Samedi, nous avons la voiture et partons pour un tour de l'île. Première étape, quitter la place de parking car la voiture ne veut pas démarrer. Il faudra de longues minutes et beaucoup de patience pour qu'elle se décide à partir. Nous roulons jusqu'à Midoun à l'est. Nous marchons dans les rues à la recherche d'un ami de Roger qui tient un magasin d'informatique. Au bout d'un certain temps, nous trouvons sa petite boutique qui est en fait un cyber café. Elle lui assure un revenu complémentaire à celui de son métier de prof d'informatique au lycée. Nous buvons le thé avec lui dans un petit café. Je lui demande ce qu'il enseigne car nous faisons un peu le même métier. Puis très gentiment, il nous accompagne en voiture visiter une petite mosquée à l'entrée de la ville, la mosquée Fadhloun. C'est une très jolie bâtisse entièrement blanche, construite au XIVeme siècle. C'est en fait plus qu'une mosquée, ce serait plus l'équivalent d'un monastère car on y trouve des chambres, des cuisines etc. On peut tout visiter sauf la salle de prière à proprement dite. Quand on est dans la cour du bâtiment, le soleil illumine les murs et le sol blancs à en devenir éblouissant. On a l'impression de marcher dans la lumière elle même. Quand on sort d'une petite salle sombre, on doit fermer les yeux même avec des lunettes de soleil.

Nous quittons ce lieux paisible et retournons vers la vivante Midoun. L'ami de Roger nous dépose à la voiture mais nous ne partons pas tout de suite, décidant, frappés de folie, d'aller rapidement voir le souk. Le souk est un endroit redoutable. On pense n'avoir besoin de rien, on ne veut rien acheter et marcher droit devant. Mais voilà comment le piège se referme : Sébastien décide de s'acheter des lunettes de soleil, il s'arrête au comptoir et je l'attends. Mes yeux, tout naturellement flânent sur les étals alentours. Mais le vendeur est habile, il repère la moindre hésitation dans mon mouvement, la moindre étincelle d'intérêt dans mon regard. A peine a-t-il fini de négocier les lunettes avec Seb qu'il nous entraine dans sa boutique "juste pour regarder". Je voudrais sortir immédiatement mais Seb demande innocemment le prix d'une chicha "juste pour savoir". C'est tout à fait impossible, car si l'on demande un prix, c'est déjà un début de négociation et c'est déjà le début d'un achat. Alors qu'il marchande le prix de la chicha, le vendeur arrive à me pousser dans une pièce où sont présentées des tuniques. Il faut dire que ces tuniques tunisienne en coton léger, à manche longue et joliment brodées me vont parfaitement et sont très pratiques. J'en ai déjà acheté deux à Tatouine : une blanche et une noire, et depuis, je ne porte plus que ça. Il m'en présente une bleue, puis une rouge car si j'en prends deux, ça sera moins cher. Enfin, maman qui nous cherchait entre pour nous retrouver et nous voilà très vite avec trois tuniques. On repart avec, plus la chicha que Seb prend finalement vu le prix dérisoire qu'il nous fait maintenant qu'on a acheté les tuniques. Une fois sortis, on file vers la voiture, évitant toute nouvelle tentation.

Nous passons dans la zone touristiques. Les hôtels s'enchainent séparés par des rues proprettes, on se croirait dans un autre pays. Nous nous arrêtons près du club med. C'est le premier club touristique à s'être installé sur l'île en 1954. Trigano avait repéré l'endroit grâce à un ami à lui dont le père tenait un petit hôtel. Au départ, ça n'a été que des tentes et les touristes arrivaient en hydravion. A présent, les hôtels s'étendent sur toute la côte est de l'île et même au delà jusqu'au continent. Entre deux grands complexes, nous prenons un petit chemin crasseux en sable qui nous mène à la plage où l'on peut voir des ruines phéniciennes. La mer vient se briser sur les rochers noirs où le port se trouvait. Autour de nous, les plages des clubs touristiques, vides. C'est étrange d'être seul au club med !

Nous descendons vers le sud, s'arrêtant quelques minutes devant la chaussée romaine qui relie l'île au continent. Puis nous rejoignons la ville de Guellala sur la côte sud. A la périphérie, sur une une petite colline, se trouve le musée des traditions tunisiennes. C'est le point culminant de l'île qui est par ailleurs entièrement plate. De là haut, on a une magnifique vue sur la petite ville et la mer au delà. Nous mangeons des crêpes au café du musée, ils ont mis du thon dans la mienne ce qui m'empêche d'en manger la moitié. Mais nous sommes installés au soleil, un léger vent dans le dos et la vue splendide devant nous, donc rien n'est bien grave. Nous visitons le musée en question dont le charme vient surtout de son joli arrangement de petits jardins intérieurs, entourés d'arches et fleuris de bougainvilliers. Dans les salles, on voit des reproduction de scènes quotidiennes avec mannequins et costumes traditionnels. Il y a de nombreuses explications et il se visite très agréablement. On voit même une ancienne presse à huile qui tourne poussée par un dromadaire. Nous prenons des jus de fruit à la buvette du musée, entre deux jardins fleuris.

Nous repartons vers l'ouest et rejoignons la jolie ville d'Ajim d'où partent les bacs vers le continent. Ce qui fait la beauté de Djerba, c'est cette unité architecturale que l'on trouve partout. Toutes les maisons, anciennes ou récentes, ont la même jolie forme pleine d'arcades et de coupoles. Elles sont toutes blanches et leurs décorations, volets, ou portes sont d'un même bleu turquoise. Nous marchons le long de la Marina qui devrait être très touristique mais est aujourd'hui entièrement vide. Nous espérions trouver une  plage mais il nous faut reprendre la voiture et remonter la côte ouest jusqu'aux petites criques que nous avions vues la veille. L'eau si calme et transparence, elle nous parait  très froide et nous restons pas longtemps. La plage est très jolie, sauvage et isolée, dommage qu'elle soit tout de même assez sale et souillée de bouteilles plastiques et déchets épars.

De retour chez nous, nous nous préparons pour ce soir où nous allons dîner chez la famille que nous avons invité hier. L'homme nous reçoit à nouveau téléphone portable à l'oreille. La femme a préparé un délicieux dîner, plusieurs plats : des lasagnes, de la viande sautées avec des légumes, un ragouts épicé de petits pois, plus diverses salades. Elle nous sert une délicieuse citronnade faite maison et des petits gâteux au miel. Les enfants sont là, ainsi que le jeune frère du mari qui a fait des études d'informatique mais travaille maintenant dans une agence de voyage. La soirée se passe très agréablement, il est toujours intéressant de discuter avec les gens du pays de la situation actuelle. Ben Ali n'a pas l'air très regretté même chez les Djerbiens qui sont pourtant assez conformistes et, malgré l'inquiétude sur le sort du pays, l'ambiance est plutôt à l'optimisme et à l'espoir.

Nous ne rentrons pas trop tard, demain, nous voulons partir relativement tôt car nous retournons sur le continent pour visiter Sphax.