8h30, la voiture, une nouvelle fois, ne veut pas démarrer. Cela retarde un peu notre départ, il faut être patient. Nous rejoignons Ajim où nous prenons le bac. Puis nous remontons la côte vers Gabes. Nous aurions voulu visiter Gabes, mais Sphax est plus loin que ce nous pensions et nous préférons y aller directement. La route entre Gabes et Sphax est rectiligne et en bon état. La mer est sur notre droite et nous voyons par ailleurs le paysage changer au fur et à mesure que nous montons vers le nord. D'autres arbres poussent parfois en plus des éternels oliviers, on voit quelques champs verts et de l'herbe à la place de la terre desséchée. Nous passons dans des petites villes beaucoup plus pauvres que Djerba. Nous voyons quelques étals de poteries mais qui semblent être destinés aux locaux plus qu'aux touristes. Nous passons aussi au milieu de gargotes où pendent  des moutons dont la viande grillée est servie sur des tables en plastiques. Les serveurs font des grands signes aux voitures pour qu'elles viennent s'arrêter manger chez eux.

En arrivant près de Sphax, nous découvrons de grandes usines fumantes entourées de montagne de matière blanche : ce sont les usines de phosphates qui font vivre la ville. Sphax est une ville industrielle, peu touristique, beaucoup plus grande que toutes les villes de Djerba. Les habitations sont plus denses, plus hautes, moins uniformes. On traverse de petites banlieues formées d'immeubles de quatre ou cinq étages. A travers les rues animées et pleines de voitures, nous rejoignons le centre et nous garons au pied des remparts. La ville de Sphax possède une très belle médina entourée de remparts mais qui n'est pas connue des touristes. Nous entrons par une petite porte, derrière les hautes murailles en pierre ocre, et nous trouvons au milieu d'une rue déserte et poussiéreuse. La médina n'a pas été rénovée et n'est pas policée comme les lieux touristiques. Sur les murs, la peinture s'écaille, devant les maisons, on trouve parfois des ordures entassées. Mais elle a le charme de ces lieux encore vivants et authentiques avec ses hautes habitations percées de petites fenêtres. On ne retrouve pas l'unité de Djerba, tout n'est pas blanc et bleu. Mais à chaque angle, on tombe devant une magnifique porte sculptée ou un balcon coloré.

Arrêtés devant un musée, nous nous sommes fait indiquer un restaurant. C'est une sorte de cafétéria, pleine de tunisiens et tunisiennes prenant leur pose midi. Dans l'animation générale, nous commandons couscous, viandes et poissons grillés. Après le thé à la menthe, nous repartons à l'assaut de la médina. Le guide du routard bien en main, nous nous dirigeons à travers les petites rues étroites. Nous voulons voir la grande mosquée. Nous traversons le souk très animé mais qui, ici, n'est pas une attraction pour les touristes. En effet, ce sont des tunisiens qui font leur courses et les vendeurs ne nous appellent même pas, nous passons comme inaperçu. La mosquée est au coeur de cette animation, il faut lever la tête au dessus des boutiques pour la voir. Nous ne pouvons pas visiter l'intérieur (surtout nous, les femmes) et faisons le tour de ses murs pour apercevoir son minaret. De l'autre côté, le marché continue dans un dédale de rues couvertes emplies d'une foule bruyante.

Nous retournons vers le musée qui donne sur une petite place ombragée où se tient un marché à fripes. C'est le musée de l'architecture traditionnelle qui est installé dans un angle de la médina, au niveau de la casbah. Nous sommes les seuls touristes et le conservateur nous fait une visite guidée. Le musée est très bien fait, il expose tous les matériaux de constructions et les différents styles avec de nombreuses explications. A travers l'architecture, on trouve une description complète de la vie des anciens habitants de la médina : l'hiver, petite maison à cour intérieure avec simple façade sur la rue et l'été, grandes propriétés agricoles pour la famille. On peut descendre en sous sol où se trouve une ancienne mosquée, témoin du niveau d'origine de la médina.  On peut aussi monter sur les remparts et en haut des tours de la casbah pour voir la ville. La médina s'étend à l'ouest, on voit tous les toits recouverts de paraboles et de cordes à linge d'où s'échappe au loin le minaret de la grande mosquée. A l'est, c'est la ville française beaucoup plus récente. Autrefois, la mer venait lécher le pied des remparts, mais les français à coup de remblayage l'ont repoussée de plusieurs centaines de mètres, et toute cette partie de la ville date donc de la période coloniale. Enfin, la ville s'étend à présent au delà de ses anciennes frontières en de nouveaux quartiers pour faire face à son développement économique. Au loin, les grosses montagnes de phosphate qui font vivre la ville mais tuent ses habitants.

Il est déjà près de 16h et nous quittons la ville de Sphax car nous avons encore beaucoup de route. Le soleil descend déjà quand nous rejoignons Gabes et nous n'irons donc pas nous promener dans la palmeraie. Le soleil se couche sur le paysage redevenu désertique et il fait déjà nuit quand nous arrivons au bac. Nous voulions surtout éviter de rouler la nuit sur le continent, nous ne savons pas si le risque est réel, mais la Tunisie traverse tout de même une période un peu trouble et certains pourraient profiter du flou actuel et de l'affaiblissement de la police. Nous n'avons pas réussi à rentrer avant la nuit mais nous avons limité les risques en nous rapprochant au maximum de l'île.

Le soir, nous rendons la voiture, le voyage touche à sa fin, il ne nous reste plus qu'une journée sur la belle Djerba.