Gerardmer 2021 - 2ème partie

Vendredi matin, nous avons donc déjà vu la moitié de notre programme et nous avons décidé de notre planning jusqu'au dimanche soir. Cet après-midi, nous voyons deux films. Nous commençons avec l'australien Sweet River de Justin McMillan. Au milieu des champs de canne, une femme retourne dans la petite ville où son fils a disparu quelques années auparavant, vraisemblablement tué par un serial killer. Elle veut retrouver son corps et déterre surtout les secrets de cette ville marquée par la tragédie. Il y a de la tristesse, de la douceur et des fantômes d'enfants morts. C'est assez joli mais cela reste assez convenu et risque de sombrer dans l'oubli.

Le second film de l'après-midi est le coréen The Cursed Lesson de Kim Ji-han et Juhn Jai-hong. Ça commence assez bien. Une femme cherche à faire une cure de beauté dans un institut de yoga ultra select. Il y a une ambiance épurée très étrange et malsaine. Les clientes de l'institut commencent à avoir des visions terrifiantes. L'histoire n'est pas toujours facile à suivre mais on se prend au jeu. Et puis ça se délite. Non seulement on ne comprend plus grand chose mais on doit se farcir des explications lourdes et alambiquées. C'est dommage car on sent vraiment un potentiel qui n'a pas été exploité faute d'un scénario qui tienne la route. C'est le seul film de la sélection que je trouve vraiment raté.

Le soir, on voit d'abord le court métrage La Nuit m'appelle illustrant un fantasme vraiment bizarre qui me laisse un peu sur le carreau. Puis on enchaîne avec l'attendu Possessor de Brandon Cronenberg, le fils de... Une femme est une tueuse à gage un peu particulière : elle commet ses meurtres en prenant le contrôle d'autres personnes, entrant dans leurs tête et leurs corps. Elle oscille entre ses missions très violentes et la vie de famille qu'elle a laissé derrière elle avec son mari et son fils. Elle prend en charge une mission importante qui ne se déroule pas comme prévu. Le film est très violent et très sombre. Je le trouve beau et intriguant mais j'ai du mal à vraiment m'y accrocher. Il y a une froideur, une distance avec les personnages qui fait que je ne peux pas complètement rentrer dedans. Cela reste un des meilleurs films de la sélection même si je lui préfère les plus humains La Nuée et Teddy.

Voilà le week-end ce qui rend les choses un peu plus compliquées pour nous : pas possible de voir des films en journée alors que petit humain est à la maison. Nous voyons tout de même les trois courts métrages restant pendant la sieste : Aquarien, Canines et Sous la mousse. Ma préférence va au dernier, peut-être parce que le petit garçon qui prend son bain ressemble à mon fils. Il est surtout très bien filmé et cette petite histoire de 14 minutes est à la fois pleine d'humour tout en restant légèrement cruelle : une jolie petite pépite.

Le soir, nous pouvons reprendre notre programme. Nous voyons Mosquito State du polonais Filip Jan Rymsza. Un mathématicien qui a fait fortune grâce à un logiciel de prédiction financière semble devenir fou à la veille de la crise de 2008 et laisse son magnifique appartement de Manhattan se faire envahir par les moustiques. Les images sont très belles, le rythme est lent, presque méditatif. Il semble y avoir une portée symbolique, une critique de la finance mondiale et du monde actuel. Mais cependant, il lui manque quelque chose. J'ai du mal à comprendre son propos, à voir où le réalisateur veut nous emmener.

Le deuxième film de la soirée est Sleep de l'allemand Michael Venus. Une jeune femme part sur les traces du passé traumatiques de sa mère dans une petite ville allemande. Elle découvre peu à peu la vérité grâce à ses rêves. Ce n'est pas la meilleure heure pour voir un film car la fatigue se fait sentir. J'ai moi aussi envie de dormir comme les personnages du film. Cependant j'arrive à apprécier ses qualités : l'ambiance un peu lynchéenne, l'image inquiétante de cet hôtel vide entouré de mystère, ces rêves cauchemars qui n'en finissent pas. Quelques aspects du scénario auraient pu être mieux ficelés mais cela reste une belle expérience.

Le dimanche soir, il ne nous reste plus qu'un film à regarder : The Other Side des suédois Tord Danielsson et Oskar Mellander. C'est une histoire de fantôme assez classique. Une famille s'installe dans une maison et la maison mitoyenne n'est finalement pas si vide que ça. Il y a une jeune femme qui découvre comment devenir la "nouvelle maman" du fils de son compagnon, un petit garçon mignon qui devient ami avec un fantôme, des longs couloirs inquiétants, des portes qui claques toutes seules, des silhouettes qui apparaissent dans des coins. Ce n'est pas mauvais mais ce n'est pas bon non plus. L'histoire manque de profondeur et on ne sera pas très longtemps hanté par cette maison abandonnée.

Et voilà, le festival est terminé ! La plate-forme spéciale de diffusion des films est fermée à minuit. Plus tôt dans la journée, le palmarès a été dévoilé par de petites vidéos du jury. Mon favori La Nuée gagne le prix de la critique ainsi que le prix du public. Teddy repart avec le prix du jury Jeune et le prix spécial du jury. Un prix spécial ex-æquo a été décerné à Sleep tandis que c'est Possessor qui rafle le grand prix. C'était une belle édition et une belle expérience. On espère pouvoir retrouver les salles de cinéma bientôt et il nous manquait "l'ambiance festival", la neige, le fromage fondu et l'expérience collective des salles de Gerardmer mais le plaisir de voir les films était bien là !

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Gerardmer 2021 - 1ère partie

L'édition 2021 du festival restera dans les mémoires. Il y avait peut-être de la neige cette année dans la petite ville des Vosges mais nous ne la verrons pas. Voilà un an que le monde vit au rythme de la pandémie de corona virus et la salles de cinéma sont de nouveau fermées depuis cet automne après le court répit de cet été. Alors, comme beaucoup d'autres choses, le festival est passé "à distance". L'organisation du festival a fait un super boulot pour nos offrir les films sur une plate-forme en ligne et le festival se passe donc dans notre salon.

Nous commençons mercredi midi à l'ouverture de la plate-forme de visionage. Nous n'avons pas réussi à acheter un "pass festival" qui nous aurait offert l'accès à l'ensemble des films (les pass étaient en nombre limité et sont partis très vite) alors nous avons acheté les 12 séances des films en compétition et les courts métrages. Entre le boulot et le bébé, nous aurions eu du mal à en voir plus de toutes façons. Cette année, le festival ne sera pas la coupure qu'il avait toujours été, il s'inscrit dans notre quotidien. Autre changement, c'est nous qui faisons notre planing et choisissons l'ordre des films à voir.

Nous ouvrons notre festival avec The Stylist de la réalisatrice américaine Jill Gevargizian. C'est l'histoire d'une coiffeuse qui tue (et scalpe !) ses clientes dont elle admire la vie. Elle-même est seule et n'arrive pas à vaincre son mal-être autrement que par les meurtres et les vies qu'elle s'invente. L'histoire est originale, l'actrice principale douée et son personnage touchant. L'univers à la fois chaleureux et macabre me plaît bien. Cela reste cependant un peu trop prévisible pour sortir du lot à mon goût mais c'est une bonne façon de commencer le festival.

Nous décidons de regarder un deuxième film et partons sur Teddy des français Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma. Les premières scènes m'inquiètent un peu. Le style est assez particulier dans un genre un peu naturaliste potache qui peut facilement sonner faux. Mais alors que le film avance, je me laisse gagner. Les dialogues sont très bien écrits, je me surprends plusieurs fois à rire. Le personnage principal est un jeune adolescent un peu marginal et qui, en plus, se transforme petit à petit en loup-garou. L'acteur principal joue très justement et on s'attache à ce personnage un peu en marge. Les poncifs du film de loup-garou sont revisités façon campagne française paumée. Le film se prend assez au sérieux pour nous raconter son histoire avec subtilité tout en gardant en permanence une certaine distance comique et absurde. Les personnages secondaires sont tous très bien écrits et joués. Ils ont tous un petit côté volontairement mal fichus et à côté de la plaque. Le film qui semblait commencer comme une blague de lycéens est finalement une très belle réussite qui par l'humour nous amène vers le tragique et l'émotion. Une des très belles surprises de ce festival.

Nous reprenons nos visionnages en début de soirée, une fois notre petit d'homme sagement endormi. Notre choix se porte sur le film canadien Anything for Jackson du réalisateur Justin G. Dyck. Cela commence vraiment pas mal, avec un ton légèrement décalé assez plaisant. Un couple âgé enlève une jeune femme enceinte car ils veulent utiliser leurs pouvoirs sataniques pour réincarner leur petit-fils décédé dans le bébé à naître. Voire ces deux charmantes vieilles personnes appliquée très calmement leur plan machiavélique et se soumettre naïvement aux rituels sataniques est très plaisant. L'apparition des premiers démons est aussi plutôt bien fichue. Cependant, j'ai moins apprécié la deuxième moitié du film où j'ai trouvé que le scénario s'enlisait, et les démons devenaient trop nombreux. À la fin j'étais lassée et peu convaincue, déçue après le début prometteur. Cela reste cependant d'un niveau tout à fait acceptable et agréable à voir en festival.

Enfin, on décide de regarder un quatrième film, Host du britannique Rob Savage qui a déjà la grande qualité pour une deuxième partie de soirée de ne durer qu'une heure. D'ailleurs, c'est le meilleur moment pour le voir car son but est clairement d'effrayer et cela fonctionne tout de même mieux le soir. Je pense même qu'il gagne à être visionné comme on l'a fait dans l'intimité de son salon plutôt que dans une salle de cinéma. Car le film joue sur l'actualité et est entièrement présenté comme une séance de visio conférence Zoom : found foutage en mode "Paranormal Activity confiné". Le pitch est simple : un groupe d'amies décident d'organiser une séance de spiritisme à distance (pendant le confinement) et ça tourne mal. Sans être révolutionnaire, le film tient bien la route et joue son rôle de façon très convainquante. Il y a des" jump scare" et des frissons. Je n'ai pas eu très peur mais c'est surtout que j'ai une telle habitude des films d'horreur que je suis rarement effrayée. C'est clairement un bon film de genre et il devrait se faire sa petite place chez les fans.

Le jeudi, nos autres contraintes nous obligent à regarder moins de films : seulement deux longs métrages et un court. Pour couper notre journée de travail et accompagner notre déjeuner, nous regardons l'irlandais Boys from County Hell de Chris Baugh. Cette fois, ce ne sont plus des loups-garous mais des vampires. Le film hésite un peu entre un ton franchement comique et quelque chose de plus sérieux et cet entre-deux est un peu son défaut. Mais cependant, les dialogues sont bien écrits, il y a plusieurs bons éléments et on le regarde avec plaisir.

Le soir, nous voyons d'abord le court-métrage T'es morte Hélène, jolie fable assez drôle sur un jeune homme qui n'arrive pas à se défaire du fantôme de sa petite amie qui s'incruste dans sa vie. Ensuite, nous nous installons pour le film qui semble susciter le plus d'attentes : La Nuée du français Just Philippot. Là encore, cela se passe dans la campagne française. Une femme s'est lancée dans l'élevage de sauterelles. Elle s'occupe aussi seule de ses deux enfants adolescents, elle galère et les sauterelles prennent de plus en plus de place dans sa vie. Tout est juste dans le film : les relations familiales, l'isolement, les difficultés de l'exploitation agricole, la folie, l'obsession. Les sauterelles apportent un élément fantastique qui ne fait qu'exacerber la tension générale du film. On voit les serres blanches se multiplier avec leur vrombissement de plus en plus inquiétant tandis que l'héroïne se saigne littéralement et y laisse petit à petit la raison. La fin est Hitchcockienne, tout à fait magnifique, belle conclusion à la tension maintenue tout au long du film. Belle réussite pour ce premier long métrage du réalisateur !

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Gerardmer 2020 - Samedi

Samedi, nous commençons notre journée avec Vivarium du réalisateur irlandais Lorcan Finnegan. Un jeune couple se retrouve piégé dans un pavillon à devoir élever un étrange enfant. Par cette fable, le réalisateur caricature la vie familiale idéalisée, version publicité Ricoré qui aurait mal tourné. Le ton est cynique, le propos intéressant et les éléments fantastiques bien amenés sans explication lourdingue. On garde en tête ses images étranges, reflets déformés de notre société : les pavillons identiques qui s'étalent dans un labyrinthe infini, l'enfant insondable qu'on est condamné à élever, le couple qui s'enferme dans le silence résigné et l'obstination sans but. Une belle réussite et un de mes favoris du festival.

L'après-midi, nous sommes pour la dernière fois au Paradiso pour voir Blood Quantum du canadien Jeff Barnaby. Beaucoup de frustration pour ce film de zombie ! Il y a beaucoup d'éléments qui me plaisent et qui auraient pu donner un très bon petit film de genre original. On voit l'apocalypse zombie du point de vue d'une communauté amérindienne. Les autochtones se trouvent immunisés contre la contamination tandis que les blancs viennent chercher refuge dans la réserve. Cette inversion du rapport de force sociétal est intéressante mais finalement peu exploitée. La première partie qui illustre le début de l'apocalypse zombie est plutôt bien fichue. Mais le scénario s'enlise dans la seconde partie. On a l'impression que le réalisateur a oublié de nous raconter certains morceaux de l'histoire. Les motivations des personnages sont très floues voire complètement incompréhensibles. Et puis, ça finit par manquer de rythme et par ennuyer. C'est bien dommage car il y avait des choses à dire ! On voudrait revoir le film avec un scénario plus abouti et un meilleur montage !

Il est plus de 23h quand nous rentrons enfin dans le cinéma du Casino pour voir notre dernière séance prévue à 22h30, après quasiment une heure à patienter sous la pluie et le temps apocalyptique de Gerardmer cette année. Le film présenté est The Room de Christian Volckman. Un couple dans une nouvelle maison découvre une pièce qui peut réaliser tous leurs souhaits jusqu'à faire apparaître un bébé sorti de nulle part (c'est la thématique du jour avec Vivarium). Mais toutes ces nouvelles choses, jusqu'à l'enfant lui même, semble n'offrir qu'un bonheur illusoire et éphémère. Je dois dire que j'ai un peu de mal à rentrer dans l'histoire. Les deux personnages principaux me sont assez antipathiques et tout ça semble bien superficiel. Cependant, l'intrigue devient plus intéressante à mesure qu'on avance. Le film n'hésite pas à aller au bout de son concept quitte à rentrer dans l'étrange et s'éloigner des bons sentiments et du conventionnel. Au final, je me laisse prendre et c'est plutôt une bonne surprise.

Nous devions voir un dernier film dimanche matin (le Japonais Howling Village) mais comme les personnages de la journée, nous sommes rappelés à nos devoirs de parents (sauf que le notre, il est moins creepy quand même). Notre petit est malade et nous devons annuler nos plans. Mais bon, avec 9 films sur les 10 prévus, c'est tout de même une belle réussite pour cette 17ème participation et surtout première fois avec notre bébé ! De mes trois favoris : Saint-Maud, Vivarium et The Vigil seul Saint-Maud est primé et raffle quasiment tous les prix. Une belle réussite pour ce premier film et sa réalisatrice Rose Glass qu'on espère revoir bientôt !

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