Samedi matin à 11h, nous sommes à l'espace Lac pour le film allemand en compétition Endzeit. On retrouve des zombies et une jeune fille un peu énervante qui a du mal à vivre avec la culpabilité d'avoir abandonné sa petite soeur. Elle décide de s'échapper de la zone sécurisée de Weimar pour partir à travers le monde infesté. Là commence une longue épopée à travers la nature (où traînent quelques zombies) parfois belle mais aussi un peu lassante et déjà vue. Le message pseudo-écolo du genre "tout le monde est mort mais c'est un nouveau commencement" me laisse assez dubitative.

En début d'après-midi, nous découvrons la sélection des courts-métrages. Ça commence par une belle surprise car Benoît Delépine (président du jury long métrage avec Gustave Kervern) nous montre en bonus son court Comme un chien, réalisé en 2010. Par contre, entre cet impromptu et la présentation du jury présidé par Julie Ferrier, la projection des films prend un peu de retard et je me rends compte qu'on ne pourra pas tous les voir si on ne veut pas louper notre prochaine séance. On en verra donc seulement 4 sur les 5 présentés. Ils ont tous des qualités. J'apprécie surtout Graines et Pleine Campagne mais le gagnant Diversion était aussi très bien.

On s'enfuit donc après le 4ème court pour rejoindre en vitesse le Paradiso où nous devons voir Lifechanger, film canadien en compétition. Un homme est obligé, pour rester en vie, de tuer régulièrement des gens dont il aspire littéralement la vie et l'apparence. Obnubilé par sa survie, la question de la moralité de ses actions ne semble pas trop le troubler. Cependant, tout en changeant de corps tous les deux jours, il cherche à se rapprocher d'une femme dont il est amoureux. Et, par elle, il va se retrouver en face de ses responsabilités. Le film est plutôt bien fichu, l'histoire est intéressante. Il lui manque cependant un petit quelque chose pour vraiment me marquer durablement.

C'est déjà le soir, la fin du festival approche et nous allons voir notre avant-dernier film en compétition à l'espace Lac. Avant ça, nous assistons à l'hommage rendu à l'acteur allemand Udo Kier qui, à 74 ans, a joué avec tous les réalisateurs dans tous les genres possibles de film. Son discours sympathique et désordonné est émaillé de multiples anectotes. On ressent son plaisir d'acteur, son goût pour les projets farfelus et son humour. Comme la coupe de l'hommage ressemble à un verre, il a demandé à ce qu'on lui serve du vin qu'il boit sur scène. Puis il vole la vedette du présentateur pour parler du prochain film en compétition dans lequel il joue un tueur nazi sanguinaire (il précisera plus tard qu'il ne joue les nazi que dans les films humoristiques et refuse les nazis réalistes).

Après cet agréable interlude, nous découvrons donc Puppet Master: the littlest Reich. Avec un titre pareil, on se demande un peu à quoi s'attendre. Le pitch enfonce le clou : des marionnettes nazi tueuses. Je découvrirai après coup que c'est en fait le "reboot" d'une série d'une dizaine de films dont la plupart sont des nanars complets. Le truc avec ce genre de films, c'est que ça peut être génial ou nul en fonction du ton choisi. Et là, c'est plutôt très réussi. Le film est résolument comique mais se prend assez au sérieux pour que l'histoire se tienne (équilibre pas toujours facile) et que ça ne soit pas juste une série de gags inutiles. Il y a un contraste déroutant entre l'aspect ridicule des marionnettes et les meurtres absurdes et idéologiques dont elles se rendent coupables d'une façon méthodique et mécanique (tourné en stop motion). Le gore est volontairement très peu réaliste, complètement théâtral, avec des effets spéciaux en carton pâte. Il y a des morts tout le temps, tous aussi ridicule les uns que les autres mais avec une cruauté cynique et sans complexe. Les festivaliers sont toujours friands de ce genre de délire sanglant et la salle applaudit à de nombreuses reprises. On sent l'approbation du public au sortir du film (approbation que je partage à mon propre étonnement) et il rafflera le Prix du Public au palmarès final. Mais pas uniquement : son humour potache, délirant et sans concessions aura su séduire le jury, dont les présidents sont les Grolandais Delépine et Kervern, et il gagnera le Grand Prix ! En tout cas, c'est une agréable surprise dans cette sélection qui se prenait peut-être un peu trop au sérieux.

Nous continuons notre soirée avec le hors-compet Freaks présenté en avant-première (rien à voir avec le film de 1932). Ça commence avec une petite fille enfermée par son père dans une maison où il insiste pour qu'elle reste cachée en permanence. À ce niveau là, on dirait un film fantastique classique et intimiste basé peut-être sur la paranoïa ou la folie. Mais pas du tout, bientôt la petite fille (qui joue très bien) se rebelle contre son père malgré toute l'affection qu'elle lui porte. L'attrait de l'extérieur est trop fort et le manque d'informations concrètes sur les raisons de sa cachette trop important. Petit à petit, le film se transforme en histoire de super-héros. Mais tout est bien dosé que ce soit les scènes d'action, les explications, l'humour, la réflexion sur la société. Les acteurs jouent bien. La relation entre le père et la fille est touchante. On est pris par l'histoire. C'est un film grand public de qualité et original qui aura sans doute une belle carrière commerciale méritée.

Et voilà déjà le dimanche matin et la fin du festival. Alors que la neige tombe de nouveau sur Gerardmer, nous découvrons le dernier film de la compétition : le Coréen The Witch Part 1: The Subversion . Je dois dire que je n'ai pas été emballée. Déjà c'est très long (plus de deux heures) et souvent bavard. Quand les films se sentent obligés de nous expliquer les enjeux par A+B au lieu de les faire comprendre par le contexte, ça m'ennuie assez. Par ailleurs, le thème est finalement assez similaire au film de la veille Freaks mais c'est moins bien fait. Là aussi, il y a une jeune fille qui se cache dont on découvre finalement le pouvoir. La partie où elle vit sa vie cachée tranquille est plutôt sympa avec l'irruption d'inquiétants personnages issus de son passé. Mais ensuite, il y a une succession de combats et de bavardages que j'ai trouvé très ennuyeux. Mon esprit s'est échappé et je pensais surtout à ce que j'allais commander le midi à la Gérômoise (ce n'est pas très bon signe pour le film). C'est donc sur cette légère déception que je termine ce festival (et sur mon délicieux repas à la Gérômoise !) Il y a eu plusieurs belles choses, pas de coup de cœur extraordinaire cette année mais pas non plus de films trop mauvais. En récompensant Puppet Master, Aniara et The Unthinkable, le jury a été en phase avec mon ressenti. Comme d'habitude, ce furent quatre belles journées et je ne me lasse pas du festival !