Dès que nous sortons du parc national, nous retrouvons les marques de l'activité humaine. La forêt autour de nous semble moins sombre, moins sauvage, moins inquiétante. Elle laisse la place à des champs, à des pâturages, à quelques habitations. Cependant, après quelques kilomètres, nous quittons la route principale pour nous enfoncer à nouveau dans la montagne. Les habitations et les champs disparaissent, ne reste que la forêt le long de la pente abrupte que nous longeons. Bientôt, nous ne sommes plus sur du goudron mais sur des graviers. Le ciel, d'un beau bleu estival dans la vallée, s'est maintenant couvert de nuages bas qui semblent couler sur la montagne.

Nous sommes dans le Whiteswan Lake Provincial Park. On trouve des Provincial Parks dans toute la région. De tailles variables, en général moins impressionnants que les National Parks, ils sont aussi moins touristiques et plus tranquilles. Pas besoin de payer un droit d'entrée, très peu d'installations touristiques : pas d'hôtels et rien qui ne ressemble à l'Icefield center. Souvent on y trouve un ou plusieurs campings publics, à la fois très simples et très agréables.

C'est le cas au Whiteswan Lake. Après un long moment, la route rejoint un beau lac de montagne où l'on trouve un premier camping. Il reste de la place, mais nous décidons tout de même de continuer car plusieurs autres sont indiqués. Les nuages se sont transformés en pluie. Sous l'averse, nous passons un camping complètement vide au bord d'une rivière avant de rejoindre un second lac encore plus vaste que le premier. C'est au bord de ce dernier que nous décidons de nous installer. Certains emplacements ont carrément leur petite plage privée, ce n'est pas notre cas mais nous sommes tout près. Nous attendons dans la voiture que la pluie cesse.

Enfin, après peut-être une demie-heure, nous pouvons sortir dans l'air encore humide et planter la tente. C'est la fin de l'après-midi et le soleil réapparaît. Seb décide d'aller courir, moi, je vais me baigner. L'air est doux et l'eau légèrement fraîche sans que cela ne soit désagréable. Il est difficile d'entrer car les pieds s'enfoncent dans la vase presque jusqu'au genou, je me mets vite à nager. Quel plaisir, quelle quiétude... Je suis seule dans l'eau, parfois un canoë vogue au loin. Je nage vers les eaux profondes, entourée par les montagnes, m'éloignant de la rive sans que celle d'en face ne semble se rapprocher pour autant. Je nage longtemps avant de retourner à la tente où Seb me rejoint bientôt. Malgré la pluie récente, il arrive (non sans difficultés) à lancer un feu qui prend assez bien pour entamer la très grosse bûche que nous traînons avec nous depuis Tofino. C'est notre dernière bûche et ce sera, en fait, la dernière fois que nous faisons du feu ! C'est aussi la dernière fois que nous passons une nuit vraiment fraîche...

Le lendemain, nous quittons le Whiteswan Lake. Nous n'irons pas nous promener autour de ses eaux calmes, ni passer une nuit dans le petit camping isolé, accessible uniquement à pied, que Seb a découvert dans sa course... Avant de quitter le parc, nous nous arrêtons à flanc de montagne et descendons le petit chemin qui nous mène aux Lussier Hot Springs.

La rivière coule en contre-bas de la route. La source jaillit d'un rocher et de petits bassins ont été aménagés avec les roches alentours. L'eau chaude et souffrée descend pour se mêler finalement avec celle, glacée, du torrent. La température des bassins varie en fonction du mélange des deux eaux : on peut passer du brûlant, au tiède puis froid. Les amateurs d'eau vive, comme moi, peuvent rejoindre le courant venu des montagnes et se "rafraîchir" dans son flux glacé. Le soleil descend dans la vallée, donnant à l'ensemble du tableau des allures de petit paradis. Installés sur les rochers, baignant dans l'eau tiède au soleil, admirant la forêt et la rivière sauvage, il nous est difficile de nous arracher de ce lieu idyllique pour reprendre la route...

La deuxième moitié de notre voyage est maintenant bien entamée mais il nous reste cependant quelques jours avant de devoir repartir vers Vancouver. Nous les passons dans la région du Kootenay dont j'ai récupéré un guide à l'office du tourisme de Vancouver. Notre étape pour les deux prochaines nuits est la petite ville de Kimberley, à une heure au sud de là où nous sommes.

Nous arrivons en fin de matinée, l'unique camping nous a été indiqué au centre d'informations de la ville. Il est très grand, s'étalant en terrasse sur tout un pan de collines. Les étages supérieurs sont entièrement occupés par des familles en camping-car ou caravanes et des grosses tentes. Il reste de la place pour nous tout en bas, dans la partie "unserviced" du camping : il n'y a pas d'électricité, il faut prendre la voiture pour aller à la douche et marcher un peu entre la place de parking et l'emplacement de la tente. C'est parfait : cette partie du camping est vide et calme, notre tente trône seule au coeur d'une jolie pinède et la rivière coule juste en bas. D'ailleurs, dès que nous sommes installés, nous allons nous y baigner. L'eau est froide mais pas aussi glacée que ce matin, aux sources chaudes. Il faut lutter un peu dans les cailloux ce qui me plaît toujours beaucoup.

Plus tard dans l'après-midi, nous retournons vers Kimberley. Pour les villes et villages, l'Amérique du Nord n'a pas le charme de l'Europe. On ne trouve pas toujours de centre, les villages ressemblent parfois plus à des zones commerciales, à des suites d'entrepôts... Ou alors, on tombe dans le "kitch Disney Land" ce qui n'est pas mieux. Cependant, on peut reconnaître que Kimberley fait un certain effort qui classe la petite ville dans les rares "mignonnes". Il y a un centre avec des rues piétonnes et de jolies boutiques, un certain charme. L'hiver, c'est une station de ski et elle jouit donc d'une jolie situation touristique, au coeur des montagnes. Il semble d'ailleurs que l'ensemble de la ville soit pris d'une hallucination collective, pensant être au sud de la Bavière ou même en Autriche : on trouve de l'Apfel Kugel, une Mozart Inn, un coucou qui yodule... De nombreux panneaux sont en allemand et les petites maisons en bois semblent s'inspirer de ce coin du monde. Après discussion, cela viendrait de l'origine des premiers migrants mais c'est surtout maintenant un jeu touristique. Nous nous baladons dans le petit "farmer's market" où nous pouvons acheter divers mets. Nous errons aussi à la recherche d'un nouveau matelas pour Seb, le sien étant percé (on n'en trouvera pas, et Seb se contentera d'une épaisseur de serviettes et couvertures pour les dernières nuits). Enfin, nous dînons le soir au restaurant avant de rentrer dans notre pinède.

Le panneau habituel qui avertit les conducteurs que des animaux risquent de traverser ne me semble pas suffisant sur la route qui mène au camping : il faudrait prévenir que ça arrive à chaque fois ! Nous croisions systématiquement une ou plusieurs biches. D'ailleurs, dans le camping lui même, on trouve plusieurs panneaux indiquant la présence de biches et de faons et nous interdisant formellement de les nourrir ou de nous en approcher. Nous en croisons une tandis que nous nous promenons au bord de l'eau en attendant le soir. Elle broute dans les buissons sans s'occuper de nous plus que nécessaire. La nuit est en train de tomber, nous marchons au bord de la rivière dans la forêt fleurie pleine de baies multicolores...

Le lendemain, le programme est déjà fixé : nous avons réservé une sortie en rafting sur la rivière. Depuis le début du voyage, l'eau vive écumant sur les rochers m'attire. J'ai justement choisi de m'arrêter à Kimberley car la photo d'illustration dans le guide représentait une baignade dans une rivière. Je n'ai pas beaucoup hésité devant le prospectus du rafting, trop heureuse qu'il reste des places. Le rendez-vous n'est qu'à 13h, nous profitons tranquillement de notre matinée : je lis à l'ombre des pins pendant que Seb va courir au bord de la rivière.

Nous voilà à 12h45 devant la petite boutique de pêche à la mouche qui propose les sorties en rafting. Un bus nous emmène avec le reste du groupe jusqu'au point de départ. Là bas, nous enfilons chaussures spéciales, gilets de sauvetage et casques avant de monter dans les bateaux.

Un bateau de rafting est une sorte de grosse bouée gonflable qui accueille environ une dizaine de personnes. Nous sommes aujourd'hui quatre bateaux et donc quatre guide : un par bateau. L'un des guides est d'ailleurs français et il semble un peu étonné de croiser des compatriotes. Nous partageons notre embarcation avec deux familles canadiennes qui se connaissent ainsi que plusieurs autres participants  (ils font partie d'un grand groupe). Tout le monde est complètement débutant. C'est visiblement la sortie d'introduction, familiale et accessible à tous. Vues nos prouesses en bateau, c'est sans doute mieux.

Notre guide est chilien, il enchaîne les étés entre les hémisphères. Il nous explique les instructions de base avant de partir : pagayer vers l'avant, vers l'arrière, rentrer dans le bateau. C'est assez simple même pour des boulets comme nous. Il n'y a jamais à ramer très longtemps car on se laisse souvent porter par le courant. Le guide maîtrise complètement l'embarcation, ses instructions sont claires et précises. D'ailleurs, nous comprenons rapidement qu'il est le "chef des guides", visiblement plus expérimenté que les trois autres.

La balade commence doucement, la rivière est plutôt calme. Le grand jeu consiste à faire des batailles d'eau entre les bateaux ce qui plaît énormément aux enfants. Les deux qui sont sur notre embarcation sont en charge d'un pistolet à eau géant et s'en servent à loisir. Parfois nous nous arrêtons dans des coins assez profond pour que l'on puisse sauter du bateau et nager. Un beau rocher qui nous sert même de plongeoir. Plus tard, nous passons par des rapides plus intéressants et ils nous donnent l'occasion d'aller nager dans le courant. Pour moi qui adore l'eau, c'est un vrai régal et les quelques heures que durent la balade sont trop courtes (j'aurais bien pris la journée entière plutôt que la demie-journée si elle avait été disponible). Nous passons devant la plage du camping et, peu de temps après, rejoignons le point d'arrivée et sortons de l'eau...

La fin de l'après-midi s'écoule tranquillement au bord de la petite piscine du camping. Puis nous  retournons en ville pour dîner. Le soir, alors que nous sommes installés devant la tente, une biche vient nous saluer..