Côte Nord : Sept Iles

Nous quittons l'Anse Saint-Jean et bientôt le fleuve majestueux apparaît devant nous. Nous rejoignons la route 138 : 1400 kilomètres longeant la rive nord du Saint-Laurent de la frontière américaine jusqu'à l'embouchure. En arrivant un peu avant Tadoussac, il nous en reste à peu près 800 à parcourir le long de "la côte nord", c'est-à-dire la rive nord de l'estuaire qui donne ensuite le golfe du Saint-Laurent. Il y a quelques années, je regardais cette route sur la carte tandis que je faisais le tour de la Gaspésie sur l'autre rive de l'estuaire. Cette unique route sur la côte me semblait mystérieuse et sauvage, ultime frontière avec l'immensité du nord. Je me demandais ce qu'elle cachait, ce qu'on pouvait y visiter, ce qu'il y avait à voir "là bas".

Tadoussac est la porte d'entrée de la côte nord. La ville est connue pour les excursions aux baleines qui viennent se nourrir à l'embouchure du Saguenay. Aujourd'hui, nous ne faisons qu'y passer. Nous patientons au dessus d'un splendide paysage pour prendre le bac et traverser le fjord. Une fois de l'autre côté, nous déjeunons de burgers à emporter et sommes pris de cours par une averse. Nous voilà serrés sous un petit préau avec l'enfant épuisé qui hurle. Il a d'abord pleuré car il voulait aller sous le préau tandis qu'on pensait rejoindre la voiture. À présent qu'on est finalement allé sous le préau, il pleure car il veut aller à la voiture.

Enfin, nous quittons Tadoussac et commençons à parcourir la côte. Nous sommes sur une belle route sauvage à travers une épaisse forêt de sapins. Parfois, la route rejoint le fleuve et nous surplombons des falaises rocailleuses tombant dans l'estuaire. À l'horizon, la Gaspésie apparaît comme un mirage. Le plus impressionnant sont les rivières que nous traversons toutes plus magnifiques les unes que les autres. Certaines sont larges et plates, ondulant entre les bancs de sable et les sapins. D'autres tombent en cascades et rapides juste sous nos roues.

Nous traversons aussi quelques petites villes. Si l'on reste sur la route 138, on ne voit en général qu'une sorte de zone commerciale, succession de motels, stations essence, et supermarchés. À droite de la route, s'étendent des zones résidentielles parfois assez mignonnes et qui ont de temps en temps un petit centre-ville. Mais tout est organisé autour de la voiture qui reste le seul et unique moyen de transport.

La côte nord paraît plus sauvage que la Gaspésie, mais elle est aussi plus industrielle. Le tourisme n'est qu'une petite partie de l'économie. On ne peut pas louper par exemple les silhouettes métalliques des immenses lignes à haute tension qui semblent couler à travers la forêt comme les rivières dont elles tirent leur énergie par les centrales hydroliques. La ville où nous nous arrêtons ce premier soir, Baie-Comeau, vit justement de l'activité engendrée par la centrale toute proche ainsi que de quelques usines associées, comme une usine d'aluminium.

Vu que nous ne nous arrêtions ici qu'un seul soir, nous avons opté pour une nuit à l'hôtel plutôt que de monter et démonter la tente ce qui nous prend beaucoup de temps et d'énergie. (la tente en elle même est simple à installer et à défaire mais toute l'organisation associée avec les sacs, les matelas, la nourriture, l'organisation du coffre et des affaires, est compliquée). Nous prenons donc une chambre dans l'un de ses motels au bord de la route 138 à l'entrée de Baie-Comeau. Comme nous avons un peu de temps avant le dîner et que le temps s'est éclairci, nous parcourons un peu la petite ville. Derrière la jolie zone résidentielle, on trouve une petite forêt qui descend vers le fleuve avec des chemins de randonnée. En quelques minutes, on se retrouve sur une plage rocailleuse avec un paysage digne des plus beaux films d'aventure. La forêt sombre se découpe sur le ciel du soir éclairé par la lumière du crépuscule. Elle descend sur les rochers léchés par les eaux de la baie qui s'ouvre sur l'immense estuaire. C'est à couper le souffle. Difficile d'imaginer qu'on est à peine à 20 minutes à pied de la zone commerciale de notre motel.

Nous remontons vers la ville, prenant des raccourcis hasardeux à travers les bois ce qui n'est pas vraiment du goût de l'enfant. Il est dans sa poussette et ça secoue un peu, il crie aussi "Non, pas dans la forêt ! Je vois plus rien !" dramatisant un peu la situation car, en fait, il fait encore tout à fait jour.

De retour à côté du motel, nous nous dirigeons vers un restaurant que j'ai repéré sur la carte. Il est le long de la route 138 et nous devons traverser plusieurs terrains vagues peu engageants. Il a beau être à 5 minutes à pied, tout est pensé pour y aller en voiture. C'est le seul restaurant que j'ai vu qui ne soit pas une chaîne type Tim Hortons ou Mac Donald. En fait, c'est un restaurant de grillade grec assez chic et visiblement LE restaurant du coin car toute la ville semble s'y être donné rendez-vous, contraste saisissant avec led rues larges et vides que nous parcourons depuis tout à l'heure. Il est plein et il nous faut patienter bien 20 minutes pour avoir une table. Mais le repas est très agréable et nous entendons pour la première fois parler Innu ce qui trouble un peu l'enfant.

Le lendemain, nous continuons notre route vers le nord est. Après Baie-Comeau, on croise moins de petites villes. Une d'elle est Godbout où nous faisons une pause pour visiter un refuge pour rapaces (toute occasion de voir des animaux est bonne à prendre). C'est un petit village quelques maisons posées le long de la mer. La côte est devenue plus plate et sablonneuse avec de grandes et belles baies. D'autres fois, la route monte une petite colline et on la voit alors devant nous sur des kilomètres à travers la forêt. Nous nous arrêtons un peu avant la ville de Sept-Îles. Notre tente est directement en face de la mer, séparée de la plage par une petite clôture au dessus d'un bosquet. Il est encore tôt et nous allons faire un tour sur cette jolie plage qui s'étend sur des kilomètres de part et d'autre du camping.

L'eau est très froide mais on peut tout de même se baigner. De jolis rouleaux éclatent à quelques mètres sur un banc de sable puis forment une piscine plus calme proche du rivage. Je me risque jusqu'aux rouleaux et fais quelques plongeons dans l'eau glacée de l'estuaire. L'enfant a décrété que l'eau était trop froide et refuse d'y mettre plus d'un orteil. D'ailleurs il n'est pas très satisfait, il m'explique qu'il voulait une "petite piscine" (comme au précédent camping) et pas "une grande rivière comme ça". On l'emmène ensuite aux jeux qui sont à l'intérieur du camping et on rentre manger au coin du feu près de la tente.

Le lendemain matin, je tente de le convaincre de se baigner dans le petit bassin formé par la marée basse mais il n'y a rien à faire : c'est trop froid. Nous roulons ensuite jusqu'à Sept-Îles. C'est une sorte de grosse bourgade avec un joli centre le long du fleuve. Tandis que l'enfant profite des jeux, je vais me renseigner pour les excursions. En effet, la ville tient son nom du petit archipel qui l'entoure, les sept îles. La plus grande s'appelle "La Grande Basque", on peut prendre une navette qui nous y dépose pour s'y balader.

Je réserve la navette pour l'heure suivante et nous préparons quelques provisions et affaires pour pass l'après-midi sur l'île. Nous achetons nos sandwichs au "casse croûte du pêcheur" et sommes prêts à partir. La navette est en fait une grosse barque à moteur. On porte de grosses vestes / gilets de sauvetage. Je suis installée sur le rebord pneumatic de la barque, Seb est assis sur un petit siège à l'arrière et l'enfant est par terre à mes pieds assis sur une veste. La traversée secoue un peu et il s'accroche à ma jambe de toutes ses forces.

Nous arrivons à la grande basque. La navette nous dépose près d'une jolie plage avec de longs rochers plats et du sable clair. C'est là que nous pique-niquons sur une table face à la mer. Puis nous partons à la découverte de l'île. Nous n'avons ni le temps ni le courage d'en faire le tour complet qui doit faire environ 10 kilomètres. Nous visons simplement un point de vue à plus ou moins 2km du quai. L'île est recouverte de forêt et le chemin part à travers les bois. Bientôt nous débouchons sur une seconde plage toujours aussi magnifique et sur laquelle se trouvent plusieurs campeurs. Car en s'y prenant à l'avance, on peut en effet camper sur l'île. Mais ça demande une grosse organisation car les installations sont assez sommaires. L'enfant est dans le sac à dos sur son papa. Alors que nous avançons dans le bois, il s'endort. Nous arrivons devant le petit sentier qui rejoint le point de vue. Il est court mais raide et s'appelle d'ailleurs "la montée". Seb ne se sent pas de grimper avec l'enfant endormi sur son dos. On décide alors de faire ce dernier tronçon "en asynchrone". On pose l'enfant endormi dans son sac à dos par terre. Seb reste avec lui et je monte seule. Au départ, ça monte juste dans les bois avec quelques grosses marches mais bientôt il me faut pratiquement escalader les rochers pour continuer à avancer. Cependant, au sommet, la récompense est au rendez-vous. L'île s'étend devant moi avec ses collines couvertes de forêts et ses plages de rochers tout en bas. À l'est, je vois le reste de l'archipel se dessiner sur l'estuaire. De l'autre côté, on trouve le port de Sept-Îles dont nous sommes partis ainsi que le port industriel avec les ferris et les transport de marchandises. En effet, Sept-Îles est un des plus importants ports d'Amérique du nord pour les matières premières telles que le bois, l'aluminium et le fer.

Après avoir profité de la vue, je redescends et c'est à mon tour de garder l'enfant pendant que Seb monte. L'enfant se réveille avant le retour de Seb mais est encore un peu endormi et réclame le sac à dos pour la fin de la balade. Une fois sur la plage, il est bien réveillé et passe la dernière heure avant le retour à courir sur les rochers en inventant des histoires pendant que Seb et moi nous laissons reposer au soleil. La navette du retour secoue et éclabousse encore plus que l'aller. L'enfant emmitouflé dans son gilet de sauvetage est calé sur mes genoux en exigeant que je le tienne à chaque instant.

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Fjord du Saguenay

Jusqu'au dernier moment, nous hésitons sur notre prochaine étape. Notre idée initiale était de partir vers le nord ouest pour aller jusqu'à Chibougamau. Mais le temps s'annonce maussade ce qui nous fait hésiter. Finalement nous y renonçons. Cela nous permettra de faire des séjours plus longs et moins de journées de route. Et puis, il faut bien se laisser des coins du Québec à explorer pour faire vivre notre imaginaire. Un jour peut-être, nous partirons vers la baie James et les terres sauvages du nord.

Mais aujourd'hui, nous prenons la direction de l'est et longeons la rive nord du lac. Nous passons de jolis petits villages au bord de l'eau comme Peribonka où nous déjeunons. Puis voilà le moment de quitter le beau lac pour suivre le cours de la rivière Saguenay que nous traversons vers le sud au niveau de Chicoutimi. Peu de temps après, le paysage devient plus maritime : c'est le début du fjord du Saguenay qui rejoint l'estuaire du Saint-Laurent. L'air prend des parfums d'océan. Au bord de l'eau, on voit les étendues de sable de la marée basse. Nous dépassons le parc National du fjord puis tournons à gauche vers l'Anse Saint-Jean. C'est un joli petit village. On pourrait se croire en Skandinavie : des maisons en bois coloré entourées de bois profonds qui tombent dans le fjord.

Un camping est installé là et nous prenons un emplacement pour trois nuits. Il fait beau aujourd'hui et on se croirait dans un petit paradis. Nous avons un emplacement assez grand recouvert d'une belle herbe verte. À quelques mètres, derrière deux ou trois caravanes : le fjord s'étend avec ses reflets bleus et argentés. Le camping est installé autour d'une sorte de plage caillouteuse avec une rampe d'accès pour les bateaux. Il y a aussi une jolie piscine, une aire de jeux, des terrains de pétanque, une grande salle commune avec une cuisine partagée. Il se dégage de l'endroit une atmosphère chaleureuse et accueillante.

L'enfant a vu la piscine et la réclame à grands cris. Quand nous arrivons, il est presque 17h et elle est sur le point de fermer. Mais par chance, elle ouvre de nouveau à 18h pour la soirée. On a donc le temps de tranquillement installer la tente et même de faire quelques parties de pétanque. Les lancers de l'enfant sont très approximatifs mais comme nous sommes par ailleurs très mauvais, ça a peu d'importance. À 18h, il se précipite pour aller chercher son maillot. La piscine a le bon goût d'avoir une pataugeoire qui est pile à la bonne profondeur pour lui et il est ravi. Il faut savoir que l'enfant n'est pas un téméraire. Même emmitouflé dans son gilet de sauvetage Spider Man, dès qu'il n'a plus pied, il s'agrippe à moi de toutes ses forces en criant "j'ai peur ! J'ai peur !" et en hurlant si j'ose déplacer mon bras. Dans ce petit bain à son échelle, il est heureux et moi aussi. Après la piscine, viennent le dîner pique-nique puis un tour aux jeux. L'enfant se lie d'amitié avec un autre petit âgé d'un an de plus que lui. Du haut de ses 4 ans, il a assez de suite dans les idées pour mener les jeux et inventer des histoires que l'enfant n'est que trop heureux de suivre. Les voilà tous deux chevaliers dans un château à pousser des grands cris et à mener des aventures imaginaires. On a bien du mal à les séparer plus tard dans la soirée mais près de la tente, attend le traditionnel feu de bois et ensuite le sommeil.

Le lendemain, nous roulons jusqu'à la petite marina à moins de deux kilomètres. On y trouve un café boulangerie, une crêperie avec terrasse sur le fjord, quelques bateaux, une minuscule plage et un ponton avec des enseignes proposant des excursions. On réserve la balade d'une heure et demie qui part à 13h. On a un peu de temps alors on s'avance sur un chemin de randonnée qui rejoint un bout du parc national. Mais nous ne sommes pas équipés et la poussette ne passe pas sur le sentier. On marche un peu avec l'enfant puis on revient au port manger des crêpes avant la balade.

À 13h, nous embarquons comme prévu. C'est un joli bateau avec un premier pont abrité et un toit terrasse. Au total, il peut prendre une centaine de personnes mais nous ne sommes que quelques dizaines. Le guide parle dans un micro et nous présente le fjord. On apprend qu'il est très profond (250 mètres), qu'il a été formé par des glaciers qu'il contient beaucoup d'eau de mer et beaucoup de poissons. Nous sommes trop loin de l'embouchure pour espérer voir les baleines qui viennent ici se nourrir. Il aurait fallu prendre l'excursion de 4h qui rejoint Tadoussac. Mais ça nous a semblé trop long avec l'enfant. Nous comptons passer par Tadoussac plus tard dans notre voyage : on verra les baleines à ce moment là.

Pour l'instant, on admire la partie intérieure du fjord et ses immenses falaises de plusieurs centaines de mètres. L'enfant, lui, n'admire pas grand chose. Il s'agite et explore le bateau, s'asseyant ici puis là, posant beaucoup de questions et s'énervant pour des raisons pas toujours identifiées. Il est surtout fatigué (et donc pénible). Lorsque la balade s'achève, je décide de rentrer à pied avec la poussette tandis que Seb prend la voiture. Il y a environ 1/4 d'heure de marche jusqu'au camping ce qui est largement suffisant pour endormir l'enfant malgré ses jérémiades.

Arrivés à la tente, j'ai donc un joli moment de calme assise dans la douceur de l'après-midi. Seb, lui, part courir à l'assaut des montagnes. Moi, je me délecte du silence et de ma solitude jusqu'à ce qu'une petite voix s'échappe de la poussette "Maman ? Est-ce qu'on peut aller à la piscine ?". Alors bien sûr, on va à la piscine puis aux jeux d'eau qui sont juste à côté, puis dans les jeux.

Avant le retour de Seb, il y a un tout petit drame. L'ami de l'enfant est revenu lui aussi et ses parents nous invitent à les rejoindre sur la plage du camping. À peine arrivés, nous remarquons le ciel lourd. Le fjord brille de cette lumière si magnifique qui annonce les orages. Et voilà qu'au dessus des falaises apparaissent coup sur coup deux éclairs. Je n'ai même pas le temps de m'en inquiéter que mon attention se reporte sur l'enfant qui vient de trébucher dans les cailloux et de s'écorcher les genoux.

J'attrape donc mon fils ensanglanté et hurlant et rejoint notre emplacement. Nous sommes encore en maillot de bain depuis la piscine. Des gouttes de pluie commencent à tomber. Il y a du sang partout sur jambes et même sur moi. "Maman, toi aussi regarde tu as un bobo ! - Non mon doudou, c'est ton sang à toi ça". J'essaie de réfléchir et d'être efficace malgré les cris de l'enfant "Maman ! Maman ! Papa ! Ahh ! Ahh ! J'ai mal ! Maman !". Je prends nos vêtements, les pansements, des cotons et je nous amène à l'abri dans la salle commune. À peine ai-je refermé la porte que l'averse démarre pour de bon. Seb aussi a eu le temps d'arriver et d'éviter le déluge. Au calme et à l'abri, je peux enfin nettoyer la plaie sur le genou malgré les protestations véhémentes de l'enfant et recouvrir le bobo de quatre pansements de Spiderman. On se rhabille aussi et le bobo est presque oublié, surtout quand une femme arrive dans la salle apportant sa perruche en cage qu'elle vient mettre à l'abri.

L'averse se termine bientôt et la vie du camping reprend tranquillement. L'ami est toujours là, il vient inviter l'enfant dans sa roulotte. On le récupérera simplement pour le dîner (avec difficulté) puis les deux garçonnets joueront de nouveau ensemble jusque tard dans la soirée, inséparables surtout depuis qu'ils ont découvert qu'ils avaient chacun une figurine Spider Man. L'ami repart demain matin et on se sent désolés d'écourter une si belle amitié. De notre côté, nous avons passé la soirée à discuter avec les parents de l'ami, qui viennent de Trois-Rivières et avec trois jeunes français de Montréal. C'est finalement une nouvelle averse qui nous force à nous réfugier sous la tente pour la nuit.

Pour notre dernière journée ici, nous avons décidé d'aller randonner. Le temps est maussade mais ne devrait tourner à la pluie que cet après-midi. On quitte le camping dès notre réveil pour aller prendre le petit-déjeuner au café boulangerie de la marina. Nous achetons aussi des sandwichs et préparons nos sacs pour la journée.

Nous empruntons le même sentier que la veille mais équipés de façon adéquate. Sébastien porte l'enfant dans le sac à dos de randonnée. Avec les quelques affaires en plus, ça doit bien faire 20 kilos. Mon chargement à moi est beaucoup plus modeste et permet de compléter. Le sentier fait plusieurs dizaines de kilomètres mais nous ne visons qu'environ 8km aller-retour avec un petit dénivelé.

Le premier point de vue est indiqué à 1,5km. Cependant, l'essentiel de la montée est justement sur ce petit morceau. Sébastien, habituellement beaucoup plus rapide que moi sur l'ascension, est ralenti par son chargement ce qui me permet de ne pas être trop en rade. D'ailleurs, comme l'enfant est plutôt en forme, à la première pause il le dépose et il marche avec nous. Le chemin est très escarpé. Je lui tiens la main et le porte sur les plus grosses marches. Nous grimpons tout doucement mais avec entrain. Et nous voilà arrivés au premier point de vue. La forêt s'ouvre sur un gros rocher surplombant le fjord. Il y a un banc pour admirer le paysage. Après une agréable pause, l'enfant retourne sur le dos de son père et nous repartons. Bientôt, il s'endort malgré les secousses de la promenade. Il nous reste 3km jusqu'au prochain point de vue et objectif de la balade. Mais cette fois, la route est plus facile. On est sur du plat ou de petites pentes. Nous nous sommes replongé dans la forêt, s'éloignant du fjord et de ses magnifiques paysages. Nous rejoignons un très joli lac sauvage et traversons une rivière. Nous sommes complètement seuls sur ce chemin. Nous n'avons vu aucune autre voiture garée au départ et ne croisons personne. En fait, nous ne verrons d'autres randonneurs qu'au retour, proche du point de départ.

L'enfant s'est réveillé alors que nous longions le lac. Il s'impatiente un peu mais il ne nous reste que quelques centaines de mètres pour atteindre le second de vue. Nous voilà arrivés. De notre promontoire, nous observons la langue d'eau en contrebas et les quelques minuscules bateaux. Nous grignotons tranquillement nos sandwichs et repartons : nous voulons rentrer avant l'orage qui s'annonce. Le retour est plus facile car principalement en descente. L'enfant est réveillé et nous abreuve d'un flot continue de paroles, questions, chansons, onomatopées et autres interventions. Lorsque la descente devient trop abrupte, nous le faisons de nouveau descendre de sa chaise à porteur pour éviter que Seb ne se casse la figure (ce qu'il fera tout de même deux fois sans faire de blessés). Le sol humide est très glissant mais l'enfant est prudent et me tient fermement la main. Au bout d'un moment, il s'assoit sur un cailloux et déclare "moi je vais faire une pause ici pour me reposer". On comprend qu'il a fourni l'effort dont il était capable et il retourne dans le sac à dos pour la fin de la balade.

Lorsque nous arrivons à la voiture, l'air est lourd et chaud mais il ne pleut pas. Nous sommes en sueur. Nous retournons au camping prendre une douche puis j'emmène directement l'enfant à la piscine. Nous avons même le temps de nous rendre ensuite à la chocolaterie située à l'entrée du camping pour prendre un goûter avant que la pluie ne nous force à rentrer. L'averse éclate enfin et nous passons tout le début de la soirée dans la salle commune où nous prenons notre repas. Plus tard, la pluie s'est calmée et nous rejoignons deux autres familles installées près d'un beau feu sous le préau. Il y a plein d'autres enfants ce qui nous permet à nous la tranquillité car l'enfant est occupé. Le lendemain, nous nous réveillons au sec mais nous pressons de ranger les affaires. À peine ai-je replié la tente que l'averse éclate. Nous quittons le Saguenay sous la pluie.

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Lac Saint-Jean

Le lac apparaît comme la mer derrière la ligne dorée des champs de Colza. C'est la fin de l'après-midi et nous atteignons le bout de la route 155 qui relie Trois-Rivières au Lac Saint-Jean. Nous avons encore plus d'une heure de route pour rejoindre le camping que nous avons réservé du côté de Vauvert au nord ouest du lac.

Il est plus de 20h quand enfin nous arrivons, fatigués d'entendre pour la énième fois l'histoire du "Loup qui fêtait son anniversaire" qui nous a servi à faire patienter l'enfant qui, lui aussi, en a marre de la route. Fatigués mais efficaces. En moins d'une heure, la tente est montée, les affaires essentielles installées, et le repas de pâtes au pesto servis. Ce laps de temps est suffisant pour comprendre la principale difficulté du lieu remarquée aussi par l'enfant : "Maman, les moustiques, ils me grattent". Il est connu dans tout le Québec que la période critique pour les "bibittes" (maringouins, mouches noires et autres trucs qui piquent) est la fin juin / début juillet. N'importe qui qui a vécu ici vous raconte des histoires d'horreur de touristes attaqués par des nuages d'horribles bestioles assoiffées de sang. En partant après le 15 juillet, on pensait être épargnés. Mais visiblement, les moustiques du Lac Saint-Jean n'ont pas reçu la note indiquant que leur période active arrivait à terme. Ce n'est pas un nuage comme dans les descriptions d'horreur mais une présence multiple et constante qui bourdonne tout autour de nous. Au bac à sable, où je dois rester immobile à pousser l'enfant sur la balançoire, je crois devenir folle à chasser la dizaine de bestioles qui me tournent en permanence autour du visage. J'écourte la séance de jeux et nous rentrons vite nous installer sous la tente, protégés par la moustiquaire, où nous pouvons gratter en paix les bouton déjà nombreux.

La pluie arrive pendant la nuit. Au petit jour, nous sommes réveillés par les grondements de l'orage et les gouttes qui s'abattent sur la tente. Mais notre petit édifice est solide et nous restons au sec. Quand nous sortons, nous réalisons que la pluie est quasiment arrêtée. Par contre, les moustiques tout excités par l'orage sont virulents et nous cherchons à nous échapper au plus vite dès la fin du petit déjeuner.

Nos plans pour la journée ne sont pas encore bien arrêtés. On commence par aller voir la petite ville de Dolbeau-Mistassini mais le centre-ville n'est pas très engageant. Le supermarché beaucoup plus et on trouve de quoi se ravitailler. On va ensuite se promener dans le parc des Grandes Rivières où la rivière Mistassibi se jette dans la rivière Mistassini qui elle-même rejoint le lac. Le long du chemin, nous trouvons une petite plage au bord de la rivière. Le soleil est revenu. Nous sommes seuls sur la minuscule plage de sable entourée de forêts. La rivière, magnifique coule dans son large lit formant courants et petits rapides au loin. Elle est d'une couleur légèrement rouge, teinte acquise dans les tourbières du nord où elle prend sa source. Près de la plage, l'eau est calme et l'enfant qui s'est déshabillé, barbote avec délectation. Nous grignotons notre pique-nique les pieds dans l'eau dans le splendide paysage.

Plus tard, nous continuons la promenade et l'enfant s'endort dans la poussette. Assis à l'ombre, nous organisons la suite de notre voyage et de l'après-midi.

J'ai trouvé l'adresse d'une petite ferme qui propose de la cueillette de fraises. Nous nous y rendons au réveil de l'enfant. Il est possible de se promener pour regarder les animaux : beaucoup de poules aux allures des plus bizarre, des lapins, des chèvres, des cochons et même un alpaga. L'enfant est euphorique. Il court de clapiers en poulaillers ne sachant plus où donner de la tête. Il est très difficile de le convaincre après un moment de laisser les animaux pour aller cueillir les fraises. D'ailleurs, il n'est pas du tout convaincu et on doit littéralement l'arracher du lieu sous ses protestations véhémentes. "On revient tout à l'heure" lui assure-t-on mais ça ne suffit pas à le calmer. Heureusement, la crise ne dure pas, la longue énumération de tous les animaux servant de pis aller le calme et un peu et on peut arriver tranquillement au niveau du champs de fraises.

Une jeune femme nous donne deux belles barquettes que nous allons remplir. L'enfant comprend plus ou moins comment repérer les fraises mûres mais préfère la consommation directe à la collecte en barquette. Ça n'a pas d'importance et fait partie du plaisir de l'exercice. Bientôt nous repartons vers la ferme avec les deux barquettes pleines, délicieuses fraises qui nous dureront plusieurs jours. Tandis que nous payons les fraises, l'enfant peut retrouver les animaux. Cette fois, il accepte de lui même de s'en aller quand nous mentionnons la suite du programme : la plage.

C'est la fin de l'après-midi et nous avons rejoint la longue plage de sable qui jouxte le camping. Le lac Saint-Jean est naturellement entouré de belles plages de sable, rappelant le bord de mer. Ce sont les restes des roches montagneuses érodées par les anciens glaciers. Par ailleurs, l'eau est à température idéale, environ 20 degrés et la baignade est un régal. On reste ensuite à profiter du soir qui tombe sur la plage épargnée par les moustiques et ne rentrons à notre tente qu'à la nuit tombée.

Le lendemain, la météo annonce un grand soleil et nous décidons de nous rendre au Parc National de la Pointe Taillon sur les rives du lac. C'est quelques dizaines de kilomètres à l'ouest du camping et nous arrivons en fin de matinée. Le parc forme une longue langue de sable à l'embouchure de la rivière Péribonka. Il y pousse une forêt mixte de conifères et de bouleaux. On commence par pique-niquer sur la plage avant d'organiser notre après-midi. Le tour de la pointe est une boucle de 45 kilomètres. Le moyen de transport privilégié est le vélo. On se lance donc dans la location de deux vélos et d'une petite voiture remorque pour transporter l'enfant.

Ça doit faire au moins 10 ans que je ne suis pas montée sur un vélo. De mes différentes expériences, je garde un souvenir très mitigé et je n'ai jamais adhéré à la mode récente du vélo urbain. Je me lance un peu maladroitement mais je m'en sors sans trop de difficulté. On commence la longue piste qui longe la mer. Je suis devant, Sébastien me suit et tire la petite remorque et l'enfant qui, rapidement, s'endort. Les conditions sont assez idéales. Il ne fait pas trop chaud, il fait beau, le parcours est plat. Les premiers kilomètres se font sans difficulté. Vers le kilomètre 6, on décide de faire une courte pause. À peine arrêtés, des nuées de moustiques se précipitent sur nos peaux nues et transpirantes. La pause est de courte durée, à peine le temps de boire un peu d'eau et de jeter un œil au paysage. La vue est magnifique : sur la gauche de la piste, la rive du lac et ses sables ocres, noirs et dorés, à droite la belle forêt.

Nous repartons. Je commence à être un peu fatiguée et à l'effort s'ajoute maintenant la désagréable sensation des piqûres de moustiques que je ne peux pas gratter. Je me dis que cette balade confirme ce que je savais déjà : je n'aime pas vraiment le vélo. Je trouve qu'on avance trop vite pour vraiment profiter du paysage. Comme on roule l'un derrière l'autre, je n'ai même pas le plaisir de la conversation. La moindre minuscule montée me paraît d'une difficulté extrême surtout que je n'arrive pas à passer les vitesses. Je me sens malhabile et gênée par la moindre sensation de sueur ou la moindre poussière sur mon visage.

Au kilomètre 10, on s'arrête au niveau d'un petit point de vue. On est encore très loin de la pointe mais il n'est pas question pour moi de faire les 45 kilomètres de la boucle. Nous décidons de faire demi-tour. Cette fois, Sébastien part devant avec l'enfant et je suis à mon rythme assez lent. La fatigue et le manque de motivation sont plus forts qu'à l'aller mais au moins je vois les kilomètres diminuer. Ils sont indiqués sur des petites bornes et chacun d'eux m'apparaît comme une victoire. Je pense à la jolie plage sur le lac qui m'attend à l'arrivée. Je chante aussi pour oublier l'effort. Enfin, j' atteins le parking de l'entrée et le centre de location. Je rends mon vélo, bois goulument l'eau fraîche à l'entrée de la plage puis m'écroule sur une chaise en attendant Sébastien qui est repassé à la voiture. Mon corps est douloureux, je sens la fatigue dans tous mes muscles et je suis tentée de ne plus jamais me lever de cette chaise. Mais la perspective de la baignade me motive à bouger de nouveau. Après un long moment sur la plage, nous retournons vers le camping où un petit concert est organisé au bord du lac.

Le jour suivant est notre dernier dans ce lieu mais le temps n'est pas aussi beau que la veille. Il fait chaud et lourd. Nous roulons jusqu'à Saint-Félicien qui est un peu plus au sud. Nous errons un moment dans le centre-ville et dans le petit parc très kitsch qu'on y trouve jusqu'à ce que la pluie nous force à nous rabattre dans un restaurant. L'averse est intense mais courte cependant, le temps pour l'après-midi reste incertain. Nous décidons d'aller visiter le grand zoo réputé de la ville ce qui, quelle que soit la météo, plaira à l'enfant.

C'est une bonne surprise. Déjà le zoo est installé au milieu d'une magnifique nature, traversé par une superbe rivière et donc la promenade en elle-même est très agréable. Par ailleurs, de grandes passerelles sont installées au dessus des très larges enclos et on a de beaux points de vue sur les animaux. Enfin, dans toute une partie du parc, les animaux sont en semi liberté. On y accède par un petit train combinant ainsi deux grandes passions des jeunes enfants : les animaux et les petits trains. Le train avance dans la forêt sauvage traversant aussi des reconstitutions d'anciennes fermes et villages de bûcherons et l'on peut observer les ours, les orignaux, les caribous, les bisons, les chiens de prairie et autres. Le parcours dure une heure ce qui est un peu long pour l'enfant qui n'a pas fait de sieste et s'agite de plus en plus. Lorsque l'on sort, on a peine le temps d'aller voir le tigre (qui était réclamé à grand cri) qu'il s'endort dans sa poussette à bout de force. Il est endormi lorsque nous passons devant les castors du Canada puis les chameaux de Mongolie. Je le réveille brièvement pour qu'il voit la petite ferme mais même les lapins et les chèvres ne peuvent retenir son attention et il replonge dans le sommeil. Il dort toujours quand nous l'installons dans la voiture et dormira tout le trajet du retour.

Un orage a éclaté tandis que nous étions sur la route. À notre arrivée au camping, nous découvrons qu'il n'y a plus ni électricité ni eau ! L'électricité revient un peu plus tard dans la soirée mais il faudra attendre le milieu de la nuit pour avoir de l'eau. C'est notre dernière soirée ici et la seule que nous passons réellement au camping avec les moustiques. Après trois jours, l'enfant a tellement de piqûres qu'on croirait qu'il a la varicelle. Moi, je passe tout mon temps à me gratter. Excédée ce soir là, je me cache sous une espèce de vêtement-moustiquaire avec capuche. En effet, j'ai beau m'asperger d'anti moustiques, ils continuent de m'attaquer de toute part, me piquant à travers mes vêtements et sur le moindre bout de peau disponible. Le lendemain, nous remballons tout notre bazar qui s'organise peu à peu et quittons le magnifique lac et ses embêtants moustiques.

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