Le départ

Le samedi 22 juillet, je prends le train de Davis jusqu'à San Francisco. Je viens de passer une semaine en conférence dans la petite ville universitaire et je m'apprête à présent à prendre des vacances. Alors que je longe la côte californienne, l'avion qui transporte Sébastien, l'enfant (4 ans) et le filleul (6 ans) atterrit. Nous nous retrouvons bientôt tous les 4 dans le petit appartement que nous louons dans un coin d'Oakland, entre une autoroute et un vendeur de fajitas.

Le dimanche, la famille est encore en décalage horaire et se réveille à 3h du matin. Je dors un peu plus puis nous essayons d'organiser nos 5 valises et autres sacs en vue du voyage à venir. Puis nous prenons le DART et visitons un peu la ville que je connais déjà. Un grand soleil brille mais il fait frais, comme toujours ici. Les enfants rient et courent partout le long du quai entre Embarcadero et le Fisher's Wharf dont nous revenons en cable car. L'après-midi, nous rejoignons un ami à moi dans une banlieue de l'autre côté des collines, là où il fait 30 degrés (ici, la météo est géographique).

Enfin, le lundi c'est le départ. Nous rangeons les bagages pendant que les enfants regardent des dessins animés. Une fois la voiture de location récupérée, nous passons encore plusieurs heures à errer dans la zone commerciale du nord d'Oakland passant de magasins d'équipements de camping, en bazars et supermarchés. Enfin, nous avons à peu près ce qu'il nous faut et pouvons partir pour de bon.

Nous avons réservé nos deux premières nuits à Bodega Bay à environ 1h de route. Nous arrivons vers la fin d'après-midi au State Parc où nous avons réservé. L'emplacement que j'ai choisi un peu au hasard sur le site se trouve tout au bout d'une langue de terre s'avançant sur l'océan, au milieu d'une lande balayée par les vents.

Aucun arbre ne nous protège du vent glacé du Pacifique. Optimistes, nous nous lançons dans le montage de la première tente. Bien vite, les ennuis commencent. Des morceaux s'envolent, impossible de passer les bâtons et d'attacher les différents bouts. Après des efforts titanesque, nous arrivons plus ou moins à accrocher la tente au petit carré de sable. Mais nous ne sommes pas vraiment convaincus du résultat. Elle est toute mal fichue, tordue, et couchée au sol par le vent. On voit mal comment on pourrait dormir à l'intérieur.

Pendant ce temps, les enfants tout heureux courent partout en se roulant dans le sable et en poussant des cris. De temps en temps ils viennent se cacher sous la tente en hurlant à la tempête.

"Tant pis" dis-je à Seb. Ce n'est juste pas possible. Il faut retourner à l'accueil pour demander un autre emplacement et s'il n'y en a pas, on s'en va malgré la réservation pré payée. Il s'en charge pendant que je replie piteusement la tente en prenant garde à ce que rien ne s'envole. Je découvre au passage qu'un des bâtons est effiloché (et me blesse), ce début n'est décidément pas très encourageant.

Seb revient bientôt avec une bonne nouvelle : il y a un autre emplacement, à l'abris du vent. Ouf. Je lui explique par ailleurs qu'un des bâtons est cassé. Je pense qu'on peut le réparer avec du scotch. Il nous dépose au nouvel emplacement beaucoup plus habitable et part à la recherche de scotch.

Pendant ce temps, je monte la petite tente (qui n'est pas cassée car elle n'a pas subit l'épreuve du vent). Les enfants m'aident un peu en tenant pour ne pas que ça s'envole mais là, on est comme caché sous un toit de branche et ça n'a rien à voir avec la première fois. Puis Seb revient : il a trouvé un gros scotch noir de pêcheur qui est parfait. On enroule notre bâton effiloché et on monte la grande tente.

Ouf, voilà 2 tentes montées. On gonfle les matelas et on installe ce qu'il faut pour la nuit. Avec tout ça, le soir commence à arriver. Les enfants sont fatigués et s'impatientent. Il y a plusieurs bobos-câlins-pleurs. L'enfant exige que je m'occupe à présent de LUI et plus des affaires parce que ça suffit à la fin.

On a sorti le pique-nique. On se fait des sandwichs jambons fromage et des chips. Seb et le filleul ont lancé un feu. Bientôt on peut faire griller quelques chamallows. Après le début rocambolesque, cette première soirée de camping termine finalement pas trop mal. L'enfant, réveillé depuis 3h du matin, s'endort dans mes bras : sa batterie inépuisable est enfin à plat. On le porte jusqu'à la petite tente. Bientôt le filleul, Seb et moi finissons de nous préparer. Je m'assure que les enfants n'aient pas froid et on va se coucher pour la première nuit sous les tentes.

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Gerardmer 2023 - Samedi

Nous commençons notre journée avec le traditionnel film en compétition de 11h à l'espace Lac. Aujourd'hui, c'est Zeria du belge Harry Cleven. De l'aveu même de son réalisateur, c'est un film à très petit budget qui est parti d'un projet de recherche sur des expérimentations graphiques. L'œuvre finale ne dure qu'une heure, passant de justesse dans la catégorie "longs métrages". C'est un film d'animation, mélange de marionnettes, masques et autres effets. Seul un personnage parle, en voix off, il est le dernier humain à vivre sur terre. Les images de ses souvenirs défilent tandis qu'il raconte sa vie à son petit fils, premier homme à être né sur Mars. Cependant, la fin de la vie sur terre n'est pas le sujet : elle ne fait qu'appuyer la très profonde mélancolie que porte le personnage principal. J'apprécie assez l'univers visuel et l'ambiance générale. Malgré quelques longueurs, je me laisse porter par la poésie du récit.

À midi, nous profitons de La Géromoise, restaurant que nous retrouvons chaque année avec plaisir. J'ai à peine terminé mes mirabelles flambées que c'est l'heure de retourner à l'espace Lac pour la séance de courts métrages à 15h. Cinq films sont présentés cette année, tous de qualité. Nous voyons Growing œuvre d'une réalisatrice polonaise qui derrière le fantastique défend le droit à l'avortement. Puis le poétique Il y a beaucoup de lumière ici sur les arts du cirque. Le très abouti La Machine d'Alex est mon préféré : film déjanté sur la sexualité féminine et les voitures "hybrides". Il y a ensuite Les algues maléfiques efficace délire entre pote qui fait bien rire la salle même s'il manque un peu de subtilité. Enfin Les racines sauvages offre de belles images.

C'est déjà la fin de l'après-midi et nous rejoignons ma mère et l'enfant rentrés à la maison. Nous profitons de ce début de soirée en famille. L'enfant, qui refuse de faire la sieste depuis plusieurs jours, est épuisé. À 19h45, il est déjà endormi alors que nous partons voir nos derniers films.

À 20h30, nous sommes au cinéma du Casino pour Blood de l'américain Brad Anderson. Le film ne démérite pas et est plutôt agréable. Une mère en instance de divorce découvre que son jeune fils est assoiffé de sang après une étrange morsure. La voilà obligée de chercher du sang humain si elle veut qu'il survive. Les personnages sont plutôt bien fichus et on s'attache à l'histoire. Quand la mère finit par prendre en otage une patiente de l'hôpital, le film prend un tournant plus extrême que j'apprécie assez. La fin reste correcte même si j'aurais préféré quelque chose de moins convenu.

Après Blood, nous enchaînons avec La Tour à 23h. Cette fois, la déception est au rendez-vous. L'idée de départ est intéressante : une tour de HLM est coupée du monde par une sorte de brouillard sombre et mortel. Les habitants doivent se débrouiller pour survivre. Mais le film a énormément de défauts. Le premier, qui m'a le plus dérangée, est l'incohérence fondamentale du scénario. Le principal problème qui nous est indiqué est celui de la faim (logique) et pourtant les habitants vivent plusieurs années en se nourrissant sur leurs réserves (??) ou en... élevant des animaux (?!?). Je n'ai pas besoin que les choses fassent parfaitement sens, je m'en fiche de ne pas savoir pourquoi la tour est plongée dans le brouillard et comment l'électricité peut fonctionner, mais qu'après 5 ans ils aient encore des chips, bah non, ça ne marche pas. Par ailleurs, bien que l'ambiance glauque soit bien rendue, l'histoire est mal racontée. Il y a trop de personnages, qui nous sont à peine présentés, et jamais creusés. La plupart du temps, on comprend à peine ce qui passe. La question raciale, censée être au cœur du récit, est complètement bâclée et clichée. Et pour couronner le tout, le film manque de rythme et l'on se traîne de bla bla en lenteur. Vraiment, un tel gâchis, ça fait de la peine...

Et c'est sur ce film que nous terminons le festival. Nous n'avons pas réussi à réserver des places pour La Montagne, dernier film en compétition présenté le dimanche matin. À une autre époque, nous serions allés attendre une heure dans le froid pour espérer avoir une place en dernière minute mais avec l'enfant, la fatigue, la location à rendre, on préfère laisser tomber surtout qu'il sort au cinéma la semaine suivante. Nous repartons en début d'après-midi sur les jolies routes vosgiennes, espérant bien retrouver le festival l'année suivante. Nous sommes en train d'arriver chez nous quand nous découvrons le palmarès et la consécration de La Pieta qui gagne Grand Prix, Prix du jury Jeune et Prix du public (c'est ce dernier qui m'étonne le plus). Le plus classique Watcher, qui était mon autre favori, repart avec le prix du 30ème anniversaire.

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Gerardmer 2023 - Vendredi

Vendredi matin, nous commençons avec Memory of Water de la finnoise Saara Saarela. Dans un monde futuriste, l'eau est devenue très rare et tout est contrôlé par une terrible dictature militaire. L'ambiance visuelle de ruines technologiques dans des paysages desséchés est intéressante mais l'histoire manque un peu de cohérence et de nuance. Au final, il risque de disparaître rapidement de ma mémoire dans le marasme des films passés.

Après le déjeuner, nous nous dirigeons vers Maurice le chat fabuleux sauf que nous sommes 3 ! C'est la séance enfant et nous tentons d'y aller avec notre fils de 3 ans 1/2. Ça manque de capoter car on se trompe de salle (on va à l'espace Lac au lieu du Casino) puis on découvre qu'il était possible de réserver cette séance, contrairement aux années précédentes. Nous attendons dans la file "sans réservation". L'enfant ne supporte pas de voir l'autre file avancer et il crie "je veux réserver ! Je veux réserver !". Finalement, on arrive à rentrer et on est même placés exprès pour que l'enfant puisse bien voir. La salle est pleine des scolaires du coin avec en sus de nombreux festivaliers.

Le dessin animé, adapté de Terry Pratchet, est très plaisant. Un chat se lie avec une troupe de rats pour soutirer de l'argent à des villageois. L'enfant suit toute l'histoire, très concentré. Nous devons le rassurer un peu quand l'effrayant Roi des Rats apparaît à l'écran. Mais nous sommes surtout très heureux de partager cette expérience avec lui.

Après le film, nous profitons un peu de cette jolie fin d'après-midi alors que le soleil descend sur les coteaux enneigés. Nous prenons un goûter dans un petit café où ma mère nous rejoint puis nous laissons l'enfant pour repartir vers un nouveau film.

Nous voilà pour la suite de la compétition avec La Pieta de l'espagnol Eduardo Casanova. Le film nous plonge tout de suite dans son univers étrange et coloré avec sa musique omniprésente, ses couloirs de marbres, ses chorégraphies roses, ses peintures vivantes. On suit un couple mère-fils fusionnel dont l'équilibre est mis à mal par le désir naissant d'émancipation du jeune homme puis par l'apparition d'une maladie grave. Le style volontairement exubérant peut ne pas plaire mais j'ai personnellement beaucoup apprécié. Le film est d'une grande poésie comme avec les étranges scènes en Corée du Nord. Et bien que la relation mère-fils soit présentée dans un excès presque absurde, elle est loin d'être simpliste et pose des questions profondes sur la maternité.

Nous rentrons ensuite chez nous pour passer la soirée avec notre fils. Nous ressortons alors qu'il est sagement endormi, à plus de 22h, pour aller voir The Nocebo Effect de l'irlandais Lorcan Finnegan. Son précédent film, Vivarium, découvert à Gerardmer, m'avait beaucoup plu. Celui-ci est moins original. On suit une créatrice de mode atteinte d'une maladie mystérieuse et la jeune femme philippine qui s'immisce dans sa vie et prétend la guérir. Très vite, on comprend où l'histoire veut en venir mais la démonstration minutieuse n'en n'est pas moins glaçante et très efficace. Les scènes aux Philippines sont particulièrement touchantes et la dénonciation de l'exploitation textile des pays pauvres est intéressante et originale.

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