Je voudrais revenir une dernière fois sur ce voyage car dans mon récit journalier, je n'ai presque pas parlé de la situation actuelle. En effet, certains s'inquiétaient de nous voir partir dans un pays qui venait tout juste de vivre une révolution et situé à quelques centaines de kilomètres d'un pays en guerre. Si je n'en ai pas beaucoup parlé, c'est que nous n'avions jamais rien à craindre et qu'un touriste distrait aurait pu ne rien remarquer. Bon, il aurait fallu être très distrait. La première conséquence visible de la révolution était le manque flagrant de touristes. C'est vrai que nous étions hors saison, mais tout de même ! Ensuite, évidemment, il y avait les tags sur les murs "Enfin libres", "Vive la Tunisie", ou quand le graffiti reprend toute sa beauté.  Et puis surtout il y avait le dialogue avec les tunisiens. Je n'ai pas connu la Tunisie d'avant, je ne peux donc pas comparer, mais j'ai trouvé les tunisiens extrêmement ouverts et sympathiques. On sentait le plaisir qu'ils avaient à exprimer ouvertement ce qu'ils pensaient sans craindre que la police ne vienne les arrêter. Nous étions à Djerba où la population est plutôt conservatrice et pas très révolutionnaire mais nous n'avons jamais rencontré de nostalgique de Ben Ali. Même quand nous discutions avec des vendeurs du souk qui souffraient en première place du manque de touristes, ils nous disaient : "Ca va, les touristes vont revenir, c'est mieux maintenant". Et tous nous disaient clairement leur mépris pour Ben Ali et la pression qu'ils vivaient au quotidien sous son régime. Voilà la phrase culte "d'Abdul c'est cool", notre chauffeur de taxi : "Je suis allé en France en janvier, deux semaines après, je reviens, il était parti ce salopard !". Donc je le répète, aucun sentiment anti français, aucune antipathie , au contraire : un accueil chaleureux partout, une ambiance décontractée et agréable, un sentiment de sécurité.

Quant à la Libye voisine, on ne peut pas dire qu'elle ait dérangé en quoi que ce soit notre séjour. 300km entre Djerba et Tripoli, mais 300km qui changent tout : la frontière entre la guerre et la paix. Contrairement à ce qu'on a pu lire, l'île n'est pas du tout envahie par les réfugiés. Ils sont dans des camps que nous n'avons pas vu, plus au sud, près de la frontière. Nous avons entendu parler de touristes à la curiosité mal placée qui souhaitaient "visiter" les camps de réfugiés mais nous avons aussi entendu parler de touristes qui ont loué des voitures, acheté des vêtements et de la nourriture pour aller eux mêmes aider les réfugiés plutôt que de suivre le programme "club med" qui leur était proposé. Marquons aussi la solidarité dont ont fait preuve les tunisiens : alors que leur pays est dans une situation difficile, encore instable, ils ont accueilli les réfugiés libyens et les ont pris en charge. Ils ont organisés leur départ par milliers à travers leurs petits aéroports. Beaucoup de tunisiens se sont portés volontaires pour leur venir en aide, prêts à les accueillir chez eux. Le couple de tunisien qui nous a loué la voiture fait partie de ceux là : la femme a cuisiné avec sa classe et a distribué la nourriture aux réfugiés avec l'aide de son mari et d'amis à eux. A côtés d'eux, la France et l'Italie qui se disputent pour les quelques tunisiens qui ont choisi l'exil comme s'ils allaient mettre en ruines leurs pays ont l'air bien ridicules. Nous n'avons vu des réfugiés que le jour de notre départ à l'aéroport. Ce devait être des africains rentrant dans leur pays, ils attendaient assis dans le hall avec tous leurs bagages : la fin du périple est proche. Mais cela ne troublait pas l'ordre général : les choses étaient organisées très loin du chaos qu'on pouvait craindre.

Donc, pour conclure : allez en Tunisie ! N'ayez pas peur ! S'il reste des troubles, ils sont circonscrits aux régions du centre qui ne sont de toutes façons pas touristiques. Tunis vient d'accueillir la fashion week, Djerba vous offre ses plages magnifiques, la Tunisie est la même qu'avant mais en mieux, elle a besoin du retour des touristes pour faire repartir son économie, allez-y !