Parc National du Forillon

Nous retrouvons la côte, longeant le nord de la péninsule de Sainte-Anne jusqu'à Gaspé. Les maisons en bois coloré (ou PVC imitation) sont égrenées le long du rivage entre la mer et la nature sauvage. Parfois ce sont de hautes et impressionnantes falaises comme à Mont-Saint-Pierre ou simplement la forêt profonde. Le paysage prend des allures encore plus dramatique quand, après déjeuner, nous sommes surpris par une averse et que le ciel prend ses couleurs d'orages. Alors que la route rentre un peu dans les terres, traversant les étendues de sapins et longeant un petit lac, le déluge s'abat sur nous. Tout devient eau et on ne voit plus à quelques mètres devant soi. Nous sommes obligés de nous arrêter un moment sur le bord de la route.

Nous repartons quand le temps se calme un peu et c'est ainsi que nous arrivons au Parc National du Forillon sous le ciel encore orange de l'orage qui s'éclaircit, devant le golfe du Saint-Laurent couvert de brume. Nous étudions la carte du parc et formons un projet : nous voulons prendre le sentier des Appalaches sur 18 km avec notre tente, suivant la balade du "Sentier des lacs" et dormir en route au niveau du refuge. Nous commençons à préparer assez sérieusement notre idée, achetons ce dont nous avons besoin et prévoyons de dormir au "Camping des Appalaches" juste au départ du sentier.

Avant ça, nous nous rendons au Cap Bon-Ami admirer les grandes falaises et les formations rocheuses balayées par la mer transparente. Les cormorans tournoient au dessus de la la petite plage de galets et, dans les vagues, on voit les phoques sortir la tête. Nous quittons le cap avec l'idée de rejoindre le camping des Appalaches. Mais en regardant la météo, nous sommes vite obligés de nous rendre à l'évidence : ils annoncent de l'orage demain et de la pluie une bonne partie de la journée. Il ne semble pas prudent d'aller randonner dans ces conditions surtout lorsque nous nous imaginons noyés sous le déluge comme aujourd'hui. Tant pis… Nous cherchons alors un camping au bord de l'eau. Le premier que nous voyons est plein et nous passons de l'autre côté de la Pointe Gaspé, à Cap-aux-Os où quelques maisons s'étalent sur la grève. Le camping est officiellement plein mais le propriétaire a quelques emplacements de tente non aménagés sur un grand espace vert. Nous n'avons pas de table ni de coin feu mais nous avons la vue magnifique sur la baie. Dans le minuscule village, on trouve tout de même un restaurant, Le Baleinier, où nous dînons ce soir.

Quand nous nous réveillons le lendemain, la baie de Gaspé est recouverte de brume. Il ne pleut pas encore et nous allons faire la balade de la Pointe Gaspé au Parc National du Forillon. Le sentier serpente entre les plages et les falaises, parfois dans les galets, parfois dans la jolie végétation fleurie. La baie s'étale, blanche sous les nuages. Nous arrivons au "Bout du Monde" et cherchons à deviner dans les vagues quels petits points noirs sont des cormorans et lesquels sont les éternels phoques que nous voyons partout (mais dont nous ne nous lassons pas). Quand nous pique-niquons au sommet de la falaise, le brouillard est devenu si épais que la vue a complètement disparu. De nombreux touristes en balade se trouvent tout desapointés devant le mur de coton qui entoure la pointe.

Cependant il ne pleut pas. L'orage et le déluge annoncé n'a pas éclaté par ici. À 13h30, nous sommes à Grande Grave où nous avons réservé une sortie pour aller voir les phoques. Nous faisons plus que les voir, nous enfilons d'épaisses tenues de plongée et nageons dans les eaux froides de la baie avec masques et tuba. Les phoques se prélassent sur les rochers en face de nous et nous regardent avec un air curieux. De temps en temps, l'un d'eux vient nager et nous pouvons l'observer sous l'eau avec notre masque. Notre tenue nous permet de flotter très facilement dans l'eau. On peut simplement se laisser dériver la tête sous l'eau, admirant les longues algues balayées par les courants sur les rochers, les petits poissons et les homards aux couleurs phosphorescentes jaunes, rouges et même bleus.

Quand nous quittons les phoques et la plongée, nous sommes en milieu d'après-midi et la journée a déjà été bien remplie. Nous prenons une boisson chaude au Baleinier puis rentrons au camping. Tandis qu'avec le soir, arrive l'averse annoncée, nous patientons à l'abri dans la buanderie où nous avons lancé une lessive.

Le lendemain, toute la brume a disparu. La baie de Gaspé éclate d'un bleu magnifique sous le ciel sans nuage. Nous avons replié la tente et, comme nous avons eu un petit souci de batterie de voiture, nous devons rouler un peu. Nous rejoignons Gaspé à quelques kilomètres où se prépare le festival du bout du monde qui va voir venir de nombreux musiciens. Au soleil, face à la baie, nous prenons le petit-déjeuner au Café des Artistes. Pour nous consoler de notre grande randonnée annulée, nous avons décidé de faire aujourd'hui un petit morceau de la balade. Nous nous rendons au départ du sentier et partons pour, tout de même, 12km aller-retour vers le Lac au Renard. C'est une agréable promenade en forêt. Le dénivelé n'est pas important et à côté de l'épreuve du Mont Richardson, ça me semble très facile. On monte tout de même un peu pour gravir le premier petit mont qui surplombe la route. De là haut, la vue se dégage dans la vallée jusqu'au golfe du Saint-Laurent. Puis nous redescendons et marchons un moment dans la boue avant d'atteindre le petit lac où un banc a été installé au milieu des roseaux. C'est un magnifique lieu sauvage que nous avons pour nous seuls (le sentier n'est pas très fréquenté). L'eau du lac est claire et fraîche. Nous nous baignons avec plaisir et restons longtemps pour déjeuner et profiter du lieu.

En milieu d'après-midi, nous retrouvons la voiture et reprenons la route. Une nouvelle fois, nous traversons la baie de Gaspé sous le soleil. Nous prenons un goûter au Café des Artistes et continuons vers le sud sur la route de Percé. Nous passons la nuit dans un camping entre Gaspé et Percé, au niveau du rocher la "tête d'indien". Notre emplacement est au sommet du rocher. Nous garons la voiture en bas et traînons nos affaires en haut de la butte sur quelques dizaines de mètres. Là, une plateforme en bois a été aménagée pour que nous puissions installer la tente avec une vue direct sur la mer. Installés dans notre petit coin de nature, nous regardons le ciel passer du rose au noir et les étoiles s'allumer avant de nous coucher.

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Parc National de Gaspésie

Une route au bord de l'eau. Parfois quelques maisons posées au milieu des fleurs. Sur notre gauche : le fleuve, immense, océan. L'autre rive n'est plus qu'un mirage à l'horizon que nous croyons parfois deviner sans en être sûrs. Nous sommes en Gaspésie. Notre plan initial était de rejoindre le Parc National dès ce soir. Mais le temps passé au parc du Bic fait qu'il est déjà tard. Nous nous arrêtons donc dans un petit camping en bord de route entre le fleuve et les collines couvertes de forêts.

Nous arrivons au Parc National de Gaspésie le lendemain en fin de matinée. Nous avons laissé derrière nous le paysage maritime des rives du Saint-Laurent et sommes maintenant à l'intérieur des terres au milieu de petites montagnes. Nous ne trouvons que peu d'informations au Lac Cascapédia où nous nous arrêtons d'abord à part que tous les campings semblent complets. Nous nous rendons donc au point central d'information où une jeune guide s'occupe de tout nous expliquer. Déjà, nous trouvons à nous loger : nous prenons un emplacement dans le "camping de débordement". Nous sommes très bien installés, à côté de la rivière. La seule différence avec le camping normal est que nous devons traverser la route pour rejoindre le bloc sanitaire. La jeune guide nous conseille aussi pour les randonnées. J'apprécie le Québec car ici, quand il y a plus de 600 mètres de dénivelé, la balade est notée "difficile" alors que dans l'ouest canadien on me disait "this is an easy walk" d'un truc qui montait de près de 800 mètres. Déterminée, j'arrête mon choix sur le mont Richardson et ses 750 mètres de dénivelé : c'est dans la limite supérieure de mes capacités mais si je décide de le faire, je peux y arriver. Et puis, elle est marquée comme "Expert" dans le guide du parc : ça flatte mon égo.

Mais la randonnée est pour demain. Pour l'instant, nous retournons au lac Cascapédia où nous louons un canoë. Notre dernière expérience sur l'eau remonte à l'Ouganda et s'était plutôt soldée par un échec. Ici, peut-être parce que le canoë est plus équilibré ou que le lac a moins de courant, nous réussissons plus ou moins à nous déplacer et nous diriger. Nous pouvons apprécier la beauté de la nature calme vue de l'eau, la forêt autour de nous, le ciel légèrement couvert. Plus tard, nous nous baignons dans l'eau fraîche du lac avant de rentrer dîner à la tente.

Dimanche matin, nous nous préparons pour la grande randonnée. À 10h, nous sommes au départ avec notre pique-nique sur le dos et beaucoup d'eau. Il fait un temps magnifique. Le problème des randonnées à fort dénivelé, c'est qu'il n'y a aucune pause entre les côtes. Sur les randonnées plus faciles, on peut espérer avoir un peu de plat entre les montées. Ici, pas du tout. Ça monte, et ensuite ça monte encore et encore et encore. Après chaque tournant, après chaque talus, une nouvelle montée. Je me sens comme Sisyphe avec sa montagne, sauf que, heureusement, je ne pousse aucune pierre ! J'y arrive cependant, lentement (parfois, très lentement) mais sûrement. J'essaie de ne pas m'arrêter trop souvent. Seb qui est plus bien plus rapide, monte devant et m'attend de longues minutes. Quand enfin, la vue commence à se dégager, je peux me retourner et admirer le paysage qui apparaît derrière les arbres. Cela me donne un aperçu de ce que j'ai réussi à parcourir et me donne l'espoir d'arriver un jour au bout. C'est avec l'énergie du désespoir qu'après le panneau annonciateur, je parcours les dernières centaines de mètres qui me séparent de l'embranchement vers "la falaise" où nous comptons nous arrêter pour déjeuner.

Nous ne sommes pas au bout de nos peines mais nous pouvons au moins nous arrêter un moment et nous restaurer. Du haut de notre petite pointe rocheuse, nous admirons le paysage du parc qui s'étale autour de nous. Nous voyons aussi la tête dégarnie du mont Richardson qui nous toise. Il paraît si haut et si loin que j'ai du mal à croire que c'est notre objectif. Pourtant, quand nous reprenons la route, il devient clair que nous nous dirigeons bien par là. La pause et le repas m'ont redonné de l'énergie et je n'ai pas de difficultés à terminer la côte qui ne voulait pas s'arrêter ce matin. Nous atteignons une petite ligne de crête entourée de végétation basse. Le chemin est quasiment plat et donc beaucoup plus simple pour moi. Mais le répit est de courte durée. La route commence à descendre.

La descente en soi n'est pas une difficulté. Mais elle me semble si longue. Je sais que chaque pas descendu sera remonté deux fois : une fois pour grimper en face sur le mont Richardson et une seconde fois au retour quand je devrai gravir cette même côte dans l'autre sens. Enfin nous arrivons en bas, dans une sorte de vallée. Les arbres sont de nouveau hauts. Le sol est humide. Nous traversons un marais puis un joli étang. Le mont Richardson se dresse devant moi, infranchissable. Et voilà l'ultime montée vers le sommet qui commence. C'est difficile. Je ne peux aller que très lentement. Mais je suis déterminée.

J'utilise une technique que je nomme le "chant essoufflé". Pour cette montée, je choisis plusieurs chansons de Jeanne Moreau. Ça a plusieurs avantages. Déjà, mon esprit est détourné de l'effort par la chanson. J'avance de façon plus régulière sans m'arrêter tous les deux pas pour me dire "oh la la, que c'est encore haut !". En fait, je m'arrête seulement quand la chanson est finie ou bien quand j'oublie les paroles. Par ailleurs, mon souffle se régule naturellement par le chant. Mon corps retrouve ses techniques habituelles qui ne sont certes pas celles du sport mais qui fonctionnent tout de même. Ma voix n'est pas à son niveau de concert mais elle est là. Si certaines paroles disparaissent dans un râle essoufflé, d'autres, les notes aiguës par exemple, portent bien et, quand je me prends à mon propre jeu, je les lance à la montagne de toute ma voix.

Ainsi je gravis la première partie du chemin. Après une courte pause sur du relatif plat, arrive l'ultime côte dans les cailloux du sommet dégarni. Seb me dit "je ne pense pas que ce soit si difficile, c'est une illusion d'optique". Je suis dubitative. Il y a bien une illusion : alors qu'on croit arriver en haut, on découvre que ça continue de monter ! Cette dernière côte fait 500 mètres de long et je trouve pénible chaque mètre. Mais me voilà enfin là haut. Autour de moi, le parc s'étend en petites montagnes recouvertes de forêts. On voit quelques lacs et la falaise sur laquelle nous avons pique-niquer plus tôt. Au delà de la vue, j'ai la satisfaction d'avoir réussi malgré la difficulté. Je suis toujours la plus lente (tout le monde me double alors que je ne double jamais personne) mais j'arrive jusqu'en haut !

Le retour n'est pas simple non plus. Déjà, il faut gravir la montée du milieu avec mon énergie limitée. La technique du chant essoufflé sera à nouveau utilisée à bon escient. Comme Seb est avec moi, je chante Bassens et Vian. Puis vient la très longue descente. Elle ne me demande pas trop d'efforts mais mes jambes sont épuisées et je n'ai plus de force. Je me laisse porter par la gravité, posant un pied devant l'autre de façon mécanique. Enfin, nous arrivons à la voiture après 12km de marche et près de 800 mètres de dénivelé. Tout mon corps est douloureux. Nous voudrions manger un vrai repas ce soir mais au dépanneur du centre d'information, il n'y a rien de bien appétissant. Nous regardons les rayons que nous connaissons déjà d'un oeil vide, avec l'espoir que les boîtes de conserve de haricots sauce tomate se transforment en foie gras. Puis Seb a une idée : il doit y avoir un restaurant au gîte du Mont Albert. C'est l'hôtel du parc, où les petits chalets coûtent sans doute plus cher que notre place de camping sans toilettes, près de la rivière. C'est une excellente idée Le restaurant est assez chic et surtout plein mais le bar sert des burgers frites qui font notre bonheur. Puis nous laissons le luxe et retournons dormir dans notre toute petite tente sur nos matelas en mousse. Le lendemain, nous reprenons la route vers la suite du voyage.

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Bas Saint-Laurent

Le voyage commence véritablement lorsque nous quittons Québec le mercredi. La veille, nous avons fait la route depuis Montréal où nous venons de passer quelques jours. Nous avons acheté chez MEC les quelques éléments qui manquaient à notre équipement et fait quelques provisions : divers fruits secs et graines, du pain de mie nord-americain, un peu de fromage, des barres de céréales, des fruits en boîte. Nous avons maintenant un peu d'expérience du camping et arrivons à nous nourrir plus ou moins bien avec comme seul matériel un minuscule réchaud à gaz et une sorte de grosse timbale métallique pour chauffer de l'eau.

À Québec, nous logeons dans une résidence universitaire transformée en hôtel pour l'été. La chambre, en hauteur, offre une vue magnifique sur le Saint-Laurent. Nous prenons la route en fin de matinée après un petit-déjeuner dans un café de zone commerciale péri-urbaine. Notre premier arrêt se situe juste à la sortie de la ville : je veux montrer à Seb les chutes de Montmorency que j'ai, moi, visitée il y a 7 ans. Elles sont toujours aussi majestueuses et impressionnantes. Il y a toujours les 500 marches et, comme la dernière fois, je n'ai aucune envie de les gravir. Nous sommes garés en haut. Je laisse Seb faire l'aller-retour jusqu'en bas tandis que j'attends, assise dans l'herbe, admirant le fleuve sur la plaine.

C'est à Québec que le Saint-Laurent commence vraiment à s'élargir, se transformant petit à petit en océan. C'est aussi là qu'on trouve le dernier pont que nous avons dépassé pour visiter les chutes. Plutôt que de faire demi-tour, nous décidons de remonter un peu la côte nord et de traverser plus tard, en bac. Nous suivons donc tranquillement la route qui relie Québec à Tadoussac, traversant les pittoresques petites villes. C'est la forme des toits, légèrement arrondis et remontant en pointe, qui me fait utiliser l'adjectif "pittoresque". En fait, je suppose que ce sont plutôt les considérations pratiques des chutes de neige en hiver qui dictent cette architecture.

L'après-midi étant déjà bien avancée, nous décidons de nous arrêter à Saint-Simeon où nous trouvons un joli camping. Il est presque plein mais il reste tout de même un bel emplacement. Derrière les arbres, nous apercevons le fleuve. On peut descendre jusqu'à la plateforme qui surplombe la falaise pour admirer la vue. L'autre rive est encore visible bien que lointaine et brumeuse. Dans le brouillard, de grands bateaux avancent, fantomatiques. Et au milieu de l'eau, on voit apparaître par intermittence de grosses boules blanches et lisses qui sortent et replongent. Ce sont les belugas : gros animaux assez amusants à mi-chemin entre la baleine et le dauphin. De retour à notre emplacement, nous allumons notre premier feu de camp et laissons la nuit tomber à la lueur des flammes avant de nous calfeutrer sous la tente.

Nous pensions prendre le ferry au nord de Tadoussac pour rejoindre directement Trois-Pistoles. Nous découvrons cependant qu'un autre ferry plus rapide et plus fréquent relie directement Saint-Siméon, où nous sommes, à Rivière-du-Loup sur la côte sud. Nous décidons alors de laisser Tadoussac à un prochain voyage, celui où nous remonterons la côte nord, et de prendre le bac dès maintenant. Saint-Siméon n'est en fait rien d'autre que quelques maisons posées au creux de la falaise autour de l'embarcadère. Nous arrivons très en avance, installons notre voiture dans la file puis sortons faire un tour. Le soleil brille et une magnifique plage s'étend devant nous. Le sable est clair et l'eau transparente et glacée. Les courants froids viennent depuis les tréfonds de l'Atlantique Nord se mêler à l'eau du fleuve. Ils apportent avec eux la faune marine, baleines et belugas : les stars du coin. Faute de se baigner, nous profitons simplement du beau temps et de l'air marin pour marcher sur la plage. Puis nous grignotons nos sandwichs sur la terrasse du petit snack en attendant le bateau.

Le ciel s'est couvert de nuages et nous sommes surpris par une averse alors que nous retournons à la voiture. Elle est intense mais courte et la pluie cesse quand nous nous garons sur le bateau. Cependant, le fleuve est encore recouvert de brume et c'est dans ce brouillard humide, sur une eau verte et grise, que nous commençons la traversée. Je suis dehors, profitant du vent marin, admirant les oiseaux, les crêtes d'écume sur les vagues, la vue qui s'éloigne et le fleuve qui s'éclaire tandis que le ciel se dégage. Et, en milieu de traversée, voilà à nouveau les belugas qui viennent nous saluer. Nous voyons sous la surface leurs longs corps blancs qui nagent.

En une heure, nous rejoignons la rive sud à Rivière-du-Loup. Visiblement, ce côté là est plus peuplé que l'autre. Nous sommes dans une grosse bourgade assez différente du petit village que nous venons de quitter. Dans le centre ville : un grand parc qui habrite de très jolies chutes d'eau. C'est l'occasion d'une agréable promenade dans les bois avant de reprendre la route.

Nous roulons vers l'Est, vers la Gaspésie au bout de l'estuaire. Le fleuve, majestueux, est sur notre gauche. La rive est très différente de ce côté-ci. Pas de falaises : la terre remonte en pente douce depuis l'eau. Il pousse de part et d'autre de la route de hautes herbes et de magnifiques fleurs multicolores. Nous traversons aussi quelques champs de blé. C'est ainsi que nous arrivons à Trois-Pistoles où nous nous arrêtons passer la nuit. Notre camping est directement sur la plage. C'est-à-dire que devant notre tente, on trouve quelques galets sur deux ou trois mètres, puis le Saint-Laurent. À peine quelques roseaux nous séparent de l'eau. Nous pouvons donc admirer à loisir le fleuve splendide tandis que le soir tombe. Tout d'abord, il se recouvre de brume. La rive opposée que nous apercevions encore à l'horizon, disparaît dans le brouillard. Puis l'eau elle-même semble être engloutie, la plage autour de nous. Mais bientôt, tout s'éclaire de nouveau en une explosion de couleur. Le soleil rougeoyant descend lentement vers la ligne brumeuse de l'horizon, se reflétant dans les milliers de miroirs du fleuve. Enfin la nuit arrive et le ciel rose s'assombrit petit à petit. La foule du camping qui s'était amassée sur la berge pour observer le spectacle se disperse peu à peu. Les étoiles apparaissent. Nous restons un moment au coin du feu avant d'aller nous coucher.

Le lendemain, nous prenons le petit-déjeuner au bord de l'eau : pâle, presque blanche dans la lumière du matin. Nous tentons une baignade mais la température glaciale (environ 8 degrés) ne nous permet pas de nous immerger au delà du mi-cuisse ou alors seulement très rapidement, telle une bravade accompagnée d'un cri d'effroi. Je crains peu l'eau froide mais le Saint-Laurent et les courants de l'Atlantique Nord ont la victoire pour ce coup-ci.

Nous effectuons un dernier arrêt avant de rejoindre la Gaspésie plus à l'Est : le parc national du Bic. On y trouve de très jolies balades le long de magnifiques petites criques. La marée basse découvre de longues plages de sable humide et donne accès à de petits islets. La sensation du sable sous mes pieds, les flaques d'eau sur la vase, l'odeur des embruns me rappellent la Normandie mais le paysage planté de conifères n'a vraiment rien à voir. Nous nous promenons longuement sur la plage jusqu'à rejoindre de magnifiques falaises balayées par le vent. Lorsque le chemin devient trop hasardeux dans les rochers que la mer houleuse vient frapper, nous faisons demi-tour et retournons au parking par un petit chemin à travers la forêt, bordé de buissons fleuris. Nous effectuons un dernier détour avant de quitter le parc : nous nous rendons au Cap Caribou pour voir les phoques se prélasser sur leurs rochers !

Juste après le parc, nous arrivons à Rimouski que Seb a visité il y a longtemps pour une conférence. Nous traversons la ville en voiture et ses banlieues aux allures de stations balnéaires. Ça y est, nous sommes en Gaspésie !

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