Des Frontières et des Monastères

Ce lundi matin, nous avons déposé la petite famille tôt à l'aéroport de Dubrovnik pour leur avion de 9h. Nous ne sommes plus que deux avec encore une semaine devant nous et pas de planning précis. J'aime me retrouver sur la route, passeport en poche, libre, sans réservation, sans savoir où l'on passera la nuit ce soir.

Nous avons gardé un mauvais souvenir du passage de la frontière sur la grande route qui relie Dubrovnik à Herceg Novi. Hier, dans le sens Monténégro-Croatie, c'est passé très vite, mais nous avons pu voir une file de voitures côté croate similaire à celle où nous sommes restés 3h il y a deux semaines. L'idée de nous retrouver coincés au même endroit une seconde fois est juste trop désagréable : nous prendrons une autre route.

Comme nous voulons aller vers le nord, l'idée est de passer par la Bosnie ce qui, par ailleurs, flatte notre esprit voyageur : encore un nouveau pays. Le passage de frontière Croatie-Bosnie se révèle quasi instantané. Il n'est même pas 11h quand nous arrivons dans la jolie petite ville de Trebinje. Nous sommes en Herzégovine, et en République Serbe de Bosnie. Pendant la guerre, Trebinje servait de base militaire aux serbes, en particulier lors du siège de Dubrovnik. Les conflits ont accentué les polarisations de population et d'après Wikipedia, la grande majorité des habitants est maintenant serbe. Cependant, on trouve dans la vieille ville une mosquée du 18ème siècle qui a échappé aux destructions.

Notre premier soucis est de tirer de l'argent bosniaque. Pas très sûrs du temps que nous allons passer, nous prenons 200 marks mais très vite, nous réalisons que c'est trop. En effet, les prix nous semblent incroyablement bas et comme il est encore tôt, nous ne passerons certainement pas la nuit en Bosnie. La ville est agréable. Après la frénésie de la côte, il est reposant de se retrouver dans un endroit calme, une vieille ville pas encore envahie par le flot touristique. Nous marchons dans ses jolies rues, tournons un peu en rond, puis terminons sur une jolie place animée d'un marché. Installés à la terrasse d'un hôtel, nous déjeunons de fromage et jambon.

Que faire à présent ? Nous avons récupéré des plans à l'office du tourisme. Il n'y a pas énormément d'informations mais visiblement, l'attraction locale est de visiter des monastères. Il y en a un qui domine la ville sur une colline, c'est là que nous allons d'abord. Nous n'avons aucune idée de ce que nous visitons. C'est une jolie petite église orthodoxe en briques rouges et entièrement peinte à l'intérieur. En réalité, c'est une copie récente d'un monastère du 14ème siècle situé au Kosovo. Il offre aussi un beau point de vue sur la ville et la plaine desséchée sous le soleil. La rivière Trebisnjica serpente et on voit le joli pont à arches du 16ème siècle dont la photo est partout.

De là haut, nous reprenons la route avec l'idée de trouver les autres monastères. Nous suivons le panneau vers "Saint-Pierre Saint-Paul" qui mentionne aussi une grotte. Seulement les indications sont très parcellaires. Elles nous envoient dans une direction puis ne nous donnent plus aucune information, nous laissant rouler des kilomètres dans la plaine poussiéreuse. Nous faisons demi-tour, explorons les chemins, visitons de charmants villages. À chaque fois que nous pensons laisser tomber, nous découvrons un nouveau panneau à moitié caché qui semble contredire le précédent et nous partons explorer une nouvelle route. À un moment, perdus dans la campagne, Seb remarque un plan affiché en grand : c'est sans doute une carte touristique et le monastère y sera indiqué ! En réalité, c'est un plan des terrains minés dans les environs... Alors que nous avions perdu tout espoir, Seb, pris d'un doute, s'arrête au bord d'un chemin. Le monastère est juste là. On ne trouve ni la grotte, ni les ruines du V ème siècle, seulement quelques bâtiments modernes en pierre, assez mignons. Mais cette fois, ça nous suffit et on repart vers le Monténégro. En chemin, on se demande ce qu'on va faire des plus de 100 marks qu'il nous reste : acheter 200 boules de glaces ? 300 litres d'eau ? 400 cartes postales ? Finalement, nous pourrons les changer à l'aéroport au retour et récupérerons un peu plus de 50 euros.

La route longe la rivière Trebisnjica où nous croisons quelques baigneurs. Plus nous avançons, plus le paysage devient vert et escarpé. Nous montons petit à petit dans la montagne. Puis la rivière disparaît et nous voilà au milieu de hautes falaises et de panoramas époustouflant. Le paroxysme est atteint au niveau de la frontière, au sommet d'un pic rocheux. Il n'y a aucune attente au passage du premier poste de douane pour quitter la Bosnie. Nous nous félicitions déjà de ce chemin et d'avoir ainsi évité les 3h de queue du passage Dubrovnik-Herceg Novi, quand nous voilà bloqués entre les deux postes frontières, pour entrer au Monténégro. Il n'y a pas énormément de voitures mais ça n'avance juste pas. Pendant deux heures, nous pouvons admirer le panorama… Dans la file de voitures, ça commence à s'énerver. Il y en a qui doublent tout le monde, d'autres qui klaxonnent, on entend des disputes qui éclatent. Il y a tout un groupe d'Italiens. Certains semblent parlementer avec les douaniers sans grand succès. La plupart du temps, ils courent juste d'un véhicule à l'autre à travers la file comme pour apporter une information urgente suivant une logique qui m'échappe. Enfin, nous atteignons le poste frontière et là, comble de l'absurdité, le douanier n'ouvre même pas les passeports ! Il les prend en main avec les papiers de la voiture et nous pose une question que nous ne comprenons pas. Alors il nous les rend et nous fait signe d'avancer… Nous voilà à nouveau au Monténégro.

Nous roulons encore jusqu'à Niksic où nous voulons passer la nuit. C'est une ville sans grand intérêt, qui rappelle surtout le passé communiste du pays dans son architecture. Il y a très peu d'hôtels. Celui où nous voudrions aller est plein : ils nous en conseillent un autre mais les critiques sur internet parlent de puces, de chambres sales et du "pire hôtel" et en plus, cher. Sur booking, on trouve surtout des chambres et appartements. Seb nous conduit au milieu de nulle part, dans une maison avec jardin où un vieux monsieur nous propose des lits dans une cave pour 10 euros. Nous continuons de chercher. Je trouve un établissement "Orange guest house" sur booking. Mais à l'adresse indiquée, il y a un club de karaté et un vendeur de parquet. Cependant, j'ai bien envoyé une réservation et cherche à contacter l'hôte. C'est lui qui m'écrit sur Whatsapp : il ne peut pas nous donner la chambre sur booking mais nous propose l'appartement de sa voisine au même prix "tout neuf". Il fait presque nuit, nous sommes fatigués, nous l'attendons las et résignés. L'appartement de sa voisine est à 5 minutes à pied. Quand il dit neuf, cela signifie "pas terminé" : les escaliers ne sont pas peints, il manque la moitié des meubles dans l'appartement. Mais bon, il y a des lits et on en a marre de chercher, on paye les 25 euros et on va dîner en ville en haut de la grosse colline. Il n'y a pas de clim dans l'appartement, la fenêtre ne s'ouvre pas complètement et il fait chaud : on aurait du prendre les lits dans la cave, au moins on aurait été au frais !

Le lendemain, avant de monter vers les montagnes du Durmitor au nord du pays. Nous descendons de quelques kilomètres au sud pour visiter le célèbre monastère d'Ostrog. Il se situe au bout d'une jolie route de montagne. Plus on avance, plus cela devient compliqué de se croiser. Surtout, que régulièrement, il faut composer avec des gros bus de touristes. Nous montons aussi haut que possible mais, une fois garés, il faut encore grimper un long escalier, heureusement ombragé. Là haut, nous sommes accueillis par de la musique liturgique déversée par des hauts parleurs. Les bâtiments du monastère sont directement logés dans la montagne. La plupart ont été détruits par un incendie et reconstruits en 1926. Il serait intéressant de visiter l'intérieur mais la file de pèlerins est longue et s'étale sous le soleil de midi. Mon ardeur religieuse n'étant pas très développée et mon intérêt architectural vite modéré par la perspective d'attendre en plein soleil, nous nous contentons de la vue extérieure sur la belle église blanche. Nous reprenons le chemin de la voiture et roulons cette fois vers le nord, vers le Durmitor.

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Côte Adriatique 2 : malades au Monténégro

Il nous reste encore une journée à Ulcinj après la grande excursion au lac Skadar. Nous avons surtout prévu de nous reposer et de retourner voir plus tard la grande plage de sable. Mais dès le matin, la petite se plaint d'un mal de ventre. Assez vite, il devient clair qu'elle est malade et souffre d'une sorte d'intoxication alimentaire. Nous patientons alors tandis que la journée passe doucement, nous écrasant de sa chaleur dans l'appartement non climatisé. Nous discutons avec les Russes en bas pour voir s'il est possible de faire venir un docteur. Ils nous donnent l'adresse d'un centre de soin. La petite s'est endormie : nous irons si son état empire.

En attendant, dans la moiteur brûlante de la fin d'après-midi, Seb et moi décidons de descendre à la plage. C'est en remontant que les choses se gâtent. Tout commence par une légère nausée puis Seb me dit que lui aussi a mal au ventre. Très vite, impossible de nier l'évidence : nous sommes malades nous aussi. La soirée puis la nuit arrivent. Nous sommes étendus dans cette chambre trop chaude, à nous tordre de douleur sur le lit. La malchance veut que l'eau et l'électricité soient coupées plusieurs heures ce soir là. Il faut se débrouiller avec un gros bidon d'eau laissé en prévision par le propriétaire. Heureusement, la petite va mieux que nous et dort à présent. L'eau revient dans la nuit : je prends plusieurs fois des douches froides pour me rafraîchir. Ce n'est que vers 4h que je m'endors d'un sommeil douloureux.

Le lendemain, nous nous réveillons encore très faibles. Impossible pour moi de manger quoi que ce soit : je bois avec difficulté une tisane sucrée. La petite va mieux. Elle ne mange pas beaucoup mais semble en pleine forme. Nous devons déménager aujourd'hui. Le Russe nous a proposé de rester une nuit de plus mais nous avons réservé notre prochain logement et, par ailleurs, il devrait être plus confortable. Cependant, Seb et moi avons beaucoup de difficultés à ranger nos affaires. Nous commençons par dormir toute la matinée et ce n'est qu'en début d'après-midi que nous lançons le départ. Après chaque mouvement, il nous faut 5 minutes de repos. Heureusement, la maman va bien ainsi que le bébé. Voilà qui me fait soupçonner très fortement la baignade dans le lac d'être la cause de nos malheurs. Je revois très distinctement la petite avaler goulument des gorgées entières de cette eau douce et tiède tandis qu'elle nageait près du bateau. Nous aurons plus tard la confirmation que nous ne sommes pas les seuls touristes à avoir souffert d'une telle mésaventure…

La maman s'est occupée de ranger l'appartement. Seb et moi nous traînons tels des loques jusqu'à la voiture. Seb est déshydraté et trop faible pour conduire. Moi, je vais mieux, je manque de force mais tant que je suis assise, ça va : c'est moi qui prends le volant. Il n'y a que 45 minutes de route, nous remontons la côte vers le nord jusqu'à la petite ville de Petrovac. Nous sommes accueillis par un couple de Russes. Ils possèdent le petit immeuble dans lequel nous logeons et sont installés dans l'appartement au dessus du notre. L'immeuble en question n'est pas terminé : il reste des plateformes de béton brut hérissées d'acier, la porte-fenêtre de la chambre donne sur un trou en friche. Mais dans ma fatigue, l'appartement m'apparaît comme un havre. Il est neuf, clair et frais. Je m'étends sur le canapé blanc et regarde la mer en contre-bas dans la fraîcheur de la climatisation… La journée s'écoule ainsi. Seb parle d'aller à la plage mais s'endort finalement. La petite, qui va mieux, s'ennuie un peu. Heureusement, la propriétaire nous a apporté une collection de DVD de dessins animés en russe...

Le lendemain, après une nuit de repos, Seb et moi allons mieux. Je peux recommencer à me nourrir, doucement et prudemment. Cependant, c'est la petite qui a fait une rechute et est à nouveau malade. Inquiets de cette dégradation, nous cherchons les adresses des centres de soins et hôpitaux à Budva et Bar, les deux villes dont nous sommes le plus proches. Les propriétaires russes viennent à la rescousse et trouvent, enfin, à nous appeler un médecin ! Les autres partent faire des courses et je reste garder la petite qui s'est mise en boule sur le canapé.

C'est notre troisième journée de maladie, la deuxième dans ce bel appartement. Je passe mon temps à regarder la vue magnifique par la fenêtre. Le matin, la mer et le ciel sont d'un même gris vaporeux, séparés seulement par la ligne, plus sombre, de l'horizon. Puis, tandis que le ciel reste clair, presque blanc, la mer prend son bleu profond et vif qui tranche le paysage. Enfin, le soir, les deux se confondent à nouveau, rose, orange, rouge, dans l'explosion du crépuscule.

La docteure est arrivée. Elle ne parle pas anglais : nos échanges se font par gestes et par Google translate. Elle examine la petite : il n'y a rien d'alarmant, il faut seulement faire attention à la déshydratation. Elle nous laisse une ordonnance et malgré la différence de langue et les bizarreries de la traduction automatique, nous comprenons à peu près les instructions. Est-ce le sirop ou simplement que la crise est finie ? En tout cas, le soir, la petite va beaucoup mieux et après être restés enfermés tout ce temps, nous n'en pouvons plus et décidons de sortir. Nous arrivons à la plage de Lucice à la nuit tombante et Seb et moi prenons un bain nocturne.

Après ces trois jours de maladie accompagnés de leurs éprouvantes mauvaises nuits, la journée suivante n'est pas de trop pour reprendre des forces. Nous ne sortons que dans l'après-midi et redescendons à la plage. Petrovac est une ville de vacances, elle ne semble être faite que d'appartements saisonniers. Ses rues sont pleines d'un flot continue de familles en maillots de bain, de paréos et de parasols, de grosses bouées et de serviettes de bain. La plage de Lucice est moins agréable en journée que le soir : pleine de monde, il est difficile d'y trouver une place et l'ombre est rare. On s'est finalement installé dans un petit coin et nous profitons tout de même de cette belle mer Adriatique et du toboggan aquatique qui fait le bonheur de la petite. Le soir, nous prenons la voiture jusqu'à Budva, à 20 minutes au nord. On quitte l'ambiance gentiment familiale de Petrovac et on arrive dans le monde bling-bling d'une ville côtière branchée. Ici, ce sont les boîtes de nuit et les bars de luxe qui étalent leurs affiches et leurs terrasses pleines de cocktails colorés. Dans le port, les yachts à trois étages rivalisent de m'as-tu-vu. Quand on voit des groupes d'hommes bedonnants discutant affaires en sirotant un apéritif sur l'un de ces bateaux à pavillon italien, on se croirait dans un épisode des Soprano. La vieille ville est, encore plus qu'à Dubrovnik et Kotor, envahie par les boutiques où des vendeuses nous servent des sourires froids et fatigués. Derrière ce flot consumériste, difficile d'apprécier la beauté du lieu… Nous trouvons cependant un restaurant agréable et terminons ainsi notre soirée.

C'est déjà le dernier jour pour la petite famille qui nous accompagne. On profite une dernière fois de Lucice puis on part faire un tour en voiture jusqu'au parc du Lovcen. On monte en voiture jusqu'au sommet d'une montagne où l'on trouve l'étrange mausolée de Petar Il : son tombeau, tel un temple moderne, surplombe les collines décharnées du parc, poussiéreuses dans cette chaude journée d'été. La balade au Lovcen vaut surtout pour la route que nous prenons ensuite qui redescend vers Kotor. La baie, qui ne cesse de nous surprendre par sa beauté, apparaît d'un seul coup, presque dans son ensemble, argentée et brumeuse, mystérieuse dans le ciel du soir. Et ce soir, justement, nous retrouvons Kotor, animée par la fête du carnaval. Après le dîner, nous regardons défiler les groupes costumés. Les peaux moites se couvrent de sueur dans la chaleur nocturne qu'aucun souffle de vent ne vient rafraîchir. L'unique route est bloquée par le carnaval, nous n'avons d'autre choix que d'attendre la fin du défilé en tentant de se rafraîchir en mangeant des glaces.

Le lendemain, nous remontons une dernière fois la côte : Budva, Tivat, le bac qui traverse la baie, puis Herveg Novi et la frontière. La maman, la petite et le bébé repartent depuis Dubrovnik et nous entamons à deux la dernière partie de notre voyage…

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Côte Adriatique 1 : Ulcinj et lac Skadar

Les villes de la côte Adriatique n'ont pas le charme des villages de pierre de la baie de Kotor. On y trouve des tours de béton décorées d'appareils de climatisation, des complexes touristiques, des hôtels aux publicités criardes. Sur la route, de vieux monsieurs brandissent d'un air las des panneaux indiquant "sobe" (chambre) ou "apartmani". Cependant, entre les villes, la nature reprend ses droits et le paysage sa splendeur. Les falaises abruptes, surmontées de forêts ou parsemées d'oliviers parmi les buissons, tombent dans une mer d'azur. Au détour d'une route, des baies magnifiques apparaissent soudain, décorées de petites criques de galets ou d'îlots sauvages : la beauté derrière les barres de béton.

Sur la route du sud, nous décidons de nous arrêter à Sutomore avec l'idée d'y déjeuner. Ce nom, "Sutomore" m'évoquait sans raison une certaine poésie. Cependant, la ville n'est qu'un gros caillou de béton en plein soleil. Nous garons la voiture dans un parking poussiéreux et nous installons dans un café tandis que Seb va explorer la plage : peut-être peut on manger près de la mer. Sa description ne nous fait pas très envie : aucune ombre, seulement une marée de parasols, chaque centimètre carré semble occupé, les vacanciers s'installent même près de tas de bouteilles vides et autres petites ordures. Nous laissons tomber l'idée de la plage et partons plutôt vers la rue marchande. Les petites boutiques bruyantes et colorées offrent pléthore de babioles en plastique à des prix dérisoires. La petite voudrait tout acheter... Là on s'installe dans ce qui semble être un restaurant de burgers.

On est loin du cadre idyllique de Kotor et d'ailleurs les touristes d'Europe de l'ouest ne sont plus là et les serveurs ne parlent que très mal anglais. On soupçonne la foule de gens qui nous entoure d'être plutôt locale ou alors serbe ou russe. Les prix, eux aussi, ne sont plus les mêmes. À Kotor, on pouvait se faire une idée du revenu local dans les boulangeries où on achetait de grandes quantités de pain pour quelques euros à peine. Mais dans les restaurants, on était bien en prix français ! Un plat coûtait facilement entre 10 et 20 euros voire plus. Ici, on mange à 4 pour 15 euros. Et, à notre grande surprise, c'est très bon. On nous sert des plats locaux de type cuisine familiale : goulash et une sorte de hachis au poulet.

Encore un peu de route et nous voilà arrivés dans notre location, à quelques kilomètres au nord d'Ulcinj. Nous sommes dans un petit village : quelques maisons parsemées dans la montagne et la mer juste en dessous. Nous logeons à l'étage d'une maison de vacances. Notre hôte est un Russe de Saint-Petersbourg qui se montre très aimable bien qu'il ne parle ni français ni anglais. C'est un logement assez simple, le moins cher de notre séjour à 30 euros la nuit. Mais, à ce prix là, pas de clim et un confort basique. Les fenêtres sont toutes tendues de moustiquaires ce qui permet de les laisser ouvertes. Il y a une petite cour avec des chaises longues, ombragée par une vigne.

En descendant 5 minutes à pied la petite route au milieu des oliviers, figuiers et grenadiers, on arrive sur une jolie plage. On y trouve un petit hôtel et un café, des parasols installés un peu partout. Le sol est un mélange de galets, rochers et sable.

Le lendemain de notre arrivée, nous décidons d'aller jusqu'à Ulcinj. C'est une ville de taille moyenne plutôt agréable. Elle est un peu touchée par la folie consumériste de la côte mais de façon moins extrême qu'ailleurs. Nous sommes à la pointe sud du Monténégro, très proche de l'Albanie. Et d'un point de vue culturel, c'est déjà l'Albanie : ici les gens parlent en majorité albanais et sont musulmans. D'ailleurs, une jolie mosquée dresse son minaret en face de la plage couverte de parasols et de vacanciers. On trouve ici la même frénésie brouillonne de cité balnéaire que partout sur la côte. Nous déjeunons dans un kebab assez bon où ils servent, pour mon grand plaisir, de l'Ayran, ce lait-yahourt que l'on trouve du Magreb à la Turquie (et ici visiblement). Au dessus de nous, la vieille ville nous regarde du haut d'un gros rocher mais il fait trop chaud pour nous y rendre maintenant.

Lorsqu'on dépasse Ulcinj, vers le sud-est de la ville, le paysage change subitement. On quitte les reliefs qui suivaient la côte et on arrive sur une grande plaine mouillée de marais où poussent des pins dans une poussière jaune. Derrière les pins : une immense plage de sable qui doit bien faire 20 kilomètres de long. C'est là que nous allons nous baigner ce premier après-midi. Nous avons roulé un certain temps sur la route de cailloux puis tourné au hasard peut-être au tiers de la longueur. Il y a beaucoup de monde mais comme la plage est grande, on a tout de même de l'espace. Il souffle un léger vent. Les parasols se perdent à l'infini dans un mélange de sable et de soleil. Vers le sud, on aperçoit dans la brume les montagnes de la côte albanaise. Nous nous sommes installés d'office sur les chaises longues d'un parasol pour profiter de l'ombre. Partout, les plages sont envahies d'emplacements payants que l'on peut louer pour la journée. Cependant, l'après-midi étant déjà bien entamée, personne ne vient nous chasser ou nous réclamer de l'argent. Tant mieux : il nous est impossible de rester en plein soleil et le confort des chaises est appréciable. Les enfants s'amusent dans le sable; des vendeurs ambulants nous proposent babioles et sucreries. La mer est chaude, on s'y enfonce très progressivement et il faut marcher longtemps pour ne plus avoir pied. Nous nous baignons avec langueur et laissons ainsi doucement couler l'après-midi…

Le jour suivant n'est pas non plus très actif. En début d'après-midi, on se rend à pied à une autre plage accessible depuis chez nous mais plus lointaine. Là bas, on déjeune dans un petit restaurant. Pour se baigner, c'est plus compliqué : il fait encore très chaud et l'ombre est rare. On trouve à s'installer sous un buisson et rejoignons l'eau claire. La plage est faite de galets et, dans l'eau, on trouve des algues et des oursins qui rendent toute avancée périlleuse. Cela explique pourquoi il n'y a pas grand monde. Nous voyons "notre" plage un peu plus loin et décidons de la rejoindre par le rivage. Cela s'avère plus long et plus compliqué que prévu. Nous crapahutons dans les cailloux, sous le soleil tapant, portant le bébé, les serviettes et toutes les affaires. La petite saute sur les rochers sans aucun problème et s'amuse beaucoup.

Le soir, nous sortons de nouveau et allons cette fois visiter la vieille ville d'Ulcinj. Elle est toute petite sur son promontoire rocheux et paraît presque abandonnée. Comme elle offre une magnifique vue, elle est envahie d'une multitude de restaurants qui se disputent les touristes. Il y a deux mondes. En haut, on trouve celui de la vieille ville où les menus sont en anglais et allemand, où les plats sont luxueux et chers et les terrasses rivalisent de romantisme. En bas, la ville nouvelle avec ses vendeurs de kebabs, sa musique trop forte, ses babioles à 1 euro et sa foule. En journée, la foule est sur la plage, se serrant sous les parasols ou brûlant ses peaux trop blanches au soleil. Le soir, elle est dans les rues. Nous la croisons alors que nous redescendons en voiture du restaurant. La rue est noire de monde, vibrante d'une frénésie nocturne pleine de lumières clignotantes, de bruit et de musique.

Le jour suivant est celui de notre grande expédition vers le lac Skadar. Nous partons dans la matinée et prenons la petite route qui monte vers le nord. Nous quittons ainsi la côte et parcourons une jolie campagne plantée d'oliviers. La route monte petit à petit et nous apercevons au loin la mer. Et puis, au passage d'un col, voilà d'un seul coup le lac. Il s'étend, immense, magnifique, aussi bleu que le ciel qui se perd au loin dans la brume poussiéreuse du soleil de midi. Quelques îlots s'y découpent, formant des tâches vert sombre. Nous descendons vers la rive, prenant une route au hasard. Nous pique-niquons au milieu de nulle part, installés dans la voiture, le lac à nos pieds. Puis nous longeons la rive sud pour rejoindre Virpazar. La route est d'une beauté à couper le souffle. Nous sommes à flanc de montagne, serpentant le long d'une pente raide pleine de cailloux, desséchée sous le soleil. Et cette pente jaune et poussiéreuse tombe directement dans le lac juste en dessous de nous. Ce sont des couleurs vives et tranchées, exacerbées par le soleil, une impression de vertige et de beauté. Puis, le paysage se calme, il se perd au loin dans des collines bleutées au creux desquelles on trouve Virpazar. C'est une toute petite ville : un café, un pont, une rivière avec des bateaux. À peine arrivés, nous trouvons à faire une balade sur le lac. Nous sommes dans une grosse barque à moteur avec un petit groupe de touristes et avançons lentement au milieu des nénuphars. On peut observer les multiples oiseaux et le paysage enchanteur fait de collines et d'eau. Plus loin, quand il n'y a plus de nénuphars, nous pouvons nous baigner depuis le bateau. Il faut sauter de la petite échelle. La petite a mis ses brassard et se régale. Nous nageons avec plaisir dans l'eau tiède. Aussi agréable qu'elle fut, noys soupçonnons cette baignade d'être la cause de plusieurs jours très douloureux (à suivre..). En attendant, la promenade en bateau est terminée et nous rentrons chez nous par la route rapide qui rejoint la côte par un tunnel sous la montagne…

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