ont fait des terribles ampoules et je ne peux plus les mettre. Les chaussures que j'ai aujourd'hui ont des talons et ne sont pas du tout adaptées à ces escaliers pleins de petits cailloux glissants.

Arrivés en bas, tant bien que mal, il n'y a pas de plage : juste des cailloux et des rochers, et la mer. On peut remonter par le même chemin pas très attrayant ou traverser les petits rochers et rejoindre ce qui semble être la "route normale" de l'autre côté. C'est ce que nous décidons de faire. Ça demande un peu d'escalade et surtout que je retire mes chaussures. J'ai emprunté les chaussettes de Seb (ce qui ne me donne pas un air très malin) mais même comme ça, la pierre volcanique reste douloureuse sous le pied. Je m'accroche beaucoup avec mes mains et mes paumes deviennent vite écorchées elles aussi. Dans mon sac, traîne une petite paire de gant et Seb se moque de moi quand je me décide à les mettre. Nous avons finalement rejoint l'autre plage. La baignade dans l'océan est un doux réconfort. Pour remonter, nous sommes cette fois sur un chemin normal et il n'y a plus besoin d'escalader et de glisser sur les cailloux et la poussière. Je suis un peu fatiguée par les acrobatie, mes pieds sont douloureux et je marche encore plus lentement que mon rythme habituel. Pour couronner le tout, je n'ai pas de chapeau et le soleil tape plus fort que d'habitude. Vu ma compatibilité avec le soleil, j'ai toujours un chapeau dès que je dois faire trois pas sous un vague rayon. Mais dans la grisaille parisienne et mes pensées plus au travail qu'aux vacances, je l'ai oublié ! Au moment de la grande remontée vers l'hôtel, je suis vraiment épuisée. Je pourrais juste me reposer un moment mais Seb propose de rentrer seul et de venir me chercher en voiture, je ne mets pas longtemps à accepter. Assise sur un banc, j'ai protégé ma tête avec la serviette et me suis recouverte de crème solaire. Devant moi, des fleurs, et après, la mer. Je retombe dans la douce torpeur de la plage et me laisse somnoler dans la chaleur.

De retour à l'hôtel, on se rafraichis à la piscine et profitons de ce début de soirée. Puis nous descendons en ville où nous mangeons des tapas sur une petite place. Quand les serveurs parlent en espagnol et pas en allemand ou en anglais, c'est bon signe ! Le week-end est terminé et avec lui, nos explorations. Il nous reste encore deux jours à Tenerife que je passe à travailler à l'hôtel selon mes habitudes si vites attrapées. Le soir, on sort encore un peu à Puerto de la Cruz ou à Orotava, la ville juste un peu plus haut sur la montagne. Le mercredi, nous profitons une dernière fois de la piscine avant de traverser l'île pour retourner à l'aéroport. C'est l'occasion de voir la côté sud, beaucoup plus sèche, presque désertique. Puis nous quittons le soleil et retournons sous les nuages de Paris...